Interview. Gemaël Yanick Mboumba-Mboumba: « L'Afrique doit changer de paradigme pour se réaliser »

Vendredi 12 Avril 2024 - 9:35

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Auteur de plusieurs livres, Gemaël Yanick Mboumba-Mboumba vient de mettre sur le marché un nouvel ouvrage intitulé « Afrique essoufflée et malade d’elle-même ». Il nous en parle dans cet entretien.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : "Afrique essoufflée et malade d'elle-même", il y a quoi derrière ce titre ?

Gemaël Yanick Mboumba-Mboumba (G.Y.M.M.) : Ce titre se donne à comprendre grâce à la réalité de notre Afrique qui souffre de tous les maux. Le tableau que peint l’Afrique de notre temps est sombre dans sa totalité. En faisant un état de lieux sur l’Afrique, nous réalisons avec force qu’il y a une suite programmatique des événements douloureux qui la tirent vers le bas. En ce sens, notre analyse met à jour la centralité de la souffrance constante de l’Afrique. Ce continent doit donc changer de paradigme pour se réaliser pleinement, la nouvelle pensée africaine peut servir de terreau, pour sortir de ce labyrinthe…

L.D.B.C. : Comment vous est née l’idée de ce livre ?

G.Y.M.M. : L’idée du livre fait mention de la jointure d’une réalité, d’un continent qui est sans repère et d’un espace qui est sans liberté. En effet, cette logique marque un tournant complexe dans la conscience avortée d’une Afrique martyrisée et essoufflée d’elle-même. La fibre scientifique du livre montre que l’Afrique n’a ni la puissance économique ni la puissance militaire et encore moins la puissance culturelle. Cette faille repousse l’Afrique dans un autre lieu, qui fait d’elle un continent enchevêtré par une histoire du cycle répété de la dépendance, depuis un peu plus d’un demi-siècle.

L.D.B.C. : Écrivez-vous pour le plaisir ou bien pour défendre l’Afrique ?

G.Y.M.M. : Nous n’écrivons pas pour un plaisir quelconque, mais pour mettre en lumière nos idées, nos observations, nos analyses. De ce fait, nous en dirons pas moins. Car, l’Afrique est sans doute l’utérus du cosmos et la nouvelle pensée africaine le démontre scientifiquement. Mais, nous constatons que l’Afrique est aujourd’hui calcinée et vit douloureusement dans l’effacement, son déclin s’est accentué avec acuité après les indépendances, par suite des incohérences, des faiblesses, de l’incapacité intrinsèque de son peuple. Nous avons des grands penseurs en Afrique comme Théophile Obenga, Charles Zacharie Bowao, Didier Ngalebaye, Auguste Nsonsissa, Laurent Ngankama, Marie Joseph Samba Kimbata, Innocent Péa, Elikia Mbokolo, et Yolande Berton Ofoueme auxquels nous allons rendre hommage sous peu, pour leur grande contribution scientifique au sein de notre Université Marien-Ngouabi.

L.D.B.C. : Peut-on dire que l’Afrique vit et entretient un hiatus entre ce qu’elle veut et ce qu’elle fait ?

G.Y.M.M. : Nous pouvons le dire de façon comique mais sans une profondeur intrinsèque et viscérale. Or, l’Afrique produit ce qu’elle ne consomme pas et consomme ce qu’elle ne produit pas. La résurgence de maux séculaires autrefois disparus, le pullulement de fléaux de toutes natures, présentent un mimétisme social et culturel qui accentue la spirale de la dépendance et de la différence. Et pourtant, l’Afrique a des potentialités économiques évidentes, qui renforcent les ressources des économies extérieures, tandis que sa misère est cruelle, au point où elle est présentée aujourd’hui comme le continent de la décadence et de pauvreté par excellence, où l’hypocrisie est institutionnalisée.

L.D.B.C. : Chaque Africain prend-il conscience qu’il est héritier non seulement sans héritage mais aussi et chroniquement endetté ?

G.Y.M.M. : Effectivement, il y a une relation entre l’homme contemporain et la dette. En effet, notre continent, si ce n'est pas le premier, est le plus endetté qui soupire après et derrière les grands créanciers afin d’obtenir une annulation du fardeau qui est comme une ombre et un fantôme qui fragilise les équilibres macro et micro économiques.

Les économies africaines ne sont pas résilientes. Or, leur vulnérabilité matérialise le processus de l’endettement qui prend corps dans l’implémentation du circuit économique. Pour tout dire en une expression, du berceau à la tombe, l’Africain est pris dans les maillons de l’endettement. Ainsi, le nouveau-né hérite non seulement de cette dette qu’il porte comme le péché originel, mais aussi comme les semences d’une existence tropicalisée et de la certitude d’un avenir crucifié.

Propos recueillis par Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

1- Gemaël Yanick Mboumba-Mboumba/DR 2- La couverture du livre/DR

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