Interview. Paul Put : " Gabriel Charpentier, Senna Miangué et Jordi Mboula sont d'accord pour venir en juin"

Mercredi 13 Avril 2022 - 13:23

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De passage en Europe après le stage des Diables rouges à Antalya, le sélectionneur national nous a accordé un entretien téléphonique. S'il regrette de n'avoir jamais pu compter sur un groupe au complet, Paul Put assume son bilan à mi-parcours et reste optimiste quant à ses objectifs. 

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : Bonjour M. Put. Avant d'entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous donner votre position sur votre candidature supposée au poste de sélectionneur du Burkina, évoquée par certains sites internet dédiés au football africain ?

Paul Put (P.P) : Je peux dire que je n’ai pas postulé au Burkina. Je sais que mon nom a été cité lors du match amical Belgique-Burkina, puisque j’avais emmené les Etalons en finale de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) 2013. Mais j’ai signé ici pour deux ans en 2021 avec l’objectif de qualifier le Congo pour la CAN 2023 et c’est la seule chose qui m’intéresse aujourd’hui.

L.D.B : Venons donc à l'objet de notre entretien. Quel bilan tirez-vous du stage des Diables rouges à Antalya ?

P.P : Je suis satisfait du travail effectué par les joueurs et de la progression du groupe durant le séjour. En revanche, je déplore les blessures de Gaïus et Thievy (Ndlr : Makouta et Bifouma) puis le départ anticipé de Baudry et Missilou. Une fois de plus, je n’ai pas pu avoir le groupe au complet, ce qui m’empêche de mettre en place mon projet. Je sais qu’il y a de la déception autour des résultats des deux matches, mais le travail fourni par le groupe lors des entraînements a été de qualité.

L.D.B : Deux matches, deux systèmes, deux visages différents mais deux défaites. Votre analyse ?

P.P : Lors des matches des éliminatoires du Mondial 2022, nous avons rarement eu la possession, alors qu’à Antalya, avec mes dirigeants, nous avons constaté que l’équipe avait su dominer le jeu, avec 70 ou 75 % de possession de balle et beaucoup d’occasions. Ce sont des éléments positifs sur lesquels s’appuyer. Avec plus de réussite offensive, l’issue des matches aurait été différente. J’espère que nos attaquants vont jouer davantage dans leurs clubs pour avoir le regain de confiance et d’efficacité nécessaire.

L.D.B : Globalement, le secteur défensif a paru fébrile sur les deux matches (cinq buts encaissés), y compris lorsqu’en première période, la ligne offensive et le milieu bloquaient bien la Sierra Leone. Comment expliquez-vous cette déficience ?

P.P : Déjà, lors des éliminatoires, à cause des blessures et des suspensions, nous n’avons jamais pu aligner la même défense (Ndlr : six compositions différentes, douze joueurs utilisés). A Antalya, il a fallu bricoler avec Missilou puis Rozan au poste de latéral droit, qui n’est pas leur meilleur poste. Dans l’axe, Francis Nzaba a disputé son premier match chez les A et a montré de bonnes choses. Bidounga faisait ses débuts au niveau international. Finalement, Mazikou était le mieux installé à son poste, avec seulement quatre sélections d’ancienneté. Je ne cherche pas d’excuse, mais forcément, les absences de Mayembo, Tsouka ou Mbemba, blessés, ont eu une influence sur les résultats.

L.D.B : Malgré ces absences, vous n’avez pas fait jouer Morgan Poaty sur l’ensemble des deux matches. Dans le secteur offensif, Bassouamina n’a presque pas joué non plus. Pourquoi ?

P.P : Les stages de préparation permettent de faire progresser le groupe, mais aussi de jauger les joueurs, surtout les nouveaux : leur niveau et aussi leur caractère, la faculté d’intégration dans le groupe. A partir de ces paramètres, c’est le rôle de l’entraîneur de savoir si un joueur doit entrer ou non, s’il est prêt ou pas. Ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas eu la volonté de bien faire, mais parfois ce n’est pas le moment. A l’inverse, j’ai eu le sentiment que Francis Nzaba était prêt, donc il a joué contre la Sierra Leone. J’ai mon idée sur la situation des uns et des autres, je vais continuer à suivre leur évolution en club et peut-être joueront-ils la prochaine fois.

L.D.B : Beka Beka, Mouyokolo, Massengo, Charpentier, Locko, Mboula, Miangué, Matsima, Botaka, Mampassi sont des joueurs sélectionnables par le Congo. Les connaissez-vous et suivez-vous ces profils ?

P.P : Je suis en contact avec ces joueurs depuis plusieurs mois. Ce n’est pas simple, il faut parler avec l’agent, avec le papa, avec la maman. Certains misent plus sur la France que sur le Congo, donc il faut leur expliquer que ça sera compliqué avec les Bleus, qu’au Congo, ils auront l’occasion de connaître le haut niveau, de jouer une CAN. D’autres ne sont jamais venus au Congo, ne connaissent pas le pays de leurs parents. Mais il y a des dossiers mieux avancés, comme celui de Charpentier (Ndlr : Gabriel, l’attaquant de Frosinone en Série B italienne) qui m’a dit qu’il était prêt à venir en juin. Mboula (Ndlr : Jordi, attaquant d’Estoril au Portugal) et Senna Miangué (Ndlr : défenseur du Cercle de Bruges) sont aussi ok pour venir en juin.

