Théâtre : Israël Tshipamba raconte son enfance pour exorciser ses démons

Samedi 26 Avril 2014 - 15:42

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Son monologue Humilier son enfant permet d’en faire un homme, loin d’être une affirmation, est la voie qu’il a trouvée pour se défaire de souvenirs troublants marqués par l’autorité écrasante d’un père dictateur à qui il ne veut pas ressembler en dépit de la grande admiration qu’il lui portait.

 Israël Tshipamba lors de sa dernière représentation à la Halle de la GombePremière pièce de théâtre née de sa plume écrite en 1997 lors des obsèques de son père, mais il aura attendu jusqu’en 2013 pour la présenter sur les planches. Pourquoi l’avoir fait seulement seize ans après son écriture ? l’artiste dit qu’il n’était pas prêt à le faire de sitôt car, cela équivalait à se mettre à nu. Le déclic pour la mise en scène de la pièce a été sa propre paternité. « Quand j’ai eu mes enfants, je me suis posé la question de savoir quel type de père je voulais être. Je parlais de plus en plus de mon enfance, j’ai pris conscience de ce passé difficile où j’ai beaucoup pleuré. Je pense que j’étais à la recherche d’une voie, je ne voulais pas ressembler à ce père que j’admirais. C’est cela qui m’a poussé à jouer la pièce », a-t-il confié aux Dépêches de Brazzaville le samedi 19 avril.

Le récit est jugé insoutenable pour la plupart des gens qui l’ont entendu jusqu’ici, certains sont allés jusqu’à le critiquer vertement. Les propos crus de l’auteur y sont sûrement pour beaucoup. Parler de toutes sortes de violences sans mettre de gants, évoquer le mépris de la femme, l’infidélité, les coups et autres traitements humiliants infligés à des enfants ou parler à demi-mot d’inceste, de pédophilie dans une même temps, que le récit soit authentique ou pas, il est compréhensible que le sujet choque des sensibilités. Tout le monde n’arrive pas à dédramatiser comme le fait Israël lorsqu’il se raconte, d’où les murmures de réprobation entendus dans l’assistance. Evidemment, son recul peut paraître facile vu que le gros du récit ne se rattache pas à son propre vécu mais à celui de ses aînés d’un premier lit. Deuxième enfant né d’un second lit, son histoire à lui intervient un peu sur le tard, le père qui, à défaut de s’attendrir, s’est un tant soit peu « ramolli » au fil du temps. Il ya d’un côté le poids de l’âge, les ravages de la maladie et la perte de ce prestige que lui conférait ses ressources financières qui ont raison de ce père à la conduite dictatoriale qui usait de son pouvoir comme il l’entendait.

Un réalisme accrocheur

 Malgré tout, le comédien reste convaincu que son monologue accroche par son réalisme. Aussi, lors de la dernière représentation en date, le 19 avril à la Halle de la Gombe,  affirmait-il : « Si les gens sont restés c’est parce qu’ils se sont reconnus. Peut-être pas dans toute l’histoire mais tous les papas de l’époque de mon père lui ressemblaient un peu ». Et de rajouter avec la même conviction : « Quant aux enfants battus, ce n’est pas une réalité propre à ma famille, cela existe partout. Je pense que les gens se retrouvent d’une façon ou d’une autre. Les personnages que je joue tout au long de ma pièce existent ». En conclusion, Israël pense qu’au lieu de s’en offusquer, comme certains le font, il faudrait plutôt considérer l’évidence. « Il y a des enfants qui ont connu ce que j’ai vécu. Des histoires de familles qui se brisent c’est courant. À mon avis, l’histoire est très congolaise. Et, au-delà, c’est une histoire humaine qui parle à tout le monde », a-t-il soutenu.

Par ailleurs, l’artiste n’en reste pas moins conscient que « la violence ne produit jamais le bien. Qu’elle soit physique ou morale, elle transforme toujours une personne. Evidemment, il y a des gens qui réussissent à la vaincre à leur avantage, à en tirer quelque chose de bien alors que d’autres dérapent. Cela dépend de la sensibilité de chacun ». Pour sa part, il s’est réjoui d’en avoir su tirer le meilleur parti : « Moi, ce que j’ai essayé de faire dans ma vie, c’est d’y résister et de l’utiliser pour faire mon art. Ma vocation pour le théâtre viens de là. C’est là que j’ai puisé mon énergie. Mais il est des gens qui n’ont pas la force de caractère qu’il faut pour réussir. Nous réagissons différemment. Mais il y a toujours moyen de créer son équilibre ». Et de conclure de la sorte : « Quant à moi, je n’élèverais jamais mes enfants dans la violence. La meilleure façon d’élever un enfant c’est de lui donner de l’amour, lui en manifester beaucoup ».

L’épilogue du monologue peut, autant que toute l’histoire, paraître quelque peu déroutant. En effet, plusieurs y perdent leur latin à entendre Israël dire qu’il trouve à son tour insoutenable le tableau morbide qu’offre son père à l’article de la mort alors qu’il aurait voulu garder de lui l’image de ce farouche tyran qui ne tolérait aucune indiscipline dans ses rangs. Le comédien s’en défend de la sorte : « Les victimes finissent toujours par admirer leurs bourreaux, c’est ce que l’on dit. Et dans mon cas, mon père m’a fasciné toute ma vie. Car, quoique l’on dise, il était fort, autoritaire, charismatique. Il était ce qu’il était et j’ai admiré cette personne toute ma vie. Si bien que lorsqu’affaibli par la maladie, il n’y ressemblait plus, je pensais me trouver en face d’une toute autre personne ».

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Israël Tshipamba lors de sa dernière représentation à la Halle de la Gombe