Vient de paraître : « Là où le soleil disparaît », autobiographie de l’artiste rwandais-canadien, Corneille

Samedi 8 Octobre 2016 - 1:40

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Paru le 4 octobre dernier aux éditions XO, le chanteur Corneille, dont les proches ont été massacrés lors du génocide rwandais, livre sa vérité dans une bouleversante autobiographie.

CorneilleOn pensait connaître l’histoire de l’interprète du tube « Parce qu’on vient de loin ». Originaire du Rwanda, Cornelius Nyungura, dit Corneille, avait effleuré le massacre de sa famille il y a 22 ans pendant le génocide dans ce pays de l’Afrique de l’Est dont il est originaire. Pour la première fois, lundi 3 octobre, à la veille de la parution de son livre « Là où le soleil disparaît », devant un parterre de journalistes et des invités de marque, l’artiste de 39 ans a présenté son livre à Paris dans le quatorzième arrondissement. « J’ai besoin de laisser quelque chose à mes enfants. Et j’ai peur d’oublier », a-t-il confié.

À sa manière, dans un livre autobiographique, l’artiste retrace le miracle de sa survie, son espoir infaillible, ses rêves, l’immense succès dans la chanson, mais aussi ce long recul ces dernières années afin de renouer avec son histoire et ses racines. « En démarrant ce récit, je savais que les pages du génocide et du massacre de ma famille au Rwanda, en 1994, m'attendaient. Je savais qu'écrire cette douleur passée, c'était mettre des petites cuillerées de pili-pili sur la chair encore fraîche d'une plaie que je voulais à tout prix croire fermée. Et, sur le chemin de la rétrospective, j'ai trouvé d'autres plaies. Vives. Brûlantes. Ce livre, il m'aura fallu presque cinq ans pour le finir ».

Longtemps, Corneille a préféré tourner son regard vers la scène, incapable d'affronter le drame de son enfance au Rwanda. Pourtant, derrière le chanteur à succès se cache un homme brisé. « Si je pleurais, je me demandais combien de temps ça allait durer ? Je ne voulais pas ouvrir cette brèche-là », confie-t-il. Il lui aura fallu cinq ans, dont deux sur la seule partie du génocide, pour raconter le massacre. « Plus j’approchais de ce passage, plus je ralentissais ». 

Pour le livre qu'il vient de publier, le chanteur québécois a dû revivre cette nuit tragique du 15 avril 1994. « Quand ma mère m'a réveillé, toute ma famille était dans le salon, avec ces hommes armés, et on me demande de m'asseoir. Là, ces hommes commencent à tirer », se souvient-il. Il a alors le réflexe de sauter par-dessus le canapé, il sera le seul survivant. « J'ai perdu mon père, ma mère, mes deux frères, ma petite sœur. Perdre le tout en une nuit, c'est mourir un petit peu », dit-il. 

La nuit qui a suivi le massacre, le petit Corneille reste seul dans le silence morbide. Son premier réflexe est d'aller dans la salle de bain et de se regarder dans le miroir. « J'avais besoin d'un reflet de la personne que je pensais que j'étais », raconte-t-il.  Il fuit alors vers le Congo voisin et explique avoir peur d'être repéré, lui qui est hutu par sa mère et tutsi par son père. «Mon nez n'est pas clairement hutu », confie-t-il en expliquant la ruse qu'il avait trouvée pour ne pas se faire prendre. 

La blessure est béante, et malgré l'amour qu'il reçoit de sa famille adoptive allemande, sa carrière de chanteur, sa nouvelle vie au Canada, Corneille n'arrive pas à se délivrer du chagrin enfoui. « Je me suis dit j'ai un problème ; je vais être vide toute ma vie »,  par amour il décide d'entamer une psychothérapie et la carapace se fendille. Aujourd'hui, le chanteur vit au Canada avec sa femme et leurs deux enfants. « Le jour de notre mariage, elle a pensé à mettre une table à part avec autant de chaises du nombre des membres de ma famille. Grâce à elle, ils ont été témoins du début de ma nouvelle vie », révèle-t-il avec émotion. 

Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo : Corneille

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