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Samedi 15 Février 2014 - 14:15

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À l’arrêt de bus, à la gare centrale, à la banque le jour de la paie des fonctionnaires, ou dans les administrations publiques : de nombreux Congolais ne se rendent peut-être pas compte du temps qu’ils perdent chaque jour. Dans ce numéro, nous dressons un aperçu de ce que ces situations qui agacent des usagers impuissants peuvent avoir comme reflet de toute une société

Longue se fait l’attente à l’arrêt de bus chaque matin. Dès six heures, les voitures dans les grandes artères de Brazzaville circulent plus ou moins à leur aise, selon les jours toutefois. Car les lundis et les vendredis sont les jours où de manière générale la circulation peut être plus dense. Sur l’axe Nkombo-lycée Mikalou, les embouteillages sur la voie publique commencent parfois tôt. Mais il arrive, explique Imelda, habitante de Massengo, que l’axe soit toujours encombré à 22 heures !

Elle fait part de sa peine, chaque matin, pour parcourir, en deux heures ou plus, le trajet qu’elle doit commencer dès cinq heures du matin. Étudiante, elle est tenue d’être parmi les premiers arrivants pour trouver une place assise dans l’amphithéâtre où le premier cours ne commence pourtant qu’à neuf heures ! Les étudiants entrent dans la catégorie de personnes qui chaque jour peinent doublement, d'abord trouver un moyen de transport puis arriver à l’heure à la fac, c’est-à-dire suffisamment tôt pour être sûrs de pouvoir suivre les cours du jour. Et puis il faut songer, après cela, au trajet du retour : un calvaire !

Pour la catégorie des personnes qui prennent régulièrement le train, ou même de manière circonstancielle, l’acquisition d’un ticket ne se fait pas sans mal. Il faut, avant le jour du voyage, acquérir son ticket qui n’est d’ailleurs délivré que sur présentation d’une pièce d’identité. Ce qui n’évite pas les longues files aux guichets et donc des heures d’attente. Le plus simple est de passer par des parents, amis ou connaissances employés au Chemin de fer Congo-Océan. Un monsieur devant voyager le lendemain réussit à avoir son billet de train pour Dolisie. Mais le jour prévu, à l’heure indiquée on annonce – quand on l’annonce –, après une longue attente, que le train ne partira que le jour suivant à 19 heures !

Imaginez les innombrables inconvénients d’un tel à peu-près, les voyageurs étant souvent soumis à des situations d’urgence, comme un deuil, une cérémonie, un rendez-vous familial ou même médical. Bus, trains et même avions sont soumis aux mêmes aléas. Combien de voyageurs reviennent de Maya-Maya parce que le vol retenu sur Owando ou Ouesso se trouve supprimé pour des motifs les plus fantaisistes et souvent sans proposition adéquate de substitution ? Car on s’entend dire que le prochain sera pour « la semaine prochaine », on ne voit pas bien ce que cela peut changer à la situation du pauvre voyageur.

À chaque paie des agents de la fonction publique, le spectacle que renvoient les banques est lui aussi désolant : des centaines de clients, jeunes et vieux, prennent d’assaut une quelconque agence pour attendre pendant des heures leur tour d’être servis. Une maman ayant commencé à l’âge de 26 ans comme enseignante en 1981 souligne qu’aujourd’hui, à l’ère de l’informatique, le système est plus difficile, plus chaotique qu’avant : « Lorsque je me rendais à la banque à l’époque, personne dans l’établissement où j’ai commencé à travailler ne se rendait compte de mon absence. La queue à la banque n’existait pas. On était vite servi, et les dames à la caisse étaient plus polies. Aujourd’hui, jeunes ou plus âgées, elles sont de moins en moins bien disposées envers les clients. Le matin, j’arrive à 5 heures pour être parmi les premières personnes, mais à 15 heures je ne suis toujours pas sûre de repartir avec mon salaire. L’attente est douloureuse, parfois une vraie torture ! » Et d’ajouter : « Les caissières donnent l’impression d’attendre une certaine heure pour vite s’occuper des clients. On apprend même sur place qu’à partir de 14 heures,  les heures supplémentaires sont prises en compte, ceci explique sans doute cela. Car avant 14 heures, elles s’occupent en moyenne d’un client toutes les quinze minutes, clients qui sont d’abord en toute logique les parents et les amis qui, eux, n’ont pas à prendre de numéro d’ordre pour être servis et bien servis ! »

Un employé d’une grande banque de la place, qui requiert l’anonymat, déclare pour sa part qu’« au moment de la paie, tous les fonctionnaires se ruent aux guichets automatiques qui souvent tombent en rupture de fonds dans les heures qui suivent le virement parce que ce sont de gros, moyens et petits salaires qui sont retirés en une seule journée ! Ces guichets automatiques ont été mis en place en fait pour des urgences, des dépannages : comment le faire comprendre aux gens ? »

Enfin, le dernier tableau que nous présentons est celui de l’administration publique : que d’allers et retours dans les bureaux de ceux qui détiennent la décision finale dans un dossier de reclassement, d’avancement, de mise en disponibilité ou de mise à la retraite ! Il faut attendre longtemps, et sans garantie de réponse fiable. Les agentes semblent les plus hésitantes à se prononcer, elles renvoient la décision aux supérieurs. Pourquoi ? Il suffirait de mettre un avis invitant à aller directement là où se prend la décision au lieu de se présenter à un guichet où notre simple présence semble être une gêne pour ceux qui sont pourtant payés pour nous servir !

À tous les niveaux, donc, l’attente se fait de plus en plus longue, rendant les personnes de référence parfois agressives, insolentes ou fermées à toute sollicitation et demande d’information. Ce que les Congolais ignorent, c’est que l’un des facteurs clés pour rendre le pays plus attractif aux investisseurs étrangers est de savoir réduire les attentes superflues !

Luce-Jennyfer Mianzoukouta

Légendes et crédits photo : 

Photo : La caisse d'une banque prise d'assaut. (© DR)