Chronique « Renessence » : le vilain petit canard

Vendredi 27 Septembre 2024 - 13:46

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L'histoire du vilain petit canard est fort semblable à l'expérience de l'enfant drépanocytaire, rejeté, à cause de son apparence extérieure. Il y a dans la drépanocytose, et comme dans la plupart des maladies chroniques, la notion de morphotype qui avise l'œil exercé ou a contrario l'œil malveillant sur l'existence potentielle d'un terrain drépanocytaire.

Question épineuse que celle de l'apparence physique dans l'état de maladie. Si cette question est plus probante chez la femme pour son affinité naturelle à la beauté, à l'esthétique, il n'en demeure que tout le monde aime se sentir beau, et que les quêtes esthétiques ont pleine part aux besoins fondamentaux de l'Homme selon la pyramide de Maslow.

Les enfants eux aussi naturellement aimeraient qu'on leur dise qu'on les trouve mignons, charmants, du moins qu'on ne souligne pas leurs défauts physiques quels qu'ils soient. Or, dans la drépanocytose totale ou de forme SS, selon le taux de l'hémoglobine S et selon la qualité de la prise en charge et de l'observation des dix règles d'or du patient drépanocytaire, le morphotype du petit patient drépanocytaire peut être très marqué ou à peine perceptible.

Le morphotype, c'est l'ensemble des signes extérieurs, des signes visibles, qui renseignent et se rapportent à certaines maladies chroniques. Dans la drépanocytose, on parle des yeux jaunâtres ou verdâtres, de la pâleur ou de la sécheresse des muqueuses, à savoir les lèvres, les ongles, d'un abdomen en forme de coque de bateau, de membres longs et frêles.

Ces signes ne sont pas toujours tous présents, et peuvent être plus ou moins marqués comme dit précédemment. Seulement, dans une société qui fait le culte de la beauté, de la force et de la perfection, avoir une apparence qui sort de la norme et n'obéit pas aux canons de beauté peut être très complexe à vivre surtout pour des enfants en pleine construction de leur estime personnelle et dans laquelle l'image occupe une place prépondérante.

Beaucoup d'enfants souffrent de cette différence visible qui nourrit la stigmatisation et en font des sujets d'exclusion à l'école où les violences verbales et atteintes physiques sont le quotidien de beaucoup d'enfants.

Pour notre part, avant l'entrée au collège, nous n'avons pas connu de harcèlement lié à notre image. Nous n'avions pas de morphotype marqué malgré nos 92% de taux d'hémoglobine S. Nous étions très bien suivis de la pédiatrie jusqu'au centre de drépanocytose et notre mère était très regardante sur le plan sanitaire et sur l'hygiène de vie. Elle nous a donc épargné certains maux sociaux et communautaires.

Pour autant, à cette période, nous étions souvent indexés pour notre minceur, notre maigreur. Nous avons même entendu les termes de " chétive " de la part des uns et des autres, dans la rue, dans les quartiers et les marchés essentiellement. Notre pâleur aussi attirait l'attention mais bien loin en second plan.

Nous étions curieusement fermées à tous ces commentaires assez désobligeants. Les affres de la stigmatisation, nous les connaîtrons bien plus tard, au collège et surtout au lycée où les attaques étaient régulières et répétées et où nous n'avions pas la possibilité de nous en échapper. Notre mental étant fragilisé, notre corps a suivi, et si nous n'affichions pas particulièrement de morphotype auparavant, une fois le moral affecté, il est devenu bien visible malgré que la prise en charge était demeurée la même.

Tout se passe dans la tête, ou en grande partie.

 

Princilia Pérès

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