Interview : Gaspard-Hubert Koko « Les Africains doivent être les gardiens et défenseurs de leurs intérêts »Jeudi 27 Août 2020 - 18:04 Né à Léopoldville (actuel Kinshasa) en République démocratique du Congo, Gaspard-Hubert Lonsi Koko est essayiste réformiste et romancier. Il partage sa vie entre la France et l’Afrique. Dans cet entretien, il nous parle de son engagement d’écrivain. Les Dépêches du Bassin du Congo (LDBC): D’où tirez-vous l’inspiration ? Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Cela dépend du genre utilisé. Toutes les intrigues de mes romans policiers se déroulent à l’époque de la République du Zaïre du maréchal Mobutu Sese Seko. Cela m’a permis d’une part de m’appesantir sur l’inquiétante situation en cours dans la région des Grands Lacs africains et sur le devenir de l’Afrique centrale. Ainsi le personnage principal, Roger Dercky, a-t-il investigué dans les villes de Brazzaville, de Kinshasa et de Kigali. Voir « Dans l’œil du léopard », « La chasse au léopard » et « Au pays des mille collines ». Dans « Le demandeur d’asile », « Drosera capensis » et « La vie parisienne d’un Négropolitain », il est plutôt question des tribulations des immigrés africains en France relatives à moults difficultés de la cohabitation humaine, aux incohérences du droit d’asile, aux discriminations, au racisme… Enfin, les essais ! Les convictions à la fois « abakistes » et socialistes ont toujours permis à l’auteur que je suis de préconiser une République sociale, la non-exploitation des riches par les pauvres et de dénoncer les arrestations arbitraires, voire très souvent abusives, des faibles par les puissants, ainsi que les multiples violations des droits fondamentaux de la personne. Dans « Le Congo-Kinshasa en quelques lettres », les problématiques abordées concernent une nation économiquement viable et politiquement démocratique. Dans « Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs », l’accent est mis sur la pacification de la RDC et la stabilisation de l’Afrique centrale de l’Est. Dans cette optique, le panafricaniste qui sommeille en moi milite, dans « Le regard africain sur l’Europe », pour une Afrique performante sur le plan continental et unie dans le concert des Nations. Il en est de même dans « Mais quelle crédibilité pour les Nations unies au Kivu ? » ouvrage dans lequel je dénonce le tourisme armé des forces onusiennes dans l’Est du Congo-Kinshasa et le néocolonialisme non avoué sur la base d’occupation militaire. Dans mon dernier livre « La conscience bantoue », je mets en lumière les valeurs de la culture bantoue. Voilà, grosso modo, un panel non exhaustif sur mes nombreux ouvrages. Celui-ci concerne davantage un parcours de vie et des convictions humanistes en vue de la défense de la veuve et de l’orphelin, de la protection des plus démunis et des exploités, et non une bibliothèque à l’attention d’intellectuels trop enclins « ad vitam aeternam » à l’utopie et très fâchés avec l’implication militante proprement dite. L.D.B.C : Êtes-vous un auteur panafricaniste ? G.H.L.K : En tant qu’essayiste réformiste, je suis très sensible au socialisme. Pas au socialisme à la Jean Jaurès ou Karl Marx, mais au moule africain. En la matière, l’ancien président tanzanien, Julius Kambarage Nyerere, était sans conteste un très grand professeur. Si j’ai publié « Les figures marquantes de l’Afrique subsaharienne – 3 », c’est pour affirmer d’emblée la vision panafricaine à travers André Grenard Matsoua et Simon Kimbangu, Sundiata Keïta et Chaka Zulu, Kimpa Vita et Manthatisi ou Mbuya Nehanda, Kwame Nkrumah et Jomo Kenyatta, Patrice Lumumba, Nelson Mandela, Ntebogang Ratsosa et Haïlé Sélassié… Dans « Le demandeur d’asile et La vie parisienne d’un Négropolitain », ce sont les rapports Nord-Sud et les politiques migratoires, voire la « Françafrique », qui sont pointés du doigt. La fiction peut parfois servir de facteur idoine en vue de la diffusion des messages. Je suis en train de finaliser mon dernier livre intitulé « Les Nègres lumineux du XVIe au début du XXe siècle », lequel sortira soit en octobre ou novembre de cette année. L.D.B.C : Un dernier mot ? G.H.L.K : « On ne peut pas porter indéfiniment les bagages de quelqu’un d’autre dans sa propre propriété », dit un vieux proverbe bantou. Les Africains doivent être les premiers gardiens et défenseurs de leurs intérêts. Si leurs aînés avaient pu tenir la tête haute, dans des circonstances pourtant défavorables, voire des conditions épouvantables et davantage inhumaines, rien n’empêche, de nos jours, l’émancipation et l’affranchissement définitifs de leurs descendants d’une mise sous tutelle par des puissances extracontinentales. « Croyez en vous, profitez de chaque opportunité et utilisez le pouvoir du langage parlé, ainsi qu’écrit, pour effectuer des changements positifs pour vous-même et la société ». Cette phrase de Frederick Douglass est mienne. Elle me permet de transmettre le message à qui de droit. Propos recueillis par Aubin Banzouzi Légendes et crédits photo :Photo: l'écrivain Gaspard-Hubert Lonsi Koko Notification:Non |