Santé : halte aux tabous des menstruations, une initiative de « Je Vis Sans Honte »

« Ce n’est pas facile de parler ouvertement de menstruations et de sexe aux jeunes dans nos coutumes, mais au vu du nombre croissant des grossesses précoces malgré les moyens de contraception et du manque d’accès à l’éducation sexuelle des jeunes en milieu scolaire et rural où l’accès à l’information reste très limité. Il était urgent de briser le silence et les tabous autour de cette question car les grossesses précoces sont souvent la cause de l’arrêt des études des jeunes filles qui voient leurs rêves s'envoler en cours de route », a déclaré Yann Mboungou, sensibilisateur-facilitateur en santé sexuelle et de reproduction. En effet, le sujet sur les menstruations demeure tabou et Yann, conscient de cette barrière, a mis en place tout un programme pour encourager les filles à s’exprimer librement.

« Nous avons des ateliers destinés uniquement aux filles, ou nous sensibilisons, informons, éduquons et accompagnons si nécessaire, pour mettre en garde les jeunes filles du traquenard de la grossesse surtout en milieu rural », avance Yann qui est persuadé que plus la fille est éduquée, mieux elle s’en sort car parler des menstruations fait tout de suite appel à son intimité, vu qu’il s’agit de parler des douleurs associées à cette période, des fuites et des protections… Mais c’est aussi le moment idéal d’ôter de la tête de ces jeunes filles tous les mystères, interdits, recommandations, désinformations et clichés entretenus par les plus âgées qui deviennent des fardeaux pour la jeune fille qui voit ses menstruations.

« Nous avons écouté des choses rocambolesques et écœurantes en ce qui concerne cette période, ce qui fait que cette période est parfois mal vécue par certaines filles », a fait noter Yann qui a eu du mal à s’introduire dans ce milieu exclusivement féminin.  « Evidemment, les filles se posent des questions quand nous animons des ateliers pratiques en santé sexuelle et de reproduction, il faut beaucoup de tact et de finesse pour qu’elles délient les langues et s’ouvrent à nous ; c’est pourquoi dans notre équipe nous sommes accompagnés des femmes et en général ça se passe bien », a expliqué Yann qui prône sur l’abstinence sexuelle, notamment pour les jeunes filles qui entrent dans la puberté lors de ses interventions.

Conscient que c’est un travail d’une longue durée, JVSH a mis en place des services permettant aux filles et aux garçons d’avoir des informations dont ils ont besoin via trois programmes bien définis. Il s’agit de l’éducation sexuelle (qui consiste à apprendre aux bénéficiaires les notions en santé sexuelle et de reproduction), la ligne verte (consiste à échanger via internet ou à un appel téléphonique sur des sujets concrets : la gestion du cycle menstruel, l’hygiène des filles en période de règles, le fonctionnement du corps de la  femme, les comportements, attitudes et pratiques en matière de la santé sexuelle des jeunes…), la JVSH forum (rencontres ou les jeunes partagent leurs avis  sur le sujet de la sexualité).  Des programmes qui sont destinés aux filles ayant un accès illimité à internet, les jeunes filles ayant un accès à internet, mais qui se contentent à l’utilisation des applications conçues pour gérer leur santé sexuelle et celles qui sont dans les zones rurales et n’ont pas accès ni à internet et dont l’accès aux informations à ce sujet est très limité et les jeunes hommes également.

Une aventure qui prend forme en 2017 alors que Yann se trouve à Kimongo où à l’époque il travaillait pour Canal+ Congo en tant que technicien bénévole. « J’ai été étonné de voir le nombre de filles enceintes entre 17 et 23 ans. Et ce qui m’a le plus choqué est que j’y ai rencontré une jeune fille, en période de menstruations, qui utilisait des chiffons pour se protéger parce qu’elle n’avait pas de moyens financiers pour s’offrir des serviettes hygiéniques », a relaté Yann qui, grâce à une expérience en santé sexuelle et reproductive partagée entre le Burundi, l’Ouganda et le Kenya, décide de lancer ce projet qui prend réellement un sens le 25 mars 2023.

Ainsi, lui et son équipe circulent d’une contrée à une autre notamment en milieu rural pour sensibiliser au problème d’hygiène menstruelle qui se pose avec acuité dans ces zones. « Nous distribuons des serviettes hygiéniques aux filles qui vivent dans la précarité menstruelle et nous profitons de sensibiliser les jeunes filles comme garçons  sans tabou à  l’éducation sexuelle, le suivi du cycle menstruel, la contraception, les avortements sécurisés, les violences faites aux femmes en faisant la promotion de la Loi Mouébara et à ce jour environs 1000 jeunes hommes et filles scolarisés et non scolarisés ont été sensibilisés et formés », annonce Yann qui invite la jeune fille à faire entendre sa voix, à se débarrasser de la peur et de la honte qui bloquent très souvent son talent et de sortir de sa zone de confort.