L.D.B : Comment fonctionnez-vous avec la distance puisque vous êtes basé au Congo ?

P.P : Il ne se passe pas une semaine sans que j’échange avec les joueurs, par téléphone, par message, ce qui prend du temps, car j’ai une liste de 45 joueurs. Nous les suivons aussi avec le logiciel Instat (Ndlr : site payant de scouting et de base de données), ce qui permet de voir les matches de chacun, de savoir qui joue, qui est blessé, qui est en forme. L’idéal est de pouvoir se déplacer pour voir chaque joueur, mais ce n’est pas le même budget. Moi, si on me donne les moyens, je sais que ce sera optimum pour aller rencontrer les joueurs et les convaincre, peut-être aussi avec la présence de mes dirigeants, comme cela a été le cas dans les fédérations des pays que j’ai entraînés auparavant.

L.D.B : Avant votre nomination, la cellule de détection, qui faisait le lien entre les binationaux et la Fédération, a connu des changements et semble depuis moins efficace. Etes-vous satisfait de son rendement ?

P.P : Ce que je peux dire, c’est que c’est moi qui suis parvenu à faire revenir un garçon comme Dylan Saint-Louis, dont le dernier match remontait à 2019. Il avait fait un bon match contre le Sénégal à l’aller et je suis très satisfait de son stage à Antalya.

LDB : Comment fonctionne votre collaboration avec Francis N’Ganga « team manager » ?

P.P : Je pense que la nomination de Francis N’Ganga est une bonne chose pour le Congo : il a un vécu comme joueur international et a fait une belle carrière en clubs. Il connaît le foot et les joueurs. Comme il est basé à Paris, c’est un bon relais pour moi auprès des joueurs en Europe. On échange beaucoup ensemble. C’est un nouveau poste pour lui. Il lui reste des choses à apprendre, il doit réussir à changer sa relation avec le vestiaire, surtout qu’il a joué avec certains d’entre eux. Il est à la fois professionnel et ambitieux et je suis stasifait de notre relation.

L.D.B : Qu’avez pensé du retour de Bifouma, même si ce fut court à cause de sa blessure ?

P.P : C’est évidement un argument offensif important pour l’équipe. Bifouma, avec lequel je me suis mis en contact dès mon arrivée au Congo, apporte un plus techniquement. Il fallait qu’il retrouve un club, c’est chose faite. Maintenant, il doit retrouver du rythme, il a deux mois pour le faire.

L.D.B : Lors de ce stage, vous avez surpris avec le positionnement d’Ibara, qui a été l’un des meilleurs joueurs sur les deux matches ?

P.P : C’est tout sauf un hasard. Avec le staff, on a vu qu’il jouait sur l’aile en Inde et qu’il a marqué des buts en partant de cette position. Je pense qu’il a les qualités de vitesse et de dribble pour ce poste et il a, d’ailleurs, fait deux très bons matches. Je voulais aussi voir Béni dans l’axe, mais comme nos lignes offensives ont joué haut, il a manqué d’espace. Les matches de préparation servent à tenter des combinaisons différentes.

L.D.B : En 2015, la sélection pouvait s’appuyer sur l’ossature de l’AC Léopards, qui dominait le football congolais et rayonnait sur la scène continentale. Ce n’est plus le cas actuellement, Otoho, comment y remédier ?

P.P : Je pense qu’il faut revoir la formule du championnat national : on ne peut pas arrêter de jouer pendant six mois (Ndlr : entre le 5 juillet, dernière journée du championnat 2021 et le 11 décembre, première journée de l’édition 2022). Il faut davantage de matches, peut-être en ajoutant des équipes, mais vingt-huit journées, ce n’est pas assez. Je sais que ce n’est pas facile pour les clubs, mais on doit vraiment y parvenir, avec le soutien des sponsors. Dans les pays où je suis passé, les entreprises de communication soutenaient le championnat local. Cela permettra aux clubs de se renforcer en qualité. En tous cas, je compte beaucoup sur les joueurs locaux pour enrichir le groupe.

L.D.B : Dans sept semaines, le Congo débutera les éliminatoires comptant pour la CAN 2023. Avez-vous en tête l’équipe que vous voudriez aligner au coup d’envoi ?

P.P : En fait, je l’ai en tête depuis plusieurs mois, mais je n’ai jamais pu l’essayer à cause des absences diverses. Ce sont les aléas du foot, mais j’aurais aimé avoir l’occasion d’aligner une ossature de sept ou huit joueurs pour mettre en place cette équipe et développer les automatismes. J’aimerais aussi que le groupe soit assez étoffé pour établir une concurrence, pour que les joueurs se sentent obligés d’en faire un peu plus à chaque fois. Là encore, les blessures, les suspensions, les absences… Mais oui, j’ai une équipe en tête qui pourra réussir ces éliminatoires et se qualifier à la CAN 2023.

