Santé : l'Afrique appelée à fabriquer localement des vaccins

Mardi 18 Juin 2024 - 9:30

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Le patron d’Africa CDC, l’agence de santé publique de l’Union africaine (UA), Jean Kaseya, souhaite que le continent africain produise 60 % de ses besoins en vaccins à l’horizon 2040.

Le 20 juin se tiendra à Paris le Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales, coorganisé par la France, Gavi-l’Alliance du vaccin et l’UA. Il a pour but d’accélérer la fabrication locale de vaccins dans les pays en développement, alors que l’Afrique importe plus de 98 % des médicaments qu’elle consomme. Ce rendez-vous, qui rassemblera une trentaine de chefs d’Etat et plus de 300 ministres et délégués, « sera l’occasion pour les partenaires extérieurs d’une prise de conscience majeure que, une fois pour toutes, l’Afrique veut prendre son destin en main », estime Jean Kaseya, le patron d’Africa CDC, le Centre de contrôle et de prévention des maladies de l’UA. Créée en 2017, l’agence s’était imposée durant la crise du covid-19 comme un outil incontournable pour coordonner une réponse continentale. Mais les ratés du mécanisme d’entraide international Covax avaient révélé l’extrême dépendance du continent aux pays du Nord et à l’Inde pour l’accès aux vaccins. Elu à la tête de l’institution en avril 2023, le médecin congolais a  pour mission de consolider la surveillance épidémiologique, de développer la collecte et l’analyse de données fiables ainsi que de construire la capacité du continent à fabriquer ses propres vaccins.

Le bilan d’Africa CDC

Jean Kaseya a présenté le bilan et le plan stratégique 2023-2027 de sa jeune agence : renforcer son cadre institutionnel et ses capacités techniques. L’agence est en plein recrutement pour passer de 300 à 1 000 cadres en vue de renforcer les ressources humaines et ses cinq antennes régionales. Africa CDC a aussi finalisé plusieurs mécanismes financiers pour appuyer les Etats africains dans leurs efforts en santé publique, et mis en place des comités de chefs d’Etat « pour faire adopter directement les décisions au niveau de l’assemblée générale en court-circuitant les lourdeurs de la bureaucratie de l’UA ». Ce mécanisme a permis, par exemple, de réunir en urgence à Kinshasa, en avril, les ministres de la Santé de douze pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale pour contrer l’épidémie de mpox [variole du singe] en cours. L’agence a créé en un an quatorze instituts nationaux de santé publique. La question de l’équité était au cœur des discussions de l’Assemblée mondiale de la santé qui s’est achevée début juin à Genève, en Suisse. Les pays du Sud, Afrique en tête, considèrent que le futur accord sur la prévention, la préparation et la riposte aux pandémies leur est encore défavorable. Jean Kaseya invite à « bâtir une réponse mondiale juste qui doit éviter les grandes inégalités de traitement de la crise du covid, par exemple en termes d’accès aux vaccins ».

La question de l’indépendance vaccinale

Depuis le covid, de nombreux projets d’ouvertures d’usines se sont concrétisés, comme dernièrement au Rwanda avec l’installation des laboratoires mobiles de l’allemand BioNtech pour fabriquer des vaccins ARN messager. Une cartographie de la capacité de production du continent a été créée en 2023. « Notre objectif est de fabriquer 60 % de nos besoins en vaccins à l’horizon 2040 », a relevé Jean Kaseya, mais il a déploré le manque de matières premières. « Nous devons donc aussi développer ce secteur et les compétences qui vont avec. Notre industrie est naissante […]. Notre travail n’est pas seulement d’appuyer l’installation de nouveaux fabricants. Nous accompagnons aussi les autorités nationales de régulation pour certifier la qualité de ces produits. C’est un mécanisme complet que nous mettons en place », a-t-il expliqué.

Produire des vaccins, mais aussi trouver des acheteurs

Pour Jean Kaseya, fabriquer des vaccins ou des produits médicaux n’est pas une fin en soi, il faut  créer un marché et les conditions pour qu’il soit rentable et engendre une baisse des coûts. L’UA s’est mise d’accord sur un mécanisme d’achat groupé qui doit ouvrir un marché de produits médicaux de 50 milliards de dollars. « La fabrication locale de vaccins sera la deuxième indépendance de l’Afrique », a souligné le patron d’Africa CDC.  « Il n’est pas seulement question de garantir la sécurité sanitaire de tous les Africains. C’est aussi une question de croissance économique qui va créer des emplois directs et indirects », selon lui. Plus de 40 ministres de la santé africains se sont engagés à Genève pour garantir l’achat des vaccins « made in Africa ». Ce secteur émergent peut donner de la matière pour mettre en marche la zone de libre-échange continentale africaine.

Noël Ndong

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