Religions Le pape demande pardon aux protestantsLundi 22 Juin 2015 - 17:45 En visite dans le Piémont italien, terre de ses ancêtres et lieu d’implantation des protestants vaudois, le pape François y a regretté les persécutions des catholiques contre les protestants. On ne dira pas que le pape argentin, installé à la tête du Vatican et de l’Église catholique universelle depuis seulement deux ans et trois mois, n’a pas posé des gestes forts pour amener les croyants à mieux coopérer. Le pape François a été sur tous les terrains pour prôner la paix et la fraternité des croyants au nom du seul Dieu-Créateur. Ce lundi, soit cinq jours à peine après la publication de son encyclique sur l’écologie, déjà œuvre de consultations avec d’autres branches de la chrétienté et notamment les orthodoxes, le pape est allé au cœur du protestantisme vaudois, à Turin, pour appeler à la fin des haines nées du passé. « De la part de l'Église catholique, je vous demande pardon pour les attitudes et les comportements non chrétiens, et même non humains, que, au cours de l'Histoire, nous avons eus contre vous. Au nom du Seigneur Jésus Christ, pardonnez-nous », a lancé le chef de l’Église catholique à la communauté réunie dans un de ses temples historiques les plus connus du nord de l’Italie. C’est en effet à Turin et dans le Piémont italien que les protestants chassés de France et d’Italie par les persécutions des catholiques revinrent s’établir après avoir passé de longues années à l’abri, en Suisse, dans le canton de Vaud. D’où leur nom d’Église vaudoise, ou encore Table vaudoise. Tout cela se passait au 12è siècle. Et l’ancien moine Luther, père de la Réforme qui allait donner naissance au protestantisme, n’était pas encore né. L’Église (catholique) veillait à la pureté de la doctrine et entendait sévir contre tous les « hérétiques », c’est-à-dire ce que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de « diversement chrétiens », encore que l’expression soit perçue comme condescendante par bon nombre de protestants qui se voient qualifier aujourd’hui d’Églises de réveil, voire de sectes. Car de telles appellations portent en elles l’idée que le curseur de la « vraie » religion est toujours sur l’Église catholique, ou pas trop loin ! Le pape est donc allé demander pardon aux membres de l’Église vaudoise, dans leur temple. Il a demandé pardon au nom de l’Église catholique : « au nom du Seigneur Jésus Christ, pardonnez-nous ! » a lancé le Pape, regrettant que des « frères n’acceptent pas leurs différences et finissent par faire la guerre les uns contre les autres ». Cela ne peut qu’attrister, a-t-il dit, de constater que « face aux différends et aux violences commises au nom de la propre foi », on en vient à recourir à des contre-témoignages évangéliques. « Nous ne pouvons que nous attrister des oppositions et violences commises. Je demande au Seigneur qu'il nous donne la grâce de nous reconnaître tous pécheurs et de savoir nous pardonner les uns les autres », a dit le Souverain pontife. Il a toutefois loué « le profond lien qui nous unit malgré les différences », ainsi que de la «redécouverte, ces dernières années, de la fraternité qui unit ceux qui croient en Jésus Christ et qui ont été baptisés en son nom ». Cela pousse à aller de l’avant dans la recherche d’une unité qui «puisse devenir pleine et visible, dans la vérité et la charité », grâce à « la prière, la conversion personnelle continuelle et communautaire et avec l’aide des théologiens ». Alors, donc, tous frères et la paix est revenue ? Sans doute pas, a rappelé le pasteur Eugenio Bernardini, qui est le président (titre officiel : « modérateur ») de la Table vaudoise. Tout en se félicitant que « le pape ait accepté de franchir un seuil historique », abattant pour cela « un mur érigé il y a huit siècles », il n’a pas manqué de critiquer la définition que les théologiens catholiques retiennent toujours l’Église vaudoise, « une communauté ». Il a exprimé le souhait que les théologiens catholiques effacent une telle expression de leur vocabulaire au plus tôt. « Frère François, nous ne comprenons pas ce que signifie l'expression du Concile qui nous définit comme communauté et non comme Église. Cela veut-il dire que nous sommes une Église à moitié, une Église non Église? Nous sommes une Église, vous devez nous reconnaître comme tels. Une Église, certes pécheresse, mais de Jésus, jugée et sauvée par Lui ». Une prise de position qui vient souligner combien certaines querelles parmi les chrétiens sont nées parfois de mots, et même parfois de virgules dans la proclamation du même message évangélique. À signaler que l’Église évangélique du Congo est affiliée en Italie à la Table vaudoise. Elle entreprend une grande activité sociale et d’accueil pour les communautés de protestants africains francophones qui seraient autrement désorientés face à la multitude des dénominations protestantes en Italie. Les Vaudois ont leur temple en plein cœur de Rome, non loin de la Place de Venise. Ils disposent aussi d’un grand séminaire de théologie, Place Cavour. Le mois dernier, des pasteurs congolais venus de Brazzaville y étaient en session de formation et de remise à niveau.
Lucien Mpama Notification:Non |