Festival Feux de Brazza : pour Hugues-Gervais Ondaye, « personne n’acceptera éternellement de faire des sacrifices au nom de la République »

Samedi 26 Avril 2014 - 3:01

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Quelques mois avant la cinquième édition du festival Feux de Brazza au mois d’août à Mfilou, dans le septième arrondissement de Brazzaville, son directeur, Hugues-Gervais Ondaye, s’est prêté aux questions des Dépêches de Brazzaville. Dans une interview exclusive, il s’est indigné du fait que le gouvernement congolais est loin de soutenir ceux qui ont des concepts culturels qui valorisent le pays. Il faut de l’argent pour mieux organiser cet événement. C’est pourquoi, à quelques trois mois de l’événement, son directeur lance un vibrant appel au gouvernement de la République afin de soutenir ce festival

Les Dépêches de Brazzaville : La cinquième édition du festival Feux de Brazza a lieu au mois d’août à la mairie de Mfilou. Où en-êtes-vous avec les préparatifs ?
Hugues-Gervais Ondaye : L’organisation d’un événement de cette envergure nécessite que l’on se mobilise soi même et aussi les partenaires extérieurs, chose qui n’est pas toujours facile. Mais, en dépit de tout cela, nous avons lancé les préparatifs de la cinquième édition de ce festival à la mairie de Mfilou. L’ossature de celle-ci a été présentée à nos partenaires ainsi qu’aux bailleurs. L’Union européenne et les Afrique-Caraïbes-Pacifiques (ACP) ont répondu favorablement en acceptant d’organiser pour le festival Feux de Brazza un stage pour quelques étudiants d’Allemagne, mais aussi un atelier à l’intention des directeurs des festivals d’Afrique. C’est l’Union européenne qui, par le biais du programme de développement du secteur musical en Afrique, projet que nous avions présenté avec le programme musical en Afrique et le conseil international de la musique, a accepté d’abriter une partie de la déclinaison de ce programme.

Qu’avez-vous pu obtenir à ce jour ?
Nous avons pu obtenir le matériel administratif de la part de Burotop, et la compagnie industrielle du bois du Congo a mis à notre disposition un stock important de bois pour la construction du village du festival, c’est-à-dire les stands et la scène. On continue les négociations avec d’autres partenaires, par exemple pour l’identification de Mfilou, car nous voulons illuminer le village. Beaucoup reste à faire, mais nous sommes en train de peaufiner les participations. Je tiens à signaler aussi que nous avons lancé le premier bulletin d’information du festival de huit pages, qui est déjà disponible et distribué gratuitement.

Une conférence sur les musiques traditionnelles africaines a été organisée tout récemment à Brazzaville. Dans quel but ?
Cette conférence a été organisée en prélude au colloque que nous organiserons au mois d’août en marge de la cinquième édition du festival Feux de Brazza. Ce colloque portera sur l’instrument des musiques traditionnelles africaines et son rôle dans la musique du Congo. Le bras scientifique de notre festival est le Cerdotola, qui est un centre sous-régional inter-États de la protection des langues. C’est ce centre qui organise pour nous ce colloque. C’est ce qui a justifié la présence de son secrétaire exécutif, le professeur Charles Binam-Bikoï, à Brazzaville. Il était venu lancer les préparatifs de ce colloque, et surtout mobiliser les universitaires et les chercheurs autour de ce thème, mais aussi autour de ce festival.

Avez-vous déjà lancé un appel à candidatures ?
Au plan international, l’appel à candidature a été lancé, et nous bouclerons nos listes à la fin de ce mois. Au plan local, nous l’avons fait pour les inscriptions des groupes de Brazzaville à la mairie de Mfilou, où se tiendra le festival. Mais pour l’intérieur, nous allons nous appuyer sur les directeurs départementaux de la Culture pour qu’on puisse identifier les groupes qui répondraient au profil que nous cherchons. Nous avons sorti le premier programme, mais à partir du deuxième ou troisième programme nous pourrons déjà avoir la programmation des groupes, parce que nous avons l’obligation de sortir deux mois avant l’événement la programmation définitive, pour que les gens ne viennent plus faire de réclamations à la dernière minute. Et puis nous devons mettre en branle la logistique pour l’accueil, les logements et bien entendu, organiser le festival.

