Enquête : le gaspillage des aliments coûte cher à la planèteMardi 14 Octobre 2014 - 12:45 Selon les experts, produire à manger, le vendre, le stocker ou le jeter pèsent aussi lourdement sur les économies du monde. À l’approche de la Journée mondiale de l’alimentation, ce jeudi 16 octobre, les spécialistes tirent la sonnette d’alarme sur une donnée pas suffisamment prise en compte dans la chaîne économique liée à la production alimentaire. La lutte contre la faim prend en compte toutes sortes de chiffres et de relevés. Mais elle devrait aussi s’intéresser au prix non seulement des produits vendus mais aussi au coût de ceux qui sont jetés ou perdus. Car pour toutes sortes de raisons, l’aliment sorti des champs agricoles n’est pas toujours assuré de finir dans une assiette et, donc, dans l’estomac des consommateurs. Le spécialiste alimentaire italien Andrea Segrè estime que chaque année, c’est 30% de la production mondiale d’aliments qui finit à la poubelle. « La seule valeur commerciale d’un tel gâchis dépasse les 1000 milliards d’euros », soutient-il. Pour son pays l’Italie, qui fait pourtant partie du « Top Ten » des puissances mondiales, cela lui coûte annuellement un tiers de PIB, produit intérieur brut (2060 milliards l’an dernier). Naturellement, dans un monde où près d’un milliard d’humains souffre encore de la faim, il est incompréhensible que l’on produise des biens alimentaires pour ne pas les consommer. Et ce paradoxe ne touche pas que les seuls pays de bien-être, frappés par la surconsommation. Même dans les pays et les continents qui souffrent le plus de la faim, ce gâchis existe. Qu’il se présente sous la forme de biens mal ou pas du tout conservés, ou qui pourrissent sur pied du fait des guerres, des instabilités et du manque d’infrastructures pour l’évacuation vers les marchés locaux, il s’agit d’un manque réel. Que devient une aubergine produite à Zanaga si elle ne doit arriver sur le marché de Tié-Tié à Pointe-Noire ou de Moungali, à Brazzaville, qu’au bout de sept jours ? Elle est transportée dans des conditions qui ne garantissent pas sa fraîcheur ? À cela, il faut ajouter l’étroitesse des marchés locaux et le manque de diversifications agricoles. Tout le monde a vu des montagnes de safous jetés aux abords des marchés quand vient la saison de ce fruit pourtant prisé. Si l’ananas peut tenir au moins une semaine ou encore l’orange ; si le poisson non vendu peut être fumé et conserver plus longtemps, il n’en est pas de même pour des produits fragiles comme la banane, le safou ou l’avocat. À une plus grande échelle encore, la production agricole des pays africains se heurte, lorsqu’elle cherche à s’exporter aux normes d’un marché occidental qui n’accepte que les mangues, les carottes, les bananes et même les ananas d’un certain calibre. Trop gros ou trop petits, trop rouges ou pas suffisamment, ils ne sont pas acceptés dans un supermarché où l’acheteur est habitué à ne trouver le concombre que sous une forme et pas une autre. Tout ce qui ne respecte pas le standard édicté est promis à être déversé dans une fosse : une perte aussi en argent. Nourrir la planète passe donc aussi par mieux produire, mieux conserver et mieux transporter les aliments. Lucien Mpama |