Musique : Les lamentations d’Achille Mouebo

Vendredi 2 Octobre 2015 - 22:29

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Dans « Crise morale », le 6ème album de ses vingt ans de carrière musicale, Achille Mouebo fait part aux mélomanes de ses pleurs pour une société congolaise en proie à l’émergence d'antivaleurs morales. Des complaintes qui résonnent comme une véritable alerte.

Tête baissée. Un visage dissimulé dans de lunettes de soleil. Un spécialiste de sémiologie ne passerait pas par quatre chemins pour interpréter la pochette de l’album « Crise morale ». Et partant, deviner le lot de sentiments qui rongent actuellement le psychisme d’Achille Mouebo. Le musicien congolais semble dépassé par la tournure que prennent les mœurs dans la société congolaise.

Jadis et naguère, l’on se rendait à une veillée mortuaire pour partager la douleur avec la famille éprouvée. Les voisines venaient pleurer avec leur « sœur » qui vient de perdre le mari, l’enfant, le père, etc. Les hommes quant à eux aidaient leur « frère » à organiser les funérailles. Le deuil était une affaire collective dans le village ou le quartier. Tout s’arrêtait. Boutiquiers, artisans, paysans…Durant toute la période du deuil, les activités étaient suspendues.

Et aujourd’hui ?

Les choses ont littéralement changé. Les événements funéraires sont devenus des rendez-vous galants. On met ses plus beaux habits et on s’asperge de son meilleur parfum pour se rendre aux obsèques. Toutes les conditions sont réunies pour passer quelques précieux instants lascifs avec d’anciennes ou nouvelles conquêtes. On boit, on danse et on jubile ! Pour se séparer en bonté après le cimetière, il faut « Une pour la route », c’est-à-dire une dernière gorgée de bière avant de rentrer chez soi.

Mais, le comble de l’immoralité existe ! Des femmes et/ou filles en train de danser nues en chantant des polissonneries et esquissant même des ébats…Actuellement au Congo-Brazzaville, les morts n’ont plus droit aux honneurs auxquels ils avaient droit de la part de nos ancêtres dans des temps immémoriaux.

Responsabilité collective, implication collective

Et ce n’est pas tout. La fraude, la corruption, la concussion, le banditisme, la gabegie, l’infidélité…Les vices sont devenus des vertus. Et vice-versa. Au Congo-Brazzaville, la morale est aujourd’hui malade de tous les maux. Le pays marche sur la tête en se dirigeant droit vers une sorte d’impasse socioculturelle susceptible d’impacter négativement le développement sur tous les plans.

Si Antoine Pinay, ancien homme politique français, déclarait dans les années 90 que le 20ème siècle en France est marqué par le déclin de la morale et du civisme, nul n’avait imaginé que les valeurs morales congolaises dégringoleraient à une aussi grande vitesse que pendant le crash de 1929. Et à l’image de la dépression économique de 1929, c’est quasiment tous les Congolais qui sont embarqués dans la galère de l’immoralité. Tant « Les valeurs s’effacent de nos mémoires », comme le soulignait Annie Flore Batchellilys, musicienne gabonaise.

À qui la faute ?

Une dégringolade qui n’a pas laissé indifférent Achille Mouebo. De tous les quatorze titres de son album « Crise morale » qui est une autoproduction comme pour les cinq premiers, la chanson du même titre est un ensemble de lamentations dignes du prophète Jérémie dans la Bible. Chantée en français et kituba dans le Mutenfo qui est un genre musical du peuple kugni (départements du Niari et de la Bouenza), « Crise morale » est une promenade dans les méandres de la société congolaise. Du coup, on se rend compte de ce que nous avons fait des valeurs morales et culturelles que les ancêtres nous ont léguées. Mais, à qui la faute ? « A nous tous. Parents, éducateurs, mais, surtout pouvoirs publics. Loin d’être objecteur de consciences, mon ambition dans cette chanson est de montrer à nous-mêmes ce que nous avons fait de notre culture. Ce qui va permettre à chacun de mesurer la teneur des dangers qui nous guettent aujourd’hui et demain. Puisque nous sommes nous-mêmes à l’origine de notre autodestruction morale, la solution viendra aussi de nous-mêmes. Chacun, là où il se trouve, doit œuvrer pour réformer ses mentalités et imaginer des méthodes pour que nous renouions avec nos valeurs morales d’antan», suggère Achille Mouebo.

Mais, « le Roi du Muntenfo (ambiance en kugni, sa langue maternelle) » s’est gardé de se montrer alarmiste. Dans cet album, il chante d’autres thèmes comme l’amour, la paix, la solidarité dans des titres comme « Nelson Mandela », «Ni vainqueur, ni vaincu », « Kwa (écoute) ». Dans  tous les genres possibles : Zouk, Rock, Mutenfo et World Music. Romantique, il a aussi interprété en zouk la chanson « Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai » de Francis Cabrel, musicien français.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

John Ndinga-Ngoma

Légendes et crédits photo : 

amour, paix et solidarité sont au menu du nouvel album d'Achille Mouebo

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