Musique : Kaly Djatou, autopsie d’un premier salaireJeudi 28 Février 2019 - 20:56 Le premier salaire est souvent source de palabres et convoitises. Autopsie d’un tube des années 1980 avec Kaly Djatou surnommé « Monsieur Premier Salaire ».
"C’est sur un lit d’hôpital que je me suis découvert à la télévision" Dans la chambre d’une maison de l’avenue de France du quartier Poto-Poto, Maurice gratte inlassablement sa guitare, noircit son cahier de couplets et refrains. Ainsi naît « Premier salaire », une chanson écrite en français colonial , un style inspiré par un célèbre griot de l’époque appelé De La Poussière. La rencontre avec Isabelle Thomage qui anime avec Fortuné Joachim l’émission "Les jeunes Talents" va être un véritable déclic. « Je lui avais fait écouter cette chanson en "petit français" et l’animatrice souhaitait me programmer dans cette émission préenregistrée qui devait être diffusée le jour même où le président Denis Sassou N'Guesso inaugurait la première chaîne de télévision en couleur. Le jour de la diffusion, il se trouve que j’étais à l’hôpital de Talangaï après avoir subi une opération chirurgicale à la suite d'une hernie. Je me souviens d’une grande émotion à me découvrir sur le petit écran, moi sur mon lit d’hôpital et entouré par les infirmières tout aussi émues », se rappelle-t-il. Le succès vient de naître. Maurice devenu le grand Kaly… Toujours étudiant au département de géographie de l'Université Marien-Ngouabi, Maurice voit un beau jour une jolie Mercédès se garer près du campus de Bayardelle. Il en ressort deux hommes bien habillés, Freddy Kebano accompagné de Tchitchi, venus lui proposer un contrat d’enregistrement. C’est au Plateau des 15 ans et dans un studio 8 pistes que Maurice enregistre deux premières chansons: « Premier salaire » et « Misère ». Encore faut-il trouver un nom d’artiste. « Tchitchi, le père de la journaliste Dominique Tchimbala de TV5 Monde, m’avait conseillé de trouver un nom d’artiste et c’est mon professeur d’anglais, Charles Tchoukou, qui avait eu l’idée de décomposer et rétracter mon nom Koudiatou et créer ainsi Kaly Djatou. Aujourd’hui, c’est presque devenu mon patronyme », se souvient l’étudiant de l’époque qui souffre, par ailleurs, le martyr à l’université. « A cet âge là, je n’étais ni préparé à gérer mon succès, ni à gérer la risée dont je faisais l’objet en tant que chanteur de "petit français" . C’était donc beaucoup d’agitation qui fera qu’au final on me supprimera ma bourse d’étudiant. Musique et études faisaient également mauvais ménage dans le milieu familial et aisé où je vivais », avoue-t-il. Les études l’emporteront malgré tout sur sa carrière artistique. Période sombre de l’histoire de Kaly Djatou, privé de bourses sur les bancs de l’université et amer de constater que son premier disque tant attendu mettra hélas deux ans avant de sortir ! Si la version originale acoustique est unanimement saluée par le grand public, la version orchestrée semble moins séduire, un constat d’autant plus décevant que la promotion n’est pas à la hauteur de l’attente de l’artiste. Le come back attendu… En 1997, « Premier Salaire » touche ses premiers droits d’auteur, 127 000 francs CFA. « Depuis, je n’ai jamais touché de sommes allant au-delà de 100 000 francs CFA mais aujourd’hui, je peux bénéficier de la gestion de mes droits auprès de la Sacem et envisager de nouveaux enregistrements. Je prépare donc mon come back avec des rééditions de "Premier salaire" mais aussi d’autres titres comme "Ploom Ploom " ou "Demain Kizamen" », annonce-t-il. Rattraper le temps perdu, tel semble être le crédo du chansonnier, un temps qui paraît précieux après l’avortement d’un second disque "Evidence" pourtant soigneusement préparé. « Il y avait beaucoup d’espoir sur ce nouvel opus sur lequel avait notamment participé le comédien Nkaba Nduri. Le sort en a voulu autrement, le producteur Ado Tchibuta a délaissé les enregistrements dont les données ont été effacées malencontreusement dans le studio par la suite », regrette-t-il. Après deux arrêts cardio-vasculaires, Kaly Djatou retrouve la santé et l’élan de ses débuts, regardant au loin ses derniers pas au Congo sur la scène de l’Institut français du Congo de Pointe-Noire pour interpréter "Premier salaire", avec pour clin d’œil en forme d’au revoir quelques pas de danse esquissés dans la salle par son ami Jean Luc Delvert, à l 'époque consul général de France. D’autres scènes en France se sont succédé depuis, à Angers ou Marseille, en attendant le retour dans les bacs de l’enfant prodige.
Philippe Edouard Légendes et crédits photo :Kaly Djatou Notification:Non |