Guerre de l’Est : l’étau se resserre autour de Paul KagameJeudi 18 Juillet 2013 - 16:45 À travers des allégations de bombardement portées récemment contre les Fardc et la Brigade d’intervention de l’ONU au nord de Gisenyi, le président rwandais cherche à sortir d’une situation qu’il avait pourtant délibérément créée du fait de son appui à la rebellion du M23. Depuis la reprise des affrontements entre le M23 et les Fardc, le 14 juillet, le président Paul Kagame ne dort plus sur ses deux lauriers. Les forces loyalistes qui, entre-temps, ont repris du poil de la bête sur le théâtre des opérations n’arrêtent d’infliger des lourdes défaites aux rebelles obligés de battre en retraite à une vingtaine de kilomètres de Goma. Il est fait état de la reprise, par les Fardc, de plusieurs localités jadis occupées par le M23 à commencer par Mutaho (située à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Goma) d’où les affrontements avaient commencé. Cette situation est loin d’arranger le régime rwandais qui ne s’attendait pas à un tel revirement après avoir soutenu militairement le M23 en le dotant d’un armement digne de ce nom. Placée dans une position défensive et faisant de la résistance face à l’offensive lancée par les Fardc, le M23 a beaucoup perdu de sa superbe. Ces nouvelles en provenance du front surviennent pendant que Kigali s’évertue à convaincre l’opinion internationale sur une prétendue collusion entre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et la nouvelle brigade d’intervention de la Monusco à peine déployée à Kanyaruchinya à 12 km de Goma. Dans une plainte déposée avant-hier à l’ONU par la ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikwiyabo, le gouvernement rwandais évoque une entente militaire sécrète qu’auraient scellée les deux parties dans une perspective de collaboration afin de déstabiliser le régime de Kigali. Cette prise de position du Rwanda qui, plus d’une fois, avait manifesté son hostilité vis-à-vis de la force d’intervention de l’ONU, ne surprend outre mesure. Bien au contraire, elle démontre à suffisance que Paul Kagame ne digère toujours pas l’opérationnalité de cette brigade spéciale chargée de neutraliser les groupes armés actifs dans la région dont le M23. Tout est fait dans le sens de l’en dissuader. D’après plusieurs sources concordantes, des stratégies seraient en train d’être concoctées au niveau de la hiérarchie de l’armée rwandaise pour voir dans quelle mesure stopper l’élan de la Brigade d’intervention de l’ONU. Il est même fait état d’une forte présence des militaires rwandais le long de la frontière avec la RDC en prévision des premiers assauts à lancer contre cette force onusienne. À la Monusco, l’on se prépare à cette éventualité tout en refusant de céder à ce qui est considéré comme une intimidation. Une guerre perdue d’avance Pour maints observateurs, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’étau est en train de se resserrer sur Paul Kagame qui ne sait plus comment sortir d’une situation qu’il a délibérément créée. Toutes les accusations portées contre la Monusco et les Fardc dont on dit avoir lancé à partir de la RDC deux obus au Rwanda au nord de Gisenyi, le 15 juillet, traduisent le manque de sérénité de Paul Kagame qui s’affiche désormais clairement comme parrain du M23. Non seulement qu’aucune bombe n’a été larguée sur le territoire rwandais, mais en plus, l’ONU ne peut pas se dédire en prenant une résolution contre les groupes armés d’une part et convoler d’autre part avec eux. Ceci est une aberration que seul le gouvernement rwandais peut justifier. Plus critiques, certains analystes pensent que ces bombardements seraient plutôt le fait du M23 qui chercherait à obtenir officiellement l’entrée de l’armée rwandaise dans cette guerre sous couvert du sempiternel prétexte de droit de poursuite contre les FDLR basés en RDC. Sinon, il y a lieu de s’interroger pourquoi le gouvernement rwandais se base uniquement sur « des informations crédibles, fiables et détaillées » dont il dispose sans se référer au mécanisme de vérification conjoint élargi pour en avoir la certitude ? Cette attitude relativise la portée desdites allégations qui nécessitent une enquête approfondie au niveau de cette structure chargée notamment de surveiller les mouvements à la frontière commune RDC-Rwanda. Au moment où les négociations de Kampala semblent marquer le pas, Paul Kagame qui a toujours privilégié un processus politique pour mettre fin à la crise de l’Est devrait donc déchanter aujourd’hui par la tournure prise par les évènements. La voix du dialogue ne constituant plus une recette appropriée pour juguler l’imbroglio de l’Est, l’homme fort de Kigali n’a plus qu’à se préparer à affronter une guerre perdue d’avance contre le tandem Fardc - Brigade d’intervention de la Monusco.
Alain Diasso Légendes et crédits photo :Le président rwandais, Paul Kagame |