Italie : les populistes en guerre contre le Vatican sur l’immigration

« Le Vatican veut que l’Italie s’africanise ? que les portes d’entrée soient ouvertes aux migrants fuyant guerres et pauvreté : pourquoi le Pape ne les prendrait-il pas chez lui au Vatican ? ». La réaction de Matteo Salvini, leader du mouvement xénophobe et anti-immigré de la Ligue du Nord ne fait pas dans la dentelle. L’appel du Pape à plus d’humanité envers les personnes qui fuient diverses situations de désastre a littéralement fait pousser des urticaires à l’extrême-droite. Alors que l’Italie suffoque sous le poids de ces flux migratoires, les populistes n’ont aucun mal à chauffer à blanc une opinion qui se dit « submergée ».

La menace islamiste n’arrange pas plus les choses. L’Italien lambda a la sensation que la péninsule court le risque  de voir surgir des mosquées à chaque coin de rue, et des barbus taillant au sabre tout ce qui ne leur ressemblerait pas : « notre civilisation court un risque d’anéantissement », dit tout simplement un habitant du quartier romain de San Lorenzo qui, le mois dernier, a organisé la « résistance citoyenne » contre le placement d’immigrés dans un centre de transit. Mais le pape n’entend cajoler personne dans le sens du poil. Au contraire, il veut remuer l’humanisme qui loge dans la conscience de chaque chrétien pour appeler au devoir d’accueil et/ou (au moins) de tolérance.

« Renvoyer des gens chez eux, c’est les condamner à la mort. C’est une guerre ! », a soutenu le pape argentin, suscitant de nombreuses réactions y compris dans la société civile. Lundi, la Conférence des évêques italiens a rajouté une couche, qualifiant de « politicards de quatre sous », les « populistes qui, pour gagner quelques voix aux élections prônent des mesures indignes ». C’est tout naturellement que la Ligue du Nord, qui s’est sentie visée, a enflammé davantage le débat, Matteo Salvini estimant que « ceux qui prônent la tolérance à l’immigration, soit ils l’alimentent, soit ils y gagnent ».

À la défense du pape et de l’Eglise catholique, de nombreuses associations sont entrées elles aussi dans la ronde, montrant notamment que les chrétiens de Rome et d’Italie n’ont pas attendu pour se mettre en situation de disponibilité face aux arrivants. D’ailleurs mardi, le Vatican a annoncé que le Souverain pontife avait fait porter des produits alimentaires de première nécessité au Centre Baobab qui s’occupe des migrants à Rome, de sa seule bonne volonté. Quant à accueillir les étrangers au Vatican, la Ligue du Nord semble découvrir l’eau chaude, affirme Oliviero Forti, en charge de l’immigration à la Caritas italienne.

« Il y a longtemps que le pape, le Vatican et l’Eglise accueillent des migrants. Ce qui, pour la Ligue du Nord se veut une provocation est pour nous une réalité consolidée depuis des années », ajoute-t-il. Et de rappeler qu’il y a quelques mois, déjà, le pape avait fourni 50 kg de médicaments toujours au Centre Baobab. « Rien que nous, à Caritas, nous sommes une petite structure mais nous sommes devenus une pièce maîtresse dans le système d’accueil d’ensemble du pays », estime M. Forti. « Quelque 10% des immigrés passent par nous, soit pour juste une nuit, ou un plat, des habits ou un billet de train. L’Eglise répond toujours et le fait avec engagement ».

Un autre parti politique, pourtant, a récemment opéré un rapprochement spectaculaire avec les thèses de la Ligue du Nord : c’est le Mouvement 5 Stelle (5 étoiles) du comique Beppe Grillo. Mais ses propositions sont embrouillées et oscillent entre l’extrême fermeté et le légalisme de bon aloi. Au point qu’un député, Pino Pisicchio (non inscrit à un parti) se demande si le meilleur manuel pour décrypter le message de ce drôle « n’est pas le recours à la psychanalyse, et notamment à la lecture de La Psychologie des foules, ouvrage oublié du psychanalyste (français mort en 1931, Ndlr) Gustave Le Bon » !