Jimmy Scott : une grande figure du jazz disparaît

Samedi 21 Juin 2014 - 0:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Il s’est éteint dans son sommeil à l’âge de 88 ans, le 12 juin. Jimmy Scott était un grand jazzman américain, pourtant injustement méconnu

Passé très tard de l’ombre à la lumière, Jimmy Scott est de ces artistes marginalisés, écartés par une industrie musicale parfois malhonnête, victimes des sombres travers d’une société américaine postségrégation. Né le 17 juillet 1925 à Cleveland dans l’Ohio, Jimmy Scott est venu au monde avec l’ombre planante de la tragédie au-dessus de sa tête. À l’âge de 13 ans, sa mère, qui l’a initié au chant, se fait renverser par un chauffard sous l'emprise de l’alcool. Son père, déjà absent, finit par l’abandonner, lui et ses neuf frères et sœurs. Peu de temps après le drame, Jimmy Scott est atteint du syndrome de Kullmann, une maladie qui le fera vieillir dans un corps d’enfant et empêchera sa voix de muer. Jimmy Scott devient pour toujours Little Jimmy Scott.

Il quitte cette vie en 1955 pour New York. Il commence sa carrière en intégrant l’orchestre de Lionel Hampton où il fréquente Quincy Jones, enregistre un, puis deux albums dans les années 1950 et 1960. Malgré le succès et le soutien de Billie Holiday ou encore Ray Charles, le chanteur à la voix énigmatique suscite souvent une curiosité malsaine. Les labels ont flairé le bon coup et ils sont deux, successivement, à l’entourlouper. Jimmy Scott finit par s’éclipser à la fin des années 1960, et retourne à Cleveland où il enchaîne les petites tâches dans des hôtels et hôpitaux, en continuant à chanter çà et là dans les clubs de la ville.

Un retour inespéré

Trente ans plus tard, en 1991, il est invité à chanter aux obsèques du bluesman Doc Pomus, selon la dernière volonté de ce dernier. Jimmy Scott revient dans la lumière, c’est au tour de Lou Reed de le solliciter pour apparaître sur son disque Power and Glory, au réalisateur David Lynch de le faire faire jouer et chanter dans la série Twin Peaks, à Madonna de louer sa voix, ou encore au président Bill Clinton de le faire chanter lors de sa cérémonie d’investiture. Jimmy Scott revient dans le circuit. Il enregistre une dizaine albums jusqu’à sa mort, dont All The Way, pour lequel il recoit un Grammy Award, la belle revanche d’un artiste damné.

Jimmy Scott a fait de cette voix énigmatique, à laquelle on n’attribue ni âge ni sexe, le plus bel allié pour traduire l’émotion du blues et raconter sans violence ce destin souvent cruel. Il était l’un des derniers grands  jazzmen américains. À son sujet, Lou Reed disait : « Il a la voix d’un ange et il peut vous briser le cœur. »

Morgane de Capèle