L.D.B : Lors de la dernière CAN des équipes comme la Gambie ou le Malawi ont performé sans avoir un réservoir humain plus important que celui du Congo. Pourquoi cela fonctionne ailleurs ?

P.P : Je connais bien le cas de la Gambie, puisque j’ai entraîné l’équipe A entre 2008 et 2011 et que j’ai gagné la CAN 2009 avec les U17. Ils ont des joueurs de qualité, mais surtout les entraîneurs ont souvent le temps de mettre en place leur travail (Ndlr : le Belge Tom Saintfiet est en poste depuis 2018). Leur stabilité est un atout indéniable.

L.D.B : Vos arguments sont audibles, mais les gens qui lisent cet entretien sont en droit de se dire : le bilan de Paul Put est de trois défaites et trois nuls dans la campagnes éliminatoires, une victoire en trois matches amicaux, mais il nous dit que c’est la faute à pas de chance. N’avez-vous pas commis des erreurs ? Ne fallait-t-il pas davantage renouveler ce groupe, qui ressemble beaucoup à celui de Valdo puis Ngatsono ?

P.P : C’est une question légitime. Et sûrement qu’avec un peu plus de concurrence, certains joueurs seraient menacés. Après, si l'on sort un joueur du groupe, c’est pour apporter un bonus. C’est comme pour les remplacements en cours de match, il faut que ce soit pour bonifier, pas changer pour changer. Donc je ne cherche pas d’excuse et je sais que mon bilan n’est pas suffisant. Mais je sais que l’équipe progresse.

Il faut être honnête, par rapport à l’équipe qui a fait la CAN 2015, on manque de piliers comme pouvaient l’être Oniangué et Ndinga. L’équipe manque d’expérience et de maturité, d’ailleurs l’âge moyen de l’équipe est de 23 ans, alors qu’il tourne entre 27 et 29 chez les douze quarts de finalistes de la dernière CAN. Donc on reconstruit cette équipe avec des joueurs plus jeunes et ça nécessite du temps et de la patience.

L.D.B : Dans votre métier plus qu’ailleurs, le temps est un luxe…

P.P : Oui, je le sais. Pourtant c’est nécessaire, surtout lorsque l’on travaille avec les joueurs issus du championnat, avec lesquels il faut parfois revoir la base. Il faut du travail, de la patience et de la passion à chaque séance. J’ai toujours demandé à mes joueurs, partout où je suis passé, de se surpasser, de faire encore plus, encore mieux, même avec des stars comme Naby Keita de Liverpool. C’est ce que je fais avec le Congo et je sens que les joueurs adhèrent, qu’ils ont envie de progresser. Ça ne paye pas encore en match, mais ça viendra. Et seuls les résultats valideront notre travail.

L.D.B : Lorsque l’on effectue des recherches à votre sujet sur internet, on trouve beaucoup plus d’articles ayant trait à vos déboires judiciaires qu’à votre parcours de finaliste de la CAN 2013. Etes-vous blessé par cela ?

P.P : Oui, c’est blessant et surtout injuste, car j’ai été blanchi par la Fifa et par le TAS et personne ne le dit. C’est la Guinée qui a été condamnée à me verser une indemnité de rupture de contrat (Ndlr : on parle d’une somme de 270 000 euros à verser par la Fégafoot). Pour ce qui est de la Belgique, je n’ai jamais été suspendu par la Fifa, donc pourquoi voudrait-on m’empêcher de travailler ? Donc je suis blanchi à 100%, mais personne ne l’a écrit.

 

 

Le bilan de Paul Put sur le continent

Gambie: arrivé en 2008, il termine deuxième du groupe 6, derrière l’Algérie et devant le Sénégal lors des qualifications à la CAN 2019. Le Soudan, vainqueur du Congo dans des conditions troubles, passe devant la Gambie en qualité de meilleur deuxième.

Vainqueur de la CAN 2009 avec les U17, il échoue avec les A à la deuxième place des éliminatoires comptant pour la CAN 2012, derrière le Burkina. En mars, il prend les rênes des Etalons qu’il mènera en finale de la CAN 2013.

En 2015, le Burkina est privé de second tour par le Congo et le technicien belge quitte le continent.

Il y revient en octobre 2016, à l’USM Alger, avec lequel il dispute la demi-finale de Ligue des champions 2017.

Arrivé au Kenya en novembre 2017, il quitte ses fonctions en février 2018 (Sébastien Migné lui succédera en mai) et s’engage en faveur de la Guinée-Conakry.

Après une élimination en quart de finale de la CAN 2019, par l’Algérie, future championne, il se retrouve dans l’œil du cyclone : accusation de corruption et radiation à vie par la Féguifoot. Un jugement infirmé par le TAS et la Fifa, qui ont condamné la Guinée à payer une indemnité de rupture de contrat au technicien belge.

Propos recueillis par Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Paul Put en conférence de presse / Adiac

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