~~Le lieutenant-colonel Isaac Zida, 49 ans, est au pouvoir depuis moins de dix jours au pays des hommes intègres: la presse internationale a vite fait de l’ériger en « nouvel homme fort du Burkina Faso». Et lui semble s’en accommoder. Son treillis aux manches relevées au dessus du coude rappelle ce que fit avant lui la bande à Sankara, Compaoré, Zongo et Lingani-Boukari, lorsqu’ils prirent les choses en main dans l’ancienne Haute-Volta, le 4 août 1983. Peu bavard, Zida est sans doute déterminé à mieux remplir sa mission.
Prompte à donner dans l’injonction, la Communauté internationale prescrivait à Zida, au lendemain de la démission du président Blaise Compaoré, le 31 octobre, un délai ne dépassant pas les quinze jours suivant son arrivée à la tête de l’Etat pour remettre l’écharpe présidentielle de la transition à une personnalité civile. Sa réponse, d’abord positive, a été ensuite nuancée un tout petit peu : « Le délai de 15 jours n’engage que ceux qui l’ont envisagé », a-t-il déclaré, le 6 novembre, alors que les chefs d’Etat ouest-africains multiplient des contacts en vue de la sortie de crise.
Tant de commentaires ont en effet accompagné les derniers événements du Burkina Faso. Il n’est nul besoin de noter que d’aucuns en ont établi un parallèle avec le vent de la Perestroïka du début des années 1990 ; ou encore le Printemps arabe à la fin 2010. Le tout n’est pourtant pas de fermer les yeux devant des similitudes évidentes qui entouraient ces éruptions populaires passées. C’est, de se demander, avec le recul, quelle a été la particularité de ces évolutions pays par pays.
En Afrique notamment, les régions les plus touchées par cette vague de démocratisation impulsée à la fois par le discours de la Baule, le vent de l’Est de l’Europe, en passant par la chute du mur de Berlin, furent principalement celles situées au Sud du Sahara. La référence, ce sont des conférences nationales organisées en séries dans plusieurs pays du giron francophone. Les unes permirent d’installer le pluralisme, d’autres se terminèrent en queue de poisson.
Par contre, le Printemps arabe, éclaté une vingtaine d’années après le passage de la Perestroïka n’a lui touché en priorité que les pays arabes. Avec des résultats bien différents lorsque l’on considère la suite des événements : La Tunisie, s’en sort avec succès, mais doit désormais compter avec une avalanche d’attentats terroristes qui demeurent un gros défis ; l’Egypte s’en est au bout du compte remis à l’armée pour espérer conjurer le mauvais sort ; le Maroc avait bien fait d’anticiper les choses et maintient l’équilibre ; la Mauritanie s’en était échappée belle. Enfin, la Libye attendra encore longtemps avant de savoir ce qu’elle espérait au-delà de la chute de Mouammar Kadhafi.
A chaque peuple son destin, à chaque pays ses spécificités pourrait-on dire. Dans le cas de ce qui s'est passé au Burkina Faso, et qui se passera dans les jours à venir dans ce pays, le partage des responsabilités dans le futur gouvernement attisera plus d'appetits qu'on ne le croie. C'est certainement pour y voir un peu plus clair que " le nouvel homme fort" ne souhaite pas qu'on le presse de partir vite. Il doit tenir les delais, bien sûr, mais Zida a peut-être besoin de reconnaissance, d'un statut, de récompense en tout, de savoir qui lui succédéra pour la prochaine année, qui entrera dans le futur cabinet dirigé par qui? Les manifestants de l'autre jour n'avaient pas prévu cela. La Politique? Une chose rarement linéaire.