Interview. Freddy Matungulu : « Je suis pour le respect de la Constitution en matière de mandat présidentiel »Mercredi 14 Janvier 2015 - 20:00 Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget de la République démocratique du Congo (avril 2001-février 2003), Freddy Matungulu Mbuyamu Ilankir vient, après un mutisme longtemps affiché sur la scène politique, de rebondir. Homme de conviction dont la maîtrise parfaite des rouages des institutions financières internationales ne fait plus aucun doute, cet économiste de formation est pressenti, dans certains milieux, comme possédant les atouts d’être présidentiable. Conscient de son énorme potentiel intellectuel et surtout des pressions qu’exercent sur lui la plupart des compatriotes qui y voient l’incarnation de l’alternance en 2016, Freddy Matungulu, lui, a la tempérance. Dans un entretien accordé aux Dépêches de Brazzaville, il déclare être désormais dans l’obligation de prendre le temps d’approfondir cette réflexion avant de se prononcer. Les Dépêches de Brazzaville : Le débat politique actuel dans le pays reste dominé par la révision ou pas de la Constitution, ou encore de la loi électorale, avec en arrière-fond des appréhensions autour de la durée du mandat actuel du chef de l’État. Qu’en dites-vous ? Freddy Matungulu : Je pense que ma position en la matière est claire. La Constitution dit que le président de la République est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Je crois que c’est important que cette disposition de la Constitution puisse être appliquée de façon très rigoureuse. Je pense que la stabilité du pays à long terme en dépend. Je suis pour le respect des dispositions de la Constitution en matière de mandat présidentiel. LDB : Plus d’une fois on vous a annoncé comme potentiel candidat à la présidentielle de 2006 et celle de 2011 sans que vous ne vous prononciez là-dessus. Cela procède-t-il d’une stratégie volontaire ? FM : Se lancer à la quête de la magistrature suprême du pays est une action de très grande envergure. Une action extrêmement importante qui nécessite une grande préparation et énormément des stratégies. J’ai pensé en 2006 comme en 2011 que je n’avais pas les moyens nécessaires pour pouvoir me lancer avec un minimum de chance de succès dans une telle action. LDB : Seriez-vous candidat en 2016 ? FM : J’ai eu beaucoup de questions de la part de nos compatriotes sur ce sujet. Beaucoup d’encouragements aussi… Ces encouragements sont désormais si pressants que, pour une fois, je souhaite réfléchir très sérieusement. Je suis maintenant dans l’obligation de prendre le temps d’approfondir cette réflexion et de me prononcer. Je crois que si je ne le fais pas, la plupart des compatriotes qui me saisissent sur la question risquent d’être très déçus. J’en suis conscient, j’y réfléchis et je répondrai très bientôt. LDB : Votre cursus politique reste marqué par votre démission du poste de ministre de l’Économie, Budget et Finances deux ans après l’avènement de Joseph Kabila en 2001. Vous aviez préféré rendre le tablier dans des conditions non encore élucidées à ce jour. Onze ans après, pouvez-vous nous dire ce qui avait motivé votre décision ? FM : Lorsque nous sommes arrivés en 2001, notre objectif était celui de remettre le pays sur la voie d’une bonne gouvernance économique et financière et également d'une bonne gouvernance politique. Il y a des efforts que nous avons initiés à partir de 2001, mais malheureusement je me suis rendu compte très rapidement que les abus dans la gestion des ressources publiques que nous avions beaucoup déplorés notamment à l’époque de feu le président Mobutu refaisaient surface. En tant que gardien du temple en matière de gestion des finances publiques, j’ai décidé de quitter le gouvernement parce que je ne pouvais pas cautionner ces abus. LDB : Est-ce que vous l’aviez dit, à l’époque, à votre hiérarchie ? Quelle était sa réaction? FM : Bien sûr que je l’avais dit. Je l’avais déploré. Personnellement, j’attendais un soutien formel de ma hiérarchie à la démarche qui était la mienne à l’époque. Celle-ci voulait que nous restions dans la ligne droite de la remise en état du pays en matière de gouvernance. Malheureusement je n’avais pas eu ce soutien. C’est pour cette raison que j’étais parti. LDB : Qu’est-ce que vous avez le plus dénoncé et qu’attendiez-vous concrètement comme appui ou piste de solution ? FM : Concrètement, je pensais qu’il était important que toutes les dépenses que nous faisions puissent s’inscrire dans le cadre de la bonne gestion du budget de l’État. J’étais contre les dépenses extrabudgétaires dont la finalité n’était pas très claire. C’est ce que j’avais demandé. Malheureusement comme je l’ai dit, je n’ai pas eu ce soutien formel que j’attendais. Et pour cette raison, j’ai décidé malheureusement de mettre un terme à ma participation au gouvernement. LDB : Pour quelle raison avez-vous choisi de quitter précipitamment le pays qui avait encore besoin de votre expertise après les deux années passées au gouvernement ? FM : Mon expérience m’a montré que la seule présence d’un individu dans un ministère ne suffit pas pour pouvoir donner la bonne impulsion au niveau de l’action gouvernementale dans son ensemble. Et à l’époque, ma conviction était que seul, en tant qu’individu, je n’étais pas en mesure de faire avancer l’ensemble du gouvernement dans la bonne direction. Le contexte politique de l’époque, je le pensais, ne pouvait pas me donner le niveau qu’ils ont d’implication et d’action qui pouvait me permettre de faire véritablement la différence. À l’époque, j’avais décidé de retrouver mes activités, mes fonctions au Fonds monétaire international. C’est ce que j’avais fait. LDB : Arrivez-vous quand même à avoir, à partir de l’étranger où vous résidez, à avoir les nouvelles de la RDC ou pas du tout ? FM : Je suis l’évolution de la situation dans notre pays de très près. Et d’ailleurs, je voyage assez régulièrement sur Kinshasa.
Alain Diasso Légendes et crédits photo :Le Pr Freddy Matungulu |