Portrait : « J’ai compris qu’en Afrique on ne peut pas être riche sans être diabolisé », dit Pierre Vividila Loufoudou BangoulaSamedi 16 Mai 2015 - 9:49 De vendeur de brochettes au nettoyage de voitures en passant par la milice populaire, tel est le parcours de Pierre Vividila Loufoudou Bangoulala. Patience, persévérance et foi en Dieu, ce sont-là les armes qui lui ont permis de bâtir son empire. Directeur général de la Société congolaise d’investissement maritime pour le Congo (SCIM), puis Directeur de SA-VEH International (Complexe Hôtelier et d’industrie Agro- Pastorale) l’homme d’affaire revient sur son itinéraire. Né en 1956, à Boko Songho, Pierre Loufoudou Bangoula est marié et est père de onze enfants. Très tôt, son père quitte le village et se retrouve à Mpouga (districk de Divénié) où il commence sa vie active en extrayant de l’or. À la fermeture du site, la famille se retrouve à Brazzaville où le jeune Pierre, perd sa mère, un être cher dont il a du mal à faire le deuil. « La perte de maman, l’état de délabrement social de papa, m’ont vite mi à l’épreuve et j’ai du arrêter avec les cours car je n’avais pas de soutien, ce qui fait que je me suis mis à vendre des brochettes », explique Pierre Vividila (la voix pleine d’émotion) qui, chaque jour, était obligé de suivre son père au bord du fleuve pour cueillir les noix de palmes et les revendre. « C’est là que mon père m’a appris à faire des bûchettes. Un support qui m’a permis de faire des brochettes que je vendais aux alentours du cinéma Lux à l’époque à 10 francs ». Mais bientôt, tous les jeunes du quartier se lancent dans la même activité et les recettes deviennent rares. Un soir, alors qu’il fait sa ronde son plateau de brochettes à la main, il est conspué par les propos de certains cinéphiles. « On me zippait, d’autres me criaient dessus et m’insultaient, c’était dur, mais il fallait le faire pour ne pas mourir de faim », dit-il la voie enrouée. Après cette humiliation, il s’oriente vers le nettoyage des voitures. « Là aussi devant la douleur, j’ai du laver des voitures et parfois sans avoir mangé toute une journée », souligne Pierre qui, malgré les efforts entrepris pour sortir de la misère, avait l’impression de s’y embourber. L'étape d'Aero-services Une rencontre fortuite, celui du commandant de bord français de la compagnie Lina Congo qui l’introduit dans la compagnie aérienne Aero-services en tant que manœuvre. Chemin faisant, il se fait enrôler dans les services de la milice populaire où il travaille chaque soir. Seulement un incident se produit, le jeune Pierre est recherché par la garde présidentielle. Inquiet de sa situation, il rejoint son frère à Pointe Noire où il séjourne quelques jours avant d’être mis à la porte par sa belle sœur. « Je venais d’arriver à Pointe-Noire et je ne connaissais personne. Et dans ma peine, deux femmes exceptionnelles que j’ai rencontrées m’ont offert un toit », explique t-il, les larmes aux yeux. Puis d'enchaîner d’une voix enrouée par l’émotion : « Un soir pendant que je me trouvais à la vigilance de la milice populaire, on me ramène un Français qui était inégalement arrêté. Après vérification, je le relâche, un geste qui le surprend et me propose de l’argent que je refuse. Devant mon refus, il m’invite à aller lui rendre visite ». Une rencontre qui va changer le cours de sa vie car d’écueil en écueil, une lueur d’espoir se dessine enfin pour le jeune homme. En janvier 1980, il est recruté comme surveillant de caisse, « j’avais la charge de surveiller l’accostage des bateaux et le contrôle des marchandises (poissons, crevettes, langoustes) pour éviter que les marins et les commandants de navire volent » fait savoir Monsieur Pierre qui, quelques jours après son embauche, surprend un vol au sein de la Société congolaise d’investissement maritime (SCIM). Grâce à cette capture, il est nommé contrôleur général de la société SOCEPEC/SCIM et African Fishing qui réunit trois sociétés dans lesquelles on retrouve l’armement de pêche industrielle, une usine de congélation et de surgélation. La lettre au Recteur Apes cette promotion, il connaît une véritable ascension. Il passe de directeur général adjoint à directeur général. En 1985, il est nommé Directeur général de la SONAVI Fleuret, à Brazzaville, (un groupe des privés français, qui était associé à l’État congolais), concomitamment à son poste de Directeur général de la SCIM Congo à Pointe Noire. En 1996, il écrit au recteur de l’université Marien Ngouabi pour solliciter l’équivalence de son niveau, par rapport aux expériences acquises sur le terrain sur le plan juridique administrative. En 2012-2013, il intègre l’université internationale et obtient enfin une licence en droit privé. Fort de cette expérience, il décide de se lancer dans l’hôtellerie, un domaine qui lui réussit plutôt bien puisque ces hôtels Résidence Mpemba, la Concorde et aujourd’hui l’Enerstia font la fierté de la ville de Pointe Noire. En dehors de l’hôtellerie, il se lance dans l’agro alimentaire en érigeant des boutiques d’alimentation ça et là dans la ville de Pointe Noire, une entreprise de vêtement de luxe, « Vêtir Congo », et un cabinet de conseil juridique et d’affaires. Son challenge aujourd’hui, bien qu’étant encore Directeur général à la société SCIM, est de mettre en place un complexe hôtelier et de restauration dans les grandes villes du Congo. Nommé administrateur judiciaire pour le redressement de plusieurs entreprises par les tribunaux, liquidateur des successions, élevé au titre de Dignitaire de la République du Congo, Ambassadeur de la Fédération mondiale pour la Paix, il crée, en 1994, une association humanitaire d’assistance multiformes aux déshérités. Un essor qui ne lui a pas valu que des acclamations comme il le souligne. « J’ai connu des déceptions dans ma famille maternelle où j’ai été traité de sorcier, magicien, et c’est la que j’ai compris qu’en Afrique on ne peut pas être riche sans être diabolisé ». Des ambitions univesitaires Mais face à ces détracteurs, il prône l’amour et uniquement l’amour « Je me nomme Vividila, ce qui signifie dans langue maternelle, patienter, supporter, persévérer. Les tribulations précèdent l’élévation, il est évident que dans la vie, chaque épreuve constitue un écueil qui se révèle plus tard comme un prélude à la réussite. À mes enfants, je leur demande de ne jamais baisser les bras devant les moindres épreuves, mais de foncer, comme moi leur père, parti d’un niveau de cinquième, j’ai présenté une licence l’année dernière et je vais continuer, ce n’est pas fini, je vais aller en master si Dieu le veut. » Mais pour arriver à ce niveau, dit-il : « il faut savoir pardonner et donner car pour réussir, il faut pardonner, et pour avoir, il faut donner »
Berna Marty Légendes et crédits photo :Pierre Vividila Loufoudou Bangoula; Crédits photo: ADIAC Notification:Non |