Interview. Dr Nadine Koubatika : « L’idée est d’adapter le rôle du pharmacien clinicien en fonction des pratiques actuelles au Congo »

Vendredi 24 Novembre 2023 - 12:11

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Actuellement pharmacien praticien hospitalier au sein de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP), en poste depuis une vingtaine d’années dans une pharmacie à usage intérieur (PUI) où elle est principalement référente d’une unité de production et de reconstitution de médicaments anticancéreux, le docteur franco-congolais, Nadine Koubatika, veut également mettre son expérience au profit du Congo. Entretien.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Docteur, comment devient-on pharmacien des hôpitaux ? Autrement dit, quel est le parcours de formation et les opportunités de carrière de cette filière pharmaceutique ?

Nadine Koubatika (N.K.): Pour avoir accès à un poste de pharmacien hospitalier, il faut au préalable être détenteur d’un diplôme d’Etat de pharmacien. Ce qui vous ouvre le choix d’opportunités sur trois options possibles : officine, industrie ou hôpital. C’est cette dernière option qui vous permet d’exercer comme pharmacien clinicien polyvalent au sein d’une PUI ou comme pharmacien biologiste au sein d’un laboratoire de biologie médicale. Ce parcours est plus ou moins long selon le domaine où l’on souhaite se spécialiser, compter environ six et huit ans maximum.  

L.D.B.C.: En quoi consiste l’activité du pharmacien clinicien dans une structure hospitalière et quel est son intérêt dans un système de soins ?

N.K.: Le pharmacien clinicien a comme rôle principal la validation des ordonnances avant la dispensation aux patients pendant leur prise en charge thérapeutique à l’hôpital. En d’autres mots, vérifier et contrôler toutes les prescriptions médicales faites par le médecin en fonction de la pathologie, l’âge et les comorbidités du patient. C’est un verrou supplémentaire qui permet de détecter les erreurs de dose et les interactions entre plusieurs médicaments avant l’administration au patient; Ce qui peut souvent entraîner des intolérances pouvant engager le pronostic vital du patient car le médicament demeure une substance toxique. C’est pourquoi, le médicament prescrit, délivré ou conseillé après validation pharmaceutique doit répondre aux exigences et conditions de bonnes pratiques hospitalières pour optimiser la prise en charge médicamenteuse du patient.

L.D.B.C.: A votre avis, cette activité est-elle transposable à l’heure actuelle dans une structure hospitalière au Congo ? Si oui, quels sont les prérequis et les dispositions à mettre en œuvre pour y arriver ?

N.K.: Je pense que cette activité peut tout à fait trouver sa place dans une structure hospitalière au Congo. L’idée est d’adapter le rôle du pharmacien clinicien en fonction des pratiques actuelles dans le pays. Nous savons que dans la majeure partie des cas, le patient ou sa famille est redirigé vers les officines de ville pour s’approvisionner en médicaments. On pourrait imaginer un système de validation pharmaceutique d’ordonnances par le pharmacien clinicien de la structure hospitalière juste après la rédaction de l’ordonnance par le médecin, puis orienter le patient vers l’officine. Une fois les médicaments acquis, procéder à l’exécution de cette dernière en prodiguant les bonnes recommandations d’administration pour optimiser l’efficacité du traitement à suivre. Croyez-moi que cela peut éviter des accidents iatrogéniques souvent dus au surdosage ou au mésusage des médicaments. De nombreux logiciels informatiques en interface avec le médecin, pharmacien et infirmier sont disponibles sur le marché et permettent de rendre très fluide la communication entre les différents acteurs de la chaîne de soins.

L.D.B.C.: De votre expérience professionnelle en France, quels arguments mettrez-vous en avant pour inciter et motiver la jeune génération à emprunter cette voie ?

N.K.: L’aspect positif de l’activité de la pharmacie clinique dans une structure hospitalière n’est plus à démontrer. Outre la diminution significative des décès liés aux risques médicamenteux, cette activité a permis de renforcer la collaboration étroite entre professionnels de santé qui, jadis, était très tendue, ce qui est très bénéfique au final car exécutée de manière collégiale au profit du patient.  Développer cette activité dans une structure hospitalière permet également d’envisager un recueil d’informations sur l’épidémiologie de la population et anticiper sur la gestion des épidémies mais surtout développer la recherche clinique sur des pathologies émergentes et endémiques. Ce lien de proximité avec les patients permet d’établir un dialogue serein afin de créer un environnement de confiance indispensable pour optimiser la prise en charge thérapeutique. Dans ces conditions, la contribution du pharmacien clinicien dans l’arsenal thérapeutique d’un bon système de santé devient indéniablement incontournable.

 

Propos recueillis par Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Dr Nadine Koubatika

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