Haïti : la terreur des gangs ne laisse pas la communauté internationale en émoi

Lundi 22 Mai 2023 - 11:30

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Le pays devient invivable du fait des troubles infligés par des bandits de grand chemin à la population. Dans ces conditions, plus personne ne comprend la réticence de la communauté caribéenne, des Etats de l’Amérique latine, des pays occidentaux, de la Russie, de la Chine, du Japon, de l’Inde… à prendre la tête d’une force internationale d’intervention pour cette nation gangrenée par des violences. Et cela, en dépit des appels répétés de nombreux observateurs qui militent en vain pour l’envoi d’une telle mission sur place.

Enlèvements, violences sexuelles, trafic d’êtres humains, exécutions extra-judiciaires et enrôlement d’enfants dans les groupes armés, pour ne citer que ces exemples, tel est le sombre tableau dressé par des témoins et les Nations unies au sujet du calvaire quotidien vécu par des citoyens sans défense. Dans pareille circonstance, toute personne ou nation éprise de paix devrait se sentir interpelée: ce qui n’est pas le cas puisque des décideurs internationaux reconnus tels que les chefs d’Etat du monde entier, responsables d’organisations internationales ou hommes d’affaires, continuent de garder un silence coupable.

A travers le territoire national, l’homme est devenu un loup pour l’homme. A ce jour, les Nations unies estiment que plus de 600 personnes ont été tuées pour le seul mois d’avril dans « une nouvelle vague de violence extrême » qui a frappé plusieurs quartiers de Port-au-Prince, la capitale. Et au cours des trois premiers mois de cette année, sans compter les mois et les années antérieurs, au moins 846 personnes ont déjà été tuées. S’y ajoutent plus de 393 personnes blessées et 395 enlevées au cours de la même période, soit une augmentation de 28% de la violence par rapport au trimestre précédent.

Aux Etats-Unis, les autorités craignent de mettre les Américains en danger pour sauver la vie des Haïtiens, préférant promettre leur soutien à un pays tiers qui prendrait la tête d’une mission d’intervention dans cette sorte de jungle qu’est devenu Haïti. Le Canada, vers qui tous les yeux étaient tournés, semble également juger l’opération trop risquée. En attendant de trouver les pays qui oseraient s’engager en Haïti, les violences subies par la population suscitent tout de même des condamnations à travers le monde. Mais que peuvent valoir ces condamnations s’il n’y pas un engagement militaire des grandes puissances pour contenir les cohortes du mal sur le sol haïtien ?

Des voix s’élèvent certes pour se dire consternées par le fait que des appels en faveur d’une force d’intervention soient restés jusqu’à ce jour sans réponse. « Il y a, en effet, de la réticence de la part de pays qui ont une plus grande capacité pour mener ce type d’opération (…), car il s’agit davantage d’une opération de police », a déclaré, par exemple, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, lors d’un point de presse à Kingston aux côtés du Premier ministre jamaïcain, Andrew Holness.

Le pays suspendu au-dessus du précipice

 « J’en appelle avec force à ces pays qui sont en capacité de le faire parce que Haïti n’est pas qu’un problème pour les Haïtiens, c’est un problème pour la région et dans une plus large mesure pour nous tous », a-t-il ajouté.

Le chef de l’ONU répondait, la semaine dernière, aux questions des journalistes sur l’absence supposée d’efforts significatifs de pays comme les Etats-Unis, le Canada, la France, l’Allemagne et autres pour collaborer avec les (quinze) Etats de la Caricom (Communauté caribéenne), dont la Jamaïque est membre et qui est favorable à une intervention chez son voisin haïtien. Il a estimé que « la meilleure manière de dépasser cette réticence (...) est de mettre sur pied un processus politique crédible », allusion faite à l’organisation d’élections législatives et présidentielle en Haïti. Mais les experts avancent qu’il est impossible de tenir ces scrutins dans les conditions actuelles où le Premier ministre, Ariel Henry, nommé seulement 48 heures avant l’assassinat du dernier président, Jovenel Moïse, en juillet 2021, est contesté sur sa légitimité. Le dernier scrutin a eu lieu dans ce pays en 2016.

Dans un rapport trimestriel rendu public le 9 mai, l’ONU souligne que la violence à Haïti ne devient pas seulement plus extrême et plus fréquente, mais qu’elle s’étend inexorablement à mesure que les gangs cherchent à répandre leur contrôle. Il déplore le fait que des groupes d’autodéfense lancés par certaines personnalités politiques soient à l’origine de lynchages collectifs ayant entraîné la mort d’au moins 75 personnes, dont 66 membres de gangs, au premier trimestre.

Evoquant les tueries qui se poursuivent dans les villes haïtiennes, le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk, a dénoncé « un cycle de violence sans fin en Haïti ». « Le pays est suspendu au-dessus du précipice (…). L’anarchie actuelle est une urgence en matière de droits humains qui appelle à une réponse solide », a-t-il plaidé lors d’une intervention devant le Conseil de sécurité.

Nestor N'Gampoula

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