Médias : la FES et la Fésytrac font l’autopsie de la presse congolaiseSamedi 7 Décembre 2013 - 16:00 Dans une brochure publiée le 6 décembre à Brazzaville à l’initiative de la Friedrich Ebert Stiftung (FES) et de la Fédération syndicale des travailleurs de la communication (Fésytrac), quelques professionnels des médias et membres de la société civile congolaise ont analysé la situation de la presse congolaise, avant de faire un plaidoyer pour la sortir de l’état dans lequel elle se trouve Selon le Baromètre des médias africains : cas du Congo-Brazzaville, édité en version française et anglaise, la constitution du 20 janvier 2002 et autres lois de la République accordent aux citoyens un large éventail de libertés, précisément la liberté d’expression et la liberté des médias. Cependant, souligne-t-il, les Congolais ne sont pas en mesure d’exercer ces libertés sans crainte. « Le Congo est l’un des rares pays d’Afrique centrale à abolir les peines de prison pour les délits de presse, mais les journalistes sont souvent traînés en justice et sont victimes d’arrestations arbitraires, de menaces de mort et même de meurtres », peut-on lire dans ce document publié en présence du directeur de cabinet du ministre de la Communication, Auguste Kinzonzi-Kitoumou, et du représentant résident de la FES pour le Cameroun et l’Afrique centrale, Denis Tull. Pour une population d’environ 4 millions d’habitants, ont mentionné les panelistes, environ cinquante journaux sont déclarés au Congo, dont vingt sont réguliers et desservent les grandes villes. S’agissant de l’audiovisuel, ils ont comptabilisé une vingtaine de stations de radios et une douzaine de chaînes de télévision. Pour eux, la législation actuelle des médias est chargée d’un certain nombre de contradictions. « Ce que la loi accorde dans une disposition est retiré dans une autre. La loi 2001 sur la liberté d’information et de la communication ne restreint pas l’entrée dans la profession de journaliste, elle définit le journaliste simplement comme toute personne dont l’occupation principale et régulière est la production de contenus éditoriaux. Pourtant, la même loi met en place une commission nommée en grande partie par le gouvernement avec le pouvoir de délivrer et de retirer les cartes de presse. » Ils ont également souligné que la loi, qui garantit la protection des sources d’information, obligeait, en même temps, les journalistes à produire des témoins lors d’un procès en diffamation. Au cas contraire, l’article incriminé est considéré comme leur propre invention, dans plusieurs cas, les journalistes ont été contraints d’amener leurs sources à témoigner à huis clos. Le panel constitué des cadres locaux a épinglé certaines difficultés rencontrées par les journalistes dans la quête de l’information. Le Baromètre, qui évalue pour la toute première fois les médias congolais, a déploré le manque d’une politique de développement clairement définie ou d’une disposition statutaire pour subventionner les médias. « Les textes d’application de plusieurs dispositions légales qui auraient pu améliorer l’environnement des médias n’ont pas été signés, notamment la loi régissant la délivrance des licences de l’audiovisuel. » L’indépendance n’est plus suffisamment garantie Il a, par ailleurs, mentionné la domination du parti au pouvoir dans les médias publics et la restriction de l’espace accordé à l’opposition. Certains partisans de l’opposition ont peur, pense-t-il, de parler dans les médias en raison de l’intolérance politique qui prévaut. Il a ensuite regretté le fait que le processus décisionnels des rédactions était souvent influencé par des facteurs qui n’étaient pas de nature journaliste. « Les événements d’actualité parrainés par le gouvernement, par exemple, obtiennent plus d’espace dans les colonnes des journaux et sur les ondes. Le Conseil supérieur de la liberté de communication est responsable de la réglementation de la radiotélévision dans tout le pays. Il est investi de pouvoirs, mais son indépendance n’est plus suffisamment garantie et il est perçu comme un organe au service des autorités du gouvernement et du parti au pouvoir », a-t-il commenté. Parlant des médias d’État, le panel a rappelé que Radio et Télé-Congo n’avaient pas de conseil d’administration et les deux directions relevaient chacune directement du ministère de la Communication. Elles reçoivent des dotations financières du ministère et n’ont pas de budget autonome. « Le personnel des rédactions et de gestion de ces deux médias est contraint de suivre la ligne tracée par le gouvernement et les autorités publiques. » Abordant les aspects pratiques, ils se sont rendu compte que le manque de formation et les mauvaises conditions pourraient être la cause de plusieurs dérapages constatés dans le respect de l’éthique et de la déontologie professionnelle. « Les journalistes et autres professionnels des médias sont généralement sous-payés. Le salaire est beaucoup plus bas dans le secteur privé. Dans les pires des cas, certains organes privés ne paient pas leurs journalistes, qui sont obligés de vivre de la charité et des faveurs de la part des organisateurs d’événements. En 2009, les journalistes et leurs employeurs ont signé une convention collective, mais peu d’organes de presse respectent ses termes. » Quelques recommandations C’est ainsi que le panel a suggéré un certain nombre d’activités à mener dans les deux ou trois prochaines années. Il s’agit, entre autres, de la large diffusion du rapport du MBA ; la création d’une Maison de presse et d’une plate-forme pour le dialogue entre les organisations des médias et l’État dans les domaines des réformes des lois, de l’adoption des textes d’application, et de l’adoption d’un statut spécial pour les journalistes. Enfin, faire un plaidoyer pour un soutien au développement des médias congolais. Le baromètre des médias africains est une description en profondeur et une évaluation compréhensive de l’environnement médiatique sur le continent africain et un exercice d’auto-évaluation effectué par des Africains et selon les critères et déclarations comme la Déclaration des principes de la liberté d’expression en Afrique (2002) de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Il a été créé en 2004 par le projet médias de la FES en Afrique, en collaboration avec l’Institut des médias de l’Afrique australe. Rappelons que la FES soutient la presse congolaise depuis 2005 à travers la Fésytrac. Parfait Wilfried Douniama |