Dogad Dogoui : « Les pays africains représentent une voie de sortie de croissance pour l’économie dans l’Hexagone, à condition d’y investir durablement en pour créer de la richesse et des emplois locaux »

Vendredi 6 Décembre 2013 - 10:13

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Dogad Dogoui, Africa SMB Forum,  Redflag,  Africagora. Dogad Dogoui, vous êtes président de l’Africa SMB Forum, directeur du cabinet Redflag et fondateur du réseau Africagora. Parlez-nous de Redflag et de ses missions. Et que signifie le sigle SMB ?

À travers Redflag, nous accompagnons des entreprises privées et institutions publiques dans la définition de leur stratégie de communication et la gestion de publics affairs : établissements financiers, industriels, sociétés technologiques et de services, fédérations professionnelles et collectivités locales. Depuis 2010, nous avons ouvert un département Intermédiation Afrique avec la gestion de projets d’investissements et de missions export. En prolongement de cette activité, Redflag a initié le Club Africa SMB (Small and Medium-sized Business) en septembre 2012 pour connecter les PME africaines au monde.

Après dix ans de militantisme associatif, que pensez-vous de la mobilisation de la diaspora africaine pour le continent africain ?

La nature et la composition des diasporas africaines ont changé au fil des ans. Nos pères venus en France pour étudier après les indépendances ont suivi les pas des leurs, engagés dans la décolonisation. À une immigration ouvrière liée aux régions d’origine – en attendant un retour au pays à l’âge de la retraite – très investie dans le transfert d’argent pour le soutien aux familles a succédé une composante étudiante, intellectuelle et managériale des diasporas africaines de plus en plus impliquée dans le retour des cerveaux et les investissements productifs dans le secteur privé. Un mouvement qui ira croissant avec la consolidation de l’émergence des économies africaines et de leurs besoins en compétences.

Tout comme les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine), peut-on parler d’un véritable essor économique de l’Afrique ? Quelle place peut y jouer la diaspora africaine ?

Le continent africain est vaste et divers par ses cultures, ses histoires et ses atouts. Mais globalement, l’Afrique est en pleine croissance tant économique que démographique. Un continent jeune qui doit tout de même faire face à des besoins et des défis colossaux : énergie, infrastructures, alimentation, éducation, emplois, gouvernance. C’est aux Africains eux-mêmes (du continent et de ses diasporas) de s’atteler à cette lourde tâche, comme l’ont fait auparavant les pays d’Asie. Rappelons-nous également que les diasporas coréenne, indienne et chinoise se sont massivement investies dans l’essor économique de leur pays d’origine. Les diasporas africaines en Europe et en Amérique du Nord sont aussi mobilisées pour participer au développement et à la croissance économique du continent. Face au regain d’intérêt des Occidentaux, des Asiatiques et de nouvelles puissances comme la Turquie et le Brésil, les Africains ne peuvent se permettre d’être au rendez-vous de leur propre histoire en mouvement. Je milite pour l’accélération des échanges intra-africains, l’intégration régionale et un soutien massif des états et des institutions aux PME. Je plaide également pour une voie africaine de développement durable et maîtrisé, s’appuyant sur des technologies et méthodes adaptées aux économies et aux peuples. Les diasporas africaines, elles non plus, ne devront pas rater le tournant actuel vers l’horizon 2050-60.

Pensez-vous que grâce à l’éducation, la formation, et les nouvelles technologies (internet, portable, réseaux sociaux, etc.), l’Afrique est passée du xixe au xxie siècle ? Est-elle en mesure de négocier d’égal à égal son avenir politique et économique au niveau international ?

La chance de l’Afrique pour son futur développement, c’est son retard actuel : elle peut et doit tirer les leçons des ratés et des conséquences du développement industriel de l’Europe du xixe siècle et de celui de l’Asie au xxe. Le xxie sera celui de l’Afrique, à condition que ce continent pense son développement à l’aune des besoins de ses populations. Nous sommes à l’ère de la communication mondiale et de l’image. À l’Afrique de tirer parti de ses énormes richesses grâce à une meilleure gestion des revenus du sous-sol pour constituer des fonds souverains consacrés aux défis des infrastructures et de l’énergie, à la mobilisation des compétences de sa jeunesse sur le continent et en dehors, et à la création de contenus africains pour investir les réseaux internationaux d’influence. La maîtrise de son avenir en dépend.

