Immigration : le monde se bouge enfin, un peuSamedi 25 Avril 2015 - 13:45 La réunion de Bruxelles sur la question des migrations a donné lieu à des prises de position fortes, mais le concret est encore à voir. Les commentaires sont allés bon train jeudi après la tant-attendue conférence décidée par l’Union européenne pour affronter enfin dans une vision d’ensemble la question de la pression migratoire. L’Italie a dû hausser le ton ces derniers jours pour faire bouger une Europe qui semblait jusqu’ici la regarder en spectatrice. Des flux de milliers de personnes ont repris la mer avec la venue du beau temps et cela se traduit par des dizaines de morts chaque jour dans le Canal de Sicile. Plus de 1100 noyés depuis une semaine ; plus de 10.000 arrivés sur les côtes de l’Italie du Sud depuis début mars. Mais, à en croire de nombreux commentateurs, la montagne a accouché d’une souris. Le plan européen pour faire face à la question s’est montré « pas à la hauteur des enjeux » de l’avis de nombreuses ONG humanitaires engagées sur le terrain. Il manque de souffle, ont dit des institutionnels. Amnesty International dénonce « un plan d’une insuffisance lamentable » qui met « la manipulation avant les vies ». « Saboter, détruire (les bateaux), repousser : ces mots qui ne sont pas accompagnés de leur complément nécessaire comme protéger (des vies), sauver, accueillir ne portent pas bien loin », a estimé Mgr Giancarlo Perego, directeur de la fondation Migrantes. Organisme du Vatican destiné à l’aide aux migrants, cette fondation est souvent la première à recevoir le cri de détresse des immigrés quand ils sont en difficulté en mer. Le Vatican a été en première ligne pour déplorer à plusieurs reprises que la Méditerranée « soit devenue un cimetière » pour reprendre les mots du pape François. L’Union européenne, pour mettre un terme au drame infini de ces dizaines de morts en Mer Méditerranée s’est accordée, au-delà des déclarations de principe, à « identifier, capturer et détruire les bateaux avant qu'ils ne soient utilisés par les trafiquants ». La priorité semble donc plus porter sur les trafiquants ; pas sur les migrants dont Rome dénonce pourtant le poids surhumain qu’ils exercent sur la seule Italie. L’Union européenne fait valoir qu’elle pourrait conduire une opération militaire ciblée en Libye pour y mener la guerre contre les trafiquants. La réunion de jeudi à Bruxelles a aussi donné lieu à la répétition de propos mille fois entendus, mais jamais mis en application comme l’urgence de résoudre la crise libyenne. Un des derniers à en parler, le président Denis Sassou N'Guesso semble avoir ouvert les yeux à beaucoup. Le président congolais a, à maintes reprises, réaffirmé qu’avoir mené à la chute le régime Kadhafi fut une erreur. Jeudi, le président français François Hollande a convenu qu’il fallait en effet « réparer les erreurs d’hier ». « Si le monde reste indifférent à ce qui se passe en Libye, alors, même si on met davantage de moyens, davantage de surveillance, davantage de présence en mer, davantage de coopération, davantage de lutte contre les terroristes, il y aura toujours cette cause terrible qui est le fait que ce pays n'est plus dirigé, n'est même plus gouverné, il est dans le chaos. La question c'est de savoir comment se fait-il qu'après une intervention il y a plus de trois ans et demi il n'y ait eu aucune réflexion sur ce qui devait se passer après », a dit M. Hollande à Bruxelles. Cette pique apparente semble avoir été décochée contre son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui conduisit à l’effondrement du régime libyen sans regard sur les conséquences dans le pays et la sous-région. Les voix africaines furent hier ignorées ; elles sont aujourd’hui prises en considération mais le mal est fait. Jean-Claude Junker, le président de la Commission de l’Union européenne a rencontré la présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma. Tous deux ont convenu que le monde « a besoin d’un interlocuteur fiable et stable » en Libye ; que « les interlocuteurs libyens s’engagent vite dans le processus de réconciliation » et forment un gouvernement d’union nationale. Mais la Libye n’est qu’un maillon dans une chaîne complexe où se jouent à la fois la montée de l’extrémisme religieux musulman ; la recomposition des réalités sous-régionales au Maghreb et dans le Sahel et la reconstitution de pays qui n’ont pas encore su trouver la réalité commode pour les peuples de l’après-printemps arabe. « Il est évident que toutes les personnes à bord de ces bateaux ne sont pas des personnes ou des familles innocentes. Notre effort à combattre le terrorisme en Afrique du Nord doit se développer pour éliminer une telle menace qui crée le terrain fertile à la traite d’esclaves », a dit le Premier ministre italien Matteo Renzi. Lucien Mpama |