Évocation : Côme Manckassa, la voix du consensusMercredi 15 Juillet 2015 - 18:30 Homme d’ouverture, toujours à la recherche du consensus, le sociologue et homme politique Côme Manckassa a rejoint les limbes ce mardi 14 juillet, à Paris, à l’âge de 79 ans. « Côme Manckassa était plus un homme d’Etat qu’un homme politique ; j’entends par là qu’il s’intéressait plus à l’harmonie entre les Congolais qu’à la lutte pour le pouvoir », réagit un ancien étudiant du professeur, pour qui la plus belle sépulture que l’on puisse offrir à Côme Mankassa est la mémoire, l’arrêt de toute débandade. Aussi, sans une once d’hésitation, Côme Mankassa avait conduit lui-même une délégation de son parti politique, l’UCR (Union des Congolais républicains), aux Consultations nationales initiées par le Président de la République Denis Sassou Nguesso. « Le mbongui commence toujours par répondre de prime abord à l’appel de son prochain », expliquait-il. Et le professeur de poursuivre que pratiquer la politique de la chaise vide ne mène à rien, surtout pour la représentation des populations. D’aucuns se souviennent d’un homme humble, toujours à la recherche du compromis, sans toutefois glisser vers sa propre négation. Côme Manckassa a su se frayer un chemin entre le cynisme des uns et le désespoir des autres. Animé du désir de transmettre à la jeune génération sa vision du Congo de 342 000 km2, seule lui importait la capacité de chaque Congolais de se doter des valeurs du mieux vivre ensemble. Un humaniste doublé d’un philosophe, donc. « Combien de fois n’a-t-il pas parlé du Congolais en tant qu’individu ? » se remémore un membre éminent de l’UCR, Roger Ndokolo. Au moment où son Congo natal tente d’écrire une nouvelle page de son histoire, lui, l’intellectuel qui osait faire un pas vers l’autre sans rien attendre en retour, fourmillait d’idées sur le Dialogue national en cours à Sibiti. Il comptait, coûte que coûte, apporter sa pierre à l’édifice et rêvait d’une sorte d’égrégore pour le bien-être de ses compatriotes. Des idées intarissables qui dévalent le fleuve bouillonnant de son œuvre. Eloigné de l’ornière de l’irréflexion, le mouvement de sa pensée franchissait avec une facilité déconcertante les haies de l’intolérance, les limites de la raison elle-même. En témoigne son Essai sur sa deuxième patrie, la France, alors dirigée par Nicolas Sarkozy. Un parcours atypique Oui, dans France : Grandeur perdue, Côme Manckassa, rompu à la logique Karl poppérienne de la découverte scientifique - comme le décrit son ancien étudiant en sociologie - analyse de façon clinique, traite sociologiquement chaque fait historique marquant de la France. De « la Révolution de 1789 » qualifiée de fait historique caractéristique de la France, le sociologue congolais place judicieusement un bémol : « Oui, mais cet héritage a été dilapidé ». La France pays des droits de l’Homme, berceau de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ? Sans doute. Mais pas la France de Sarkozy, championne de la discrimination raciale insidieusement appelée « positive » ; pas cette France adepte post-germanique des tests d’ADN qu’on voulait imposer à ses ressortissants Noirs désirant séjourner en France. Il profite des débats sur l’immigration pour donner une « leçon de chose » aussi bien aux « politiques » (chefs d’Etat, ministres, sénateurs, députés et Cie) qu’aux « savants » (étudiants et chercheurs, libres penseurs). « Seule la mère sait de façon absolue qui est le père de son enfant. En cinquante ans de mariage, il suffit d’un écart et voilà un étranger établi » (p. 94). Né le 28 avril 1936, Côme Manckassa a été tour à tour instituteur, journaliste puis professeur d’université. Après des études primaires effectuées à l’Ecole laïque de Bacongo, ivre de désirs de connaissances de tous ordres, il s’envole pour la France pour se diversifier et entame, à Lille, une formation de journaliste. Mais la passion de transmettre le savoir le rattrape. Il s’inscrit alors à l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris où il soutient un Doctorat d’Etat avant de devenir professeur de sociologie à l’université Marien Ngouabi. Certes une « bibliothèque fournie a brûlé » au moment où le Congo exprime le besoin de faire appel à tous, qu’il s’agisse d’idées nouvelles ou de celles provenant de l’expérience et de la grande sagesse des Anciens ! Mais Côme Manckassa demeurera éternel par son exemplarité, ses idées bienveillantes … C’est avec un infini respect que nous nous courbons en prononçant ces mots : Salut l’artiste ! Marie Alfred Ngoma Légendes et crédits photo :Photo : Côme Manckasa au centre lors de la réception aux Consultations nationales
Crédit photo : Service presse de la Présidence de la République du Congo Notification:Non |