Italie : l’immigration et sa face africaine oubliée

Lundi 10 Août 2015 - 15:56

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La presse italienne sort des sentiers battus et montre un autre versant de l’immigration, celui qui touche les pays africains entre eux.

Tous les drames ne surviennent pas qu’à Lampedusa, même si ceux-ci sont les plus émouvants parce que les plus médiatisés. Chaque jour qui passe voit un nombre infini de morts, de courses effrénées de populations africaines fraîchissant les barrières et y laissant la dignité, l’espoir et même la vie. La plus grande agence de presse italienne a ainsi consacré lundi un espace à cette « marée de migrants État à État » que l’Afrique compte en son sein et qui ne sont visibles sur aucun écran de télévision.

Car, précise l’agence, il n’y a pas que les dizaines de milliers de désespérés qui tentent de quitter les côtes libyennes pour se mettre dans les griffes des trafiquants en cherchant à gagner l’Europe, pas l’Italie. Depuis longtemps, l’Afrique est le théâtre d’un vaste phénomène migratoire à l’intérieur des frontières des États ou entre ces États eux-mêmes. Les causes sont les causes connues depuis toujours, mais les destinations ne s’imposent pas par le choix d’un mieux-être social. Un simple répit contre les balles et les violences suffit.

Les journalistes italiens observent qu’il arrive souvent que les pays d’accueil, acculés sous le poids des arrivants ou sous la contrainte d’un retournement d’opinion, décident de se fermer à la solidarité. Il en a été ainsi, soulignent-ils, d’une décision récente de renvoyer du Gabon vers leurs pays d’origine 400 migrants venus du Mali, du Burkina Faso, du Sénégal, du Togo, du Nigéria, du Bénin, du Ghana ou de Gambie.

Ils ne l’ont pas écrit mais ils suggèrent que ces immigrés sont transbahutés de part et d’autre des frontières, avec parfois des populations qui s’entrecroisent : les Camerounais refoulent des Nigérians et les Nigérians des Camerounais ; des Congolais vont et viennent, contraints, d’un côté et de l’autre de la frontière ; des Angolais refoulent des Congolais, des Congolais refoulent des Angolais et l’Afrique du Sud devient un carrousel de mouvements giratoires pour les Africains de toutes origines. La crise burundaise actuelle a vu se déverser en masse des Burundais vers le Rwanda comme le génocide de 1994 avait fait affluer des Rwandais au Burundi et en RDC. La compétition sur le marché du travail, les questions d’insécurité, l’impression d’un surnombre créent des tensions, que les politiques cherchent rarement à apaiser.

L’agence italienne attire l’attention sur le fait que l’Afrique dans son ensemble ne voit la question de l’immigration que dans le sens Afrique-Union européenne (UE). Ils signalent : le président Macky Sall (du Sénégal) invitait récemment l’UE à « ne pas se barricader, parce que ce n’est pas une solution ». Mais combien de pays entendent imiter la Côte d’Ivoire de feu le président Houphouët-Boigny qui sut faire de son pays une terre d’accueil pour tout étranger pourvu qu’il  contribue au développement de la Côte d’Ivoire ?

La question peut être posée, en effet, mais la conclusion est erronée. L’agence affirme que la Côte d’Ivoire n’est pas aujourd’hui parmi les pays de provenance des centaines de milliers de migrants qui débarquent à Lampedusa. C’est un peu aller vite en besogne ! Que les plus nombreux de ces migrants soient des Érythréens ne doit pas faire illusion : il y a du monde dans les flux qui débarquent. Un vrai kaléidoscope africain !

Lucien Mpama

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