Cinéma : Harmonica, l’histoire tragique de Dorcas par son journal intimeSamedi 27 Décembre 2014 - 15:15 Voilà un court métrage bien pathétique qui n’a, en fait, rien de musical ni de vraiment harmonieux comme aurait pu le laisser supposer son titre. Il dure à peine quinze minutes mais il faut bien plus de temps pour s’en remettre. Harmonica, ce documentaire poignant dont le récit est rendu par la voix de Déborah Basa avait fait un sacré effet sur le public à son avant-première, le 19 décembre à la Halle de la Gombe. Seconde projection après Kinshasa Sound, le film contrastait fortement avec le joyeux portrait de la ville livré par Fabrice Kalonji avec en filigrane l’histoire du hip-hop local et son incidence sur la société. Harmonica est en fait le nom que Dorcas, le personnage central du film, avait donné à son journal intime. « Elle disait que c’était l’expression de l’harmonie, harmonie d’une vie… », nous a révélé Déborah Basa, la réalisatrice du documentaire. Dans l’incapacité de soutenir le dialogue avec Déborah pour le besoin du film, Dorcas a trouvé elle-même le moyen de contourner cet obstacle. La réalisatrice nous explique le contexte dans lequel s’est produit la nouvelle orientation de son échange avec son personnage. « Elle n’était pas toujours en mesure de parler. À chaque fois qu’elle se trouvait bloquée, elle écrivait dans son journal intime ce qu’elle ressentait dans son for intérieur et tout ce qui lui passait en tête. Elle m’a alors remis son journal intime et m’a dit : « Fais-en ce que tu veux ». C’est là que j’ai pensé faire vraiment un film dont l’histoire serait racontée par son journal intime », a affirmé Déborah. Il n’en était pas ainsi « lors des premiers contacts », a souligné Déborah indiquant qu’elle marchait quand même encore quoique avec peine. Et de poursuivre : « Quand nous avons entamé le tournage, elle n’était plus en mesure de le faire et ne tenait plus de conversation. Le médecin lui avait recommandé du repos et, donc, cela devenait un peu compliqué. Je n’avais plus l’occasion de passer beaucoup de temps avec elle. Je lui disais seulement des petits trucs, je ne forçais pas et il m’arrivait de m’adresser à la sœur Pascaline pour certaines questions. Mais à vrai dire, la grande partie du film a pour base les éléments recueillis dans son journal intime. Tout est parti de là ». Griffonner encore Il était étonnant de voir qu’en dépit de son état de santé précaire, paralysée d’une main et à peine capable de se tenir assise Dorcas ait été encore en mesure d’écrire dans son journal avec une belle écriture comme l’on sait le voir dans le film. La réalisatrice explique qu’elle en était en effet capable « au tout début, mais au fur et à mesure que l’on progressait, elle éprouvait de la peine à le faire et ne parvenait plus ». Même si par la suite, cela devenait difficile, elle ne s’avouait pas pour autant vaincue : « Elle essayait encore de griffonner, s’efforçait parce qu’elle tenait à y mettre quelque chose. Le fait d’écrire dans son journal c’est comme si elle tenait à tout prix à parler à quelqu’un mais n’y parvenait pas. Elle s’efforçait vraiment à y inscrire quelque chose », a dit Déborah. Définitivement poignant, Harmonica a montré comment la vie peut des fois nous jouer des tours. Dorcas dont Déborah a choisi de raconter la tragédie en est un cas patent. La jeune réalisatrice la connaissait, nous a-t-elle dit, « par le canal de ma jeune sœur dont elle avait été la condisciple ». Et d’ajouter : « Nous étudions dans la même école, c’était une fille vraiment très brillante. J’ai appris par la suite qu’elle avait perdu son père et avait fait une crise qui l’avait paralysée ». Dès lors, touchée au plus haut point par ce drame, elle a pensé en faire le sujet de son deuxième film, une motivation qu’elle explique aux Dépêches de Brazzaville de la sorte : « À vrai dire, il s’agit d’abord d’une motivation vraiment personnelle. Pour commencer, je suis moi-même orpheline de père et ensuite savoir que Dorcas, la fille intelligente que j’avais connue autrefois était devenue invalide, n’arrivait plus à faire quoique ce soit, même plus à se tenir debout pour se rendre en classe, m’avait beaucoup choquée. Je me suis dit qu’il fallait l’aider, faire quelque chose ensemble, question de lui donner un peu plus de force pour affronter la vie. C’était cela mon objectif ». Nioni Masela Légendes et crédits photo : Un extrait du court métrage Harmonica |