Musique : Benoît Tam Tam donne le ton !Vendredi 6 Novembre 2020 - 14:00 Depuis plus de 17 années, Benoît Narcisse Tchichimbi, né à Brazzaville, est devenu un visage familier et incontournable pour les téléspectateurs amateurs de musique de la chaîne Télé Congo. Alors que les artistes congolais sont enlisés dans une crise sanitaire sans précédent, « Benoit Tam Tam » nous éclaire sur les contours du paysage médiatique et culturel d’aujourd’hui.
Benoît Tam Tam (B.T.T): Je l’avoue, il faut admettre qu’il est quelque peu sinistré. Cela tient évidemment à un manque de financement, il se ressent le besoin de redéfinir ce secteur et de le recadrer. Le coronavirus est venu clouer brutalement les revendications et efforts entrepris et qui étaient en cours. L.D.B.C : Comment réagis-tu face à l’indifférence des institutions dans ce contexte ? B.T.T : Parler des institutions, c'est parler politique, je n'y suis pas trop favorable. Certes, le secteur musical dépend en partie de la volonté politique, mais le véritable détonateur reste le secteur privé, dans sa consommation des oeuvres, des spectacles et autres produits du monde culturel. Il est dommage que l’on veuille bien souvent tout conditionner à l'apport de l'Etat. L.D.B.C : Sur les réseaux sociaux, tu lances de nombreux débats de fond quant au paysage médiatique et musical congolais, te sens- tu une âme de militant culturel ? B.T.T : Avec l'expérience que j'ai, ce serait dommage que je ne me retrouve pas dans le débat culturel ou même dans celui de la corrélation entre les médias et la culture. Je vais à ce propos me lancer dans l'associatif car j'ai besoin que l'on restructure les choses. Le constat est que personne, que ce soit les artistes comme les communicateurs du secteur culturel, ne peut tirer profit de son apport. L.D.B.C : Quelle doit être la priorité des combats à mener pour le secteur culturel ? Et comment les mener de façon réaliste pour atteindre son objectif ? B.T.T : La priorité est la restructuration des rapports, la revisitation des marchés, c'est important. Il y a un truc vers là, quoi ! Il faut le trouver, je pense que c'est à nous de le faire. Il faut d’abord se poser les bonnes questions et elles sont fondamentales : "Est ce que ca marche ou non ? », "Pourquoi ?" et "Comment y remédier ? ». Les réponses à ces questions basiques doivent nous guider car là chacun de nous navigue à l’aveugle. L.D.B.C : Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette nouvelle association des producteurs audiovisuels à naître, CPERTI club des producteurs d’émissions télévision, radio et internet ? B.T.T : Après autant d'expérience, je ne pouvais qu’en arriver là. J'estime en effet que les chaînes ne mettent pas les moyens pour les productions. C'est décourageant de voir les jeunes qui veulent faire de la télé être soumis à une batterie d'exigences pour fournir gratuitement des contenus aux chaînes et qu'en retour, bien souvent, il leur soit exigé la recherche de sponsors, ce qui devrait être du ressort des services commerciaux des chaînes en question. Et si par bonheur, ces jeunes trouvent un sponsor, la chaîne exigera de bénéficier de 80 % de la somme récoltée en tant que télédiffuseur. Inexplicable! L.D.B.C : Tu as traversé les époques de la musique congolaise, les beatmakers ont remplacé les compositeurs et le Rap et le RnB se taillent la part du lion, y a t’il un risque d’appauvrissement musical du secteur ? B.T.T : C'est complexe à analyser mais les Beatmakers sont des compositeurs des temps modernes et parfois des génies qui cultivent leur différence avec la M.A.O [Musique assistée par ordinateur]. Au Congo, le Rap et le Rnb sont les musiques que les jeunes aiment écouter même si, au final, il y a peu de ventes car ils sont de grands adeptes du téléchargement gratuit. La rumba congolaise sert de contre balancier aux musiques urbaines et je pense que c’est suffisant pour maintenir l’équilibre et faire en sorte qu’il n’y ait pas d’appauvrissement du secteur musical. L.D.B.C : Au fil des années comment juges-tu l’évolution de ton métier d‘animateur et de producteur d’émissions musicales ? B.T.T : Moi, je suis presque à la sortie. J'ai élevé mes enfants avec ce métier et je pense qu'il a de l'avenir mais dans un autre format. L.D.B.C : Aujourd’hui le buzz fait la loi. N’y a-t-il pas un risque de dérive musicale où le sensationnel domine l’artistique ? B.T.T : Ben oui.... Le buzz est une véritable dérive. Je suis d'accord. La limite entre le privé et le public n'est plus respectée. C'est dangereux mais le public aime tellement les potins. Sociologiquement la rumba se nourrit des potins et en la matière Franco avec OK Jazz en était le maitre incontesté. L.D.B.C : Après toutes ces années d’émission Tam Tam, ressens-tu une certaine lassitude ou un certain découragement ou, au contraire, trouves-tu excitant à l’idée de devoir relever sans cesse de nouveaux défis ? B.T.T : Tam Tam a fait de moi le premier chroniqueur de musique, en fonction, à être nommé Officier dans l'Ordre du dévouement congolais. Ce n’est pas rien. On m'a décoré suite à un décret présidentiel et l’hymne national a été entonné. Je ne cache pas que je voudrais faire plus mais comment ? Là est ma lassitude justement. Cependant, j'ai de nouveaux défis à relever comme celui de l'association CPERTI et je travaille sur des productions [talkshow et télé-réalités} sous mon label Benartchis Vision. L'avenir de la télé est dans ces nouveaux formats d'émissions. Nous sommes très en retard alors que les chaînes ivoiriennes, par exemple, les font déjà. Je ne vous cache pas non plus que la web tv me tente.
Philippe Edouard Légendes et crédits photo :Benoît Narcisse Tchichimbi Notification:Non |