Finalement, qu’est-ce qui reste à faire ?
Beaucoup reste à faire, car vous savez que le festival Feux de Brazza est un festival à but non lucratif. Nous n’avons pas d’entrées et nous vivons sur les dons des amis. Cette manière de faire ne garantit pas un avenir certain à ce festival. C’est pourquoi nous profitons de l’occasion pour demander au gouvernement de la République de prendre ses responsabilités. La culture est pratiquée ici par des privés, il va falloir que le gouvernement congolais mette des mécanismes d’accompagnement pour que tous les concepts que vous voyez çà et là ne tombent pas. Parce que personne n’acceptera éternellement de faire des sacrifices au nom de la République. Feux de Brazza est aujourd’hui le plus grand événement congolais après le Fespam. Il rayonne. Pour preuve, il suffit de voir les signatures d’accord qu’on signe çà et là. On vient de signer avec le festival Gungu de la RD-Congo. On avait signé avec Andi Festival à Dakar, tout comme avec Nguru Décor, et d’ici-là, nous allons-nous envoler pour Nairobi au Kenya pour signer un autre protocole d’accord. Les gens croient en nous. Il n’y a pas de raison que nous ne soyons pas soutenus. Je profite donc de votre micro pour interpeller le gouvernement afin qu’il prenne ses responsabilités.

Vous dites que vous interpellez le gouvernement afin qu’il prenne ses responsabilités. Si rien est fait, qu’adviendra-t-il ?
Pour l’instant, on se réserve le droit de prendre des décisions, qui certainement pourraient mettre à mal et le pays tout entier et l’Afrique qui croient en nous. Mais, on n’est pas loin de prendre des décisions assez coercitives.

S’il fallait évaluer cette édition en termes de pourcentage, que diriez-vous ?
Je dirais que l’organisation est prête. Il n’y a que les moyens qui manquent. Le dossier financier est bouclé. Le budget de cette édition est de 189 millions FCFA. Nous sommes en train de le décliner au fur et à mesure par les dons que nous recevons çà et là. La construction du village a été chiffré à une trentaine de millions. Si on a déjà un apport en bois de 20 ou 25 millions, on est en train progressivement de réaliser nos prévisions budgétaires, mais ce n’est pas tout, puisqu’il faut recevoir les gens, les nourrir, les loger. Il nous faut conséquemment avoir de l’argent afin de mieux organiser cet événement. C’est pourquoi, nous lançons un appel au gouvernement de la République afin de soutenir ce festival.

Quelle est la particularité de cette édition ?
La première particularité, c’est de savoir que cette édition est très lourde, parce que nous avons fait quatre ans sans organiser le festival Feux de Brazza. Il devait en fait avoir lieu en 2012. Mais les événements douloureux qu’a connus la ville de Brazzaville ne nous ont pas permis d’organiser cette édition. On a donc quatre ans à rattraper. Et il y a beaucoup de sollicitations, de l’intérieur comme de l’extérieur. La deuxième particularité, c’est tout ce qui est prévu courant cette édition. En effet, en dehors des activités proprement dites de Feux de Brazza, il y aura des activités complémentaires qui s’ajouteront. Nous allons abriter par exemple l’assemblée générale du Conseil africain de la musique. Tous les conseils nationaux seront à Brazzaville courant ce mois d’août. Toujours en marge du festival, il y aura la tribune des musiques africaines, un événement porté par le Conseil international de la musique dans chaque région par les conseils régionaux. Il s’agit ici de nominer les meilleures œuvres que le Conseil africain va promouvoir. Le collégial étant déjà constitué, il va donc siéger sur place ici pour nous proposer ces œuvres. Il s’agira aussi d’organiser des ateliers d’initiation aux instruments de musiques traditionnelles, notamment la sanza et le balafon, destinés aux enfants de 8 à 15 ans. Aussi, pour la toute première fois, nous allons recevoir ici pendant le festival, le président du Conseil international de musique. C’est une lourde responsabilité.                        

Propos recueillis par Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Hugues-Gervais Ondaye. (© DR) ; Photo 2 : À l’issue de la signature avec le festival Gungu de Kinshasa. (© DR) ; Photo 3 : lors du lancement des préparatifs de la cinquième édition. (© DR)