Vous interviendrez dans quelques jours au Festival de Jazz de Saint-Germain-des-Prés Paris dans le cadre des rencontres « Jazz et bavardages ». Expliquez-nous en quoi vont-elles consister ?
C’est la 11ème année que je programme et anime les rencontres « Jazz et bavardages » au Festival de Jazz de Saint-Germain-des-Prés Paris. De plus en plus, on me donne l’opportunité de choisir des artistes qui interviennent dans le Festival pour la programmation de ces rencontres. Cette année, je suis très heureuse du triptyque qui donne à voir les multiples facettes du jazz. Shaï Maestro un pianiste que j’apprécie beaucoup pour son humanité ouvrira ces rencontres. C’est un citoyen américain né en Israël, dont les grands-parents étaient originaires d’Europe de l’est. L’auteur-photographe camerounais Samuel Nja Kwa présentera son livre intitulé Route du Jazz. Illustré de magnifiques photos, il reviendra sur les racines africaines du Jazz en présence du chanteur de gospel Emmanuel Djob et du musicien free jazz Archie Shepp (sous réserve). Kyle Eastwood, plus que « fils de » s’est vraiment démarqué de son père par son travail. Il parlera de sa jeunesse, de sa musique et de son amour pour le jazz.
Le thème de la rencontre avec Kyle Eastwood est le "Jazz et moi", mais quelle est l'histoire derrière le Jazz et Helmie ?
Je suis rentrée au Congo en 1985 et j’ai découvert les jeux rythmiques des fillettes du pays : le nzango, les jeux de confiance où tu te laisses tomber en arrière dans les bras de tes camarades, les jeux à l’élastique, etc. où il y avait toujours du chant, du rythme. À cette époque, j’avais le rêve de devenir chanteuse même si je ne savais pas par quel chemin le concrétiser. J’aimais beaucoup Michaël Jackson, Whitney Houston, le Hip-hop, etc.
Je suis revenue à Paris où je me suis lancée dans la vie active. À l’occasion d’une réorientation professionnelle, j’ai émis le souhait de travailler dans le secteur musical, bien que je n’avais pas de bases ou de notions musicales. J’ai commencé à chanter en non-professionnelle avec un ami, Quentin, qui jouait dans un groupe de Funk. Dans ce groupe, il y avait un pianiste, Olivier Hilbrunner, qui avait besoin d’une chanteuse jazz pour sa maquette. Puis mon professeur d’anglais m’a offert un billet pour assister au Festival de Jazz de la Villette. Dianne Reeves se produisait ce jour-là et lorsque je l’ai vue sur scène, cela a été la révélation. Je me suis dit : « je veux être comme elle ! ». Deux ans après, je me suis inscrite au Festival Jazz in Marciac. J’étais rédactrice-chroniqueuse dans le journal du festival et j’ai eu l’occasion de réaliser une interview de Diane Reeves. Ce fut une belle rencontre, elle m’a donné des conseils et depuis, je suis toujours en contact avec elle.
Quelles traces du Congo retrouve-t-on dans le Jazz ?
Le Jazz reflète une partie de mes racines. Il existe à la Nouvelle Orléans, un des berceaux du jazz, une place célèbre qui s’appelle Congo Square. Congo comme le nom de mon pays. Avec cette place qui porte son nom, nul doute que le Congo est bien ancré dans le jazz ! Lorsque je composais au début, sans forcément avoir la perception de ce que je faisais, n’ayant pas encore pris de cours, je proposais naturellement beaucoup en 6/8 ou en 12/8, voire des mesures atypiques comme du 19/4. Des rythmes de chez nous. Quand on écoute Wynton Marsalis, on retrouve des rythmes et on ne peut que se demander comment il peut avoir ça, en n’ayant jamais vécu en Afrique. Chez les chanteuses également, on retrouve des éléments dans la diction, le phrasé, ce côté du gospel lancinant, qui évoque les chants réponse africains. De façon plus éloignée, même les noms de certaines villes des États de la Caroline ont leurs étymologies en langues du Congo.
Avez-vous déjà eu l’occasion de vous produire à la Nouvelle-Orléans ?
Je tenais absolument à jouer au Congo d’abord. J’ai pu me produire sur scène au Congo, à la maison, devant mon père, ma mère, mes oncles, mes tantes et les rendre fiers. Les musiciens du groupe traditionnel Téké Mantsieme sont venus avec les cornes, ceux du groupe Congo Ndulé Jazz qui m'accompagnait et moi-même jouyions avec nos instruments occidentaux, c’était un moment exceptionnel ! Maintenant j’aimerais jouer à la Nouvelle-Orléans, le réseau pour s’inscrire dans les festivals est assez compliqué, mais je ne désespère pas de travailler en ce sens afin de faire de ce rêve, de cette envie, une réalité !