Relance agricole : pas de débouchés pour la moitié de la production africaine

Samedi 15 Novembre 2014 - 13:17

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Onze pays africains (Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique, Zambie, Tanzanie, Ethiopie, Ouganda, Nigéria, Mali et Burkina Faso) ont connu des pertes post-récoltes de grande ampleur représentant parfois plus 50% des denrées alimentaires produites selon les pays, à en croire une étude menée par l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra).

Face à cette situation, certains analystes congolais s’interrogent sur l’opportunité d’investir massivement dans l’agriculture sans des solutions durables au défi d’atteindre les consommateurs. En effet, Plantation au Plateau des Batékél’étude est arrivée à la conclusion que près de la moitié des denrées alimentaires produites dans ces onze pays ne parviennent pas aux consommateurs. Le niveau des pertes est très sérieux. Par exemple, certains de ces pays ont enregistré jusqu’à 70% des pertes post-récoltes pour la production du maïs. Dans d’autres filières également, notamment le riz, le mil et le sorgo, les pertes post-récoltes varient respectivement de 11% à 27% et de 5% à 15% (pour le mil et le sorgo). Même pour le manioc, produit de base également en RDC, l’on estime que 18% de la production de cette denrée alimentaire ne sera jamais consommé dans ces pays cités. Pour l’Agra, ces statistiques démontrent ni plus ni moins un gaspillage alimentaire. Il est clair que l’Afrique ne peut se donner ce luxe au regard de son taux élevé de malnutrition et de pauvreté. Elle propose aux dirigeants de ces pays d'investir davantage dans les différentes chaînes de valeurs de ces aliments. L’objectif, a-t-elle poursuivi, est d’arriver à réduire les quantités perdues.

Les pertes ont représenté encore récemment le dixième du montant total des importations alimentaires du continent africain, soit 4 milliards de dollars américains US. La situation déplorée par l’Agra dans onze pays africains peut bien entendu s’étendre dans tous les autres pays du continent africain. Et de ce fait, elle ne peut que renforcer l’urgence d’une profonde réflexion sur le gaspillage alimentaire dans le continent africain, unMoyens les plus précaires pour évacuer les produits agricoles phénomène loin d’être d’ailleurs nouveau en RDC. Certes, le Congo Démocratique s’attèle davantage à renforcer sa production pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. Mais il est clair que les produits agricoles continuent de pourrir dans les provinces sans espoir d’atteindre les principaux débouchés, principalement Kinshasa. 

Récemment, l’Agence nationale de promotion des investissements (Anapi) enfonçait le clou en révélant une baisse de la contribution du secteur agricole au PIB congolais depuis 2009, soit une période assez longue pour justifier l’intérêt d’y apporter des solutions en termes de politiques à mettre en oeuvre. Pour l’Anapi, cette contribution est passée de 40% en 2009 à 35% en 2012. Cela pourrait être, à en croire l’Anapi, la conséquence de la résurgence des activités minières. Cependant, a noté un analyste, cette baisse concerne une période riche en politiques agricoles avec des budgets consacrés à des campagnes agricoles et la création des zones agro-industrielles. L’on a ajouté également l’obligation faite aux miniers par certaines autorités provinciales, notamment celle du Katanga, d’investir dans l’agriculture. Dans son analyse, l’Anapi a confirmé le déficit alimentaire qui représenterait entre 20 et 32% selon les provinces. Mais ce déficit alimentaire serait, pour elle, le résultat du contraste entre une production agricole qui progresse de 2% l’an et une croissance démographique estimée à 3,2%. 

Magasins construits au Plateau des BatékéDans un cas comme dans un autre, c’est-à-dire de l’inefficacité des politiques agricoles ou de la croissance démographique galopante face à une production plus lente, la question de fond demeure. Le déficit alimentaire traduit une difficulté à atteindre les consommateurs, car la production agricole est bien là. Elle connaît même une croissance moyenne de 2% l’an, en-dessous bien entendu de la croissance démographique. Cela peut être interprété comme une multiplication plus importante des bouches à nourrir que de plats à proposer, a caricaturé l’analyste. Il est important de scruter d’autres stratégies plus efficaces incluant les deux problèmes à la fois, en l’occurrence l’offre et l’évacuation des produits agricoles. Actuellement, et l’Anapi le confirme, les terres exploitées ne représentent que 10 des 80 millions d’hectares arables. Seulement 13500 hectares sont irrigués, soit 3,2% des superficies disponibles. D'où la nécessité d'assurer une meilleure production agricole, de construire suffisamment de routes de desserte agricole et de mettre à contribution des moyens plus efficaces de transport pour l'évacuation des produits agricoles. Et la boucle est bouclée.          

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : une plantation dans la périphérie de Kinshasa Photo 2 : les moyens les plus précaires pour évacuer les produits agricoles (périphérie de Kinshasa) Photo 3 : des pertes post-récoltes