Serez-vous présent au sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité les 6 et 7 décembre à Paris ? Si oui, où comptez-vous proposer votre expertise ?

Je compte y partager ma vision et mes propositions autour de la thématique « Partenariat économique et développement » confiée au Médef. L’occasion pour moi de réaffirmer la place indispensable que nous devons accorder aux PME et aux entrepreneurs africains dans la création de richesses et d’emplois durables sur le continent. Les PME forment le plus grand vivier d’emplois et les trois quarts du PIB en Afrique, mais ont très peu accès aux crédits et au soutien pour leur développement. Le partenariat des investisseurs et des PME du monde occidental et des Brics sera déterminant pour assurer à l’Afrique une croissance inclusive, un transfert de technologies adaptées, des emplois qualifiés et une hausse des revenus.

Un coup de cœur ou un coup de gueule en guise de mot de la fin pour conclure cet entretien ?

Africain et français, je travaille à la consolidation de passerelles entre des partenaires historiques. Mais nous devons faire comprendre aux institutions, aux entrepreneurs et à la société civile française que les pays africains représentent une voie de sortie de croissance pour l’économie dans l’hexagone. À condition d’investir durablement en Afrique pour y créer de la richesse et des emplois locaux, dans le respect des peuples et des cultures, et dans une approche nouvelle de partenariats multilatéraux qui composent avec les investisseurs venus de Chine, Singapour, Corée, Inde, Turquie, Malaisie, Singapour, Brésil, Émirats et... d’Afrique.

L’Africa SMB Forum du 12 au 14 mars 2014 à Casablanca

Le Club Africa SMB et le cabinet Redflag préparent l’accueil au Hyatt Regency de Casablanca de six cents PME et investisseurs venus de quarante pays, dont vingt d’Afrique subsaharienne, du Mena (Maroc, Tunisie, Algérie, Égypte, Turquie, Émirats), d’Europe, d’Asie (Inde, Singapour, Malaisie, Chine) et d’Amérique latine (Brésil, Argentine, Chili) pour l’Africa SMB Forum dont la première édition a pour thème « Interconnecter et financer les PME pour l’emploi et la croissance inclusive en Afrique ». Un sommet ministériel et patronal africain autour des PME précédera le forum d’affaires qui proposera à cinq cents patrons de PME, ETI, groupes et sociétés d’investissement deux conférences, trois tables rondes, douze ateliers thématiques et surtout 2 500 rendez-vous B2B pré-organisés (à raison de dix rendez-vous par participant).

Dominique Loubao
Franco-Ivoirienne issue de la diaspora, Dominique Loubao est ingénieure culturelle et responsable de communication. Elle préside l’association la Plume Noire, fondée en février 1995, une association loi 1901 à but non lucratif qui a pour vocation la promotion des littératures et la culture en général du monde francophone et du monde noir (Afrique, océan Indien, Caraïbes, Océanie, Amérique latine). Elle a créé il y a neuf ans le Prix Senghor du premier roman francophone et francophile qui récompense un premier roman écrit en langue française. Elle est depuis trois ans consultante associée, affiliée au réseau des experts du livre Axiales.

Propos recueillis par Dominique Loubao

Légendes et crédits photo : 

Dogad Dogoui, Président de l’Africa SMB Forum, directeur du cabinet Redflag et fondateur du réseau Africagora. Né à Abidjan le 14 février 1964, il part en France en 1981 pour finir ses études. Spécialisé dans la communication institutionnelle et les relations publiques, il a d’abord passé sept ans au sein d’agences françaises (Anderson & Lembke, Orchestra) puis franco-américaine (DDB), avant de créer sa première société, Almeria RP en 1996.