Migrations : des centaines d'individus en mer pour tenter de gagner l’ItalieSamedi 14 Février 2015 - 11:52 Pas même le nombre élevé des morts de ces derniers jours ni les températures rigides ne semblent freiner les flux de migrants clandestins. Il n’y a plus à ce jour un seul parti politique en Italie, de droite ou de gauche, qui ne se sente obligé de faire entendre son évaluation de la situation extrême de la péninsule seule face à l’arrivée des flux de migrants. Que l’évaluation soit politique, sociale ou humanitaire, les points de vue s’élèvent pour souligner le caractère exceptionnellement insupportable de la situation actuelle. Vendredi, la petite ville sicilienne de Lampedusa, devenue à son corps défendant le symbole de tous les drames de l’immigration, a organisé une marche de solidarité avec les migrants et pour protester contre la transformation de leur canal de Sicile et de la Méditerranée « en cimetière des migrants ». Geste dérisoire dont la portée symbolique ne peut atteindre ni Rome ni, surtout, les côtes libyennes à partir desquelles les flots d’intrépides sont déjà sur les plages pour tenter leur chance à ce qui est devenu une véritable roulette russe. L’Italie a fait savoir vendredi en effet que des centaines de migrants avaient déjà pris la mer, alors que les garde-côtes sont encore à la recherche de quelque 300 migrants ayant sombré en mer dans la nuit de samedi à dimanche. Trois frêles canots pneumatiques avaient quitté la Libye alors que les vents soufflaient à plus de 120 Km/h et que sur toute l’Italie le temps était au froid intense. Seuls 29 cadavres ont été retrouvés, des personnes mortes de froid en pleine mer. Des autres, aucune trace. Restent les récits effrayants des quelques survivants ayant vu une ou deux des embarcations emportées par le fond par une mer démontée ! Drame dans le drame Don Mussie Zerai, prêtre érythréen qui se dépense sans compter pour venir en aide aux migrants franchissant la Méditerranée, indique que avoir reçu des coups de téléphone désespérés. Des centaines de personnes l’ont appelé. Il s’agit de migrants séquestrés par des miliciens en Libye qui exigent le payement jusqu’à l’équivalent de plus d’un million de francs CFA chacun pour pouvoir recouvrer la liberté. Et les laisser courir vers une quelconque plages de Tripoli pour tenter leur chance ! La décomposition de l’État libyen Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, en est convaincu : une partie de la solution à ce problème passe par la Libye et par l’ONU. Les migrants (des Érythréens, des Somaliens, Éthiopiens mais aussi des Maliens et des Nigériens et même des Ivoiriens) trouvent le passage par la Libye la voie la plus courte pour gagner les abords de la Méditerranée. Mais la déliquescence de l’État libyen depuis la chute du régime du colonel Kadhafi en 2011 a favorisé une anarchie qui ne permet plus d’endiguer ces flux. Cela explique que la pression soit moins forte à partir de la Tunisie ou du Maroc, pourtant eux aussi pays du pourtour méditerranéen, mais avec un État central en fonction. « Je ne crois que l’urgence regarde seulement l’Italie », a dit M. Renzi au siège de l’Union européenne, à Bruxelles, où il était jeudi. « Je l’ai dit aux autres chefs de gouvernement, c’est une urgence internationale. Il est normal que pour l’Italie cela soit un problème à résoudre avec détermination et un engagement redoublé. Mais il s’agit aussi d’une question qui exige l’intervention de la communauté internationale en Libye », a-t-il estimé. « Un leadership de l’ONU est nécessaire pour agir avec plus décision », estime le Premier ministre italien. En attendant, les structures de son pays sont au bord de l’implosion, tellement les migrants y sont en inhumaine surpopulation. Même dans l’hypothèse de leur renvoi chez eux, ce qui est souvent le cas, il faut le temps de relever leurs identités. Car parmi eux se trouvent des requérants d’asile dont il faut étudier les dossiers au cas par cas. Le système d’accueil des migrants subit une pression de +63% depuis le mois de janvier, souligne l’ONG italienne Fondation Leone Moressa. Depuis le début de cette année, 3.500 migrants sont arrivés en Italie ! Ils sont répartis dans différents centres de regroupement sur tout le territoire, mais ceux-ci sont au bord de l’asphyxie. Cette pression a lieu malgré des mesures de dissuasion, allant de la fermeté à l’éducation et à l’information sur ce qui attend les immigrés qui tentent d’entrer en force en Europe. Vendredi, la cour d’appel d’Agrigente, au sud de l’Italie, a condamné à 30 ans de prison ferme le Somalien Mouhamud Elmi Mudidin, 34 ans. Le 3 octobre, il avait pris le timon d’une embarcation en piteux étant et ayant sombré aux abords des côtes italiens faisant …366 personnes entre femmes, vieillards et même nourrissons ! Sans doute un coup d’épée dans l’eau, sans vilain jeu de mots … Ces nouvelles arrivent au moment où l’Italie ne peut même plus « se consoler » avec la vigueur démographique que lui procurait l’immigration. Si le pays reste en léger dynamisme démographique avec une population en hausse à 60,8 millions d’habitants l’ISTAT, l’institut italien de la statistique, a indiqué jeudi que l’an dernier l’Italie a enregistré plus de décès que de naissances. La péninsule aurait enregistré 5.000 naissances de moins que l'année précédente. C’est, soutiennent les démographes, le niveau de naissances le plus bas depuis l'unité italienne en 1870 ! Lucien Mpama |