Fuyant la violence religieuse de Boko Haram, il trouve la mort sous les coups d’un raciste en Italie

Jeudi 7 Juillet 2016 - 14:38

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Un demandeur d’asile nigérian est décédé mercredi dans la région des Marches des suites d’une agression raciste.

Il s’appelait Emmanuel Chidi Namdi. Il a fui la zone nord du Nigéria où les chrétiens sont les cibles privilégiées de la secte islamiste de Boko Haram. Avec sa fiancée Chinyery, ils ont alors entrepris le long voyage. A pied et en camion le plus souvent, ils ont gagné le Niger voisin. En tentant de passer en Libye, ils sont attrapés par des garde-frontières, roués de coups : Chinyery qui était enceinte de trois mois y perd son bébé. Il faut repartir.

Tant bien que mal ils gagnent la Libye. Un passeur leur fait traverser la Méditerranée ; ils arrivent à Lampedusa, en Sicile, et se débrouillent pour gagner le nord de l’Italie. C’est dans la région des Marches, dans la localité de Fermo (nom drôle s’il en est, qui se traduirait par « à l’arrêt ! »), qu’ils finissent par déposer leur demande d’asile bien étayée. En attendant la suite, les deux fiancés, chrétiens, sont devenus des fidèles assidus de la paroisse voisine.

Il y a trois jours, leur destin bascule. Se promenant dans les rues de Fermo, ils croisent un homme corpulent du nom de Amedeo Mancini. Il est connu de tous pour être le propriétaire d’une ferme des environs, mais aussi pour conduire les irréductibles de l’équipe de football locale, les ultras. Sans que rien n’ait préparé à ses paroles, il lance à la fiancée d’Emmanuel : « Tu ressembles à un singe africain ». Insulte raciste classique dont même Cécile Kyenge Kashetu, l’ex-ministre italienne d’origine congolaise, a fait les frais quand elle était au gouvernement.

Le jeune Nigérian (36 ans) n’y pense pas par deux fois et s’en va à l’assaut du colosse, qu’il terrasse et jette à terre pour sauver l’honneur de sa femme. Mais l’orgueil de celui-ci a été doublement blessé : il arrache un panneau indicateur et l’assène sur Emmanuel. Il double son geste d’un coup de poing violent. A terre, il continue de rouer de coups le corps sans vie du Nigérian qui est conduit à l’hôpital dans le coma. Soins intensifs ; respiration artificielle ; grande mobilisation. Mercredi soir le verdict : Emmanuel Chidi Namdi a cessé de vivre.

Ce jeudi matin c’est toute l’Italie qui s’est réveillée sonnée par cette histoire. Le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, a fait le déplacement de Fermo pour réunir une cellule de crise. La ministre des Réformes et de l’Egalité des chances, Maria Ellena Boschi, a twitté : « A Chinyery, compagne d’Emmanuel, l’affection de toute l’Italie. Nous devons rester humains ». Il n’y avait pas un seul journal qui ne mettait à la Une la photo du couple détruit, l’un titrant : « Ce n’est pas cela, notre Italie ».

Mais ce drame s’ajoute à une longue liste d’autres drames de l’immigration. Il y a trois ans, Alex, un Congolais de 40 ans, avait été frappé par la police au Maroc et était entré dans un coma mortel dans un hôpital de Tanger. Mais mercredi aussi, en Italie, un autre drame s’est noué. A Livourne, un jeune Gambien s’est jeté à la mer pour se baigner ; il en est ressorti cadavre, sans doute foudroyé par un malaise cardiaque. Cet épisode rappelle un drame similaire qui a frappé, il y a quatre ans, la communauté congolaise dans la cité de Latina, au sud de Rome.

Lucien Mpama

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