Couleurs de chez nous. Nos « sans-abri »Jeudi 30 Mai 2019 - 19:05 C’est une réalité bien prégnante dans les villes de l’Occident comme on nous le montre dans les films américains et comme on peut le constater à Paris pour ne prendre que cette ville que les Congolais connaissent mieux. Les sans-abri, ces gens qui ont élu « domicile » dans la rue, le long des avenues et boulevards. Ces personnes cachées derrière la montagne d’objets divers, leur seul patrimoine entassé, et qui vivent en fouillant dans les poubelles ou en faisant la manche. Devant elles, un bol ou une assiette qu’elles lorgnent d’un œil dans l’espoir que leur sort touchera quelques passants qui n’hésiteraient pas d’y déposer une pièce ou un billet de banque. Encore un détail au sujet de ces sans-abri des villes occidentales : la présence de l’hiver qui ajoute une dose amère à leur difficile vie. Chez nous au Congo, les sans-abri comme tels n’existent pas. D’abord parce que « la solidarité bantoue » nous impose ce devoir d’abriter les nôtres quel que soit leur âge. Chez nous, les nôtres sont toujours les bienvenus car ils y trouvent le gîte et le couvert. « Si je mange, tu mangeras », aimons-nous dire aux nôtres pour manifester cette solidarité digne des soldats qui n’abandonnent jamais leurs frères d’armes touchés sur le front. Pourtant, cette réalité qui tient sur certains points contraste avec ce qui se voit sur le terrain : des « sans-abri » qui nous renvoient un décor plus ou moins égal à celui décrit au premier paragraphe. S’agit-il vraiment des « sans-abri » ? Telle est la question que me posa, un jour, un ami en visite à Brazzaville. Convaincu de la théorie sur la « solidarité africaine ou bantoue », il n’en revenait pas de voir des Congolais qui dormaient dans la rue. Quelle est la réponse ? En apparence, oui. En réalité, non. Ceux qui, dans nos villes, occupent les abords des rues et avenues sont des malades mentaux. Abandonnés par leurs parents, fugitifs de l’asile ou chassés des lieux de casernement, ils n’ont d’autres demeures que la rue. Des contenus de poubelles, ils vivent et s’habillent de vêtements jetés. Nombreux d’entre ces malades mentaux ont eu une vie normale. Parmi eux : des pères d’enfants, d’anciens chefs de famille, d’anciennes femmes au foyer, d’anciens étudiants ou élèves, des fonctionnaires et, bien-sûr, d’anciens caïds ayant semé la terreur dans les quartiers. Pour diverses raisons, leur vie a basculé. Mais, pour ceux qui les connaissent, ils ont leurs moments de lucidité. Ils savent reconnaître les leurs à qui ils font quelques blagues comme à l’époque où ils avaient leur conscience en place. On pourrait craindre d’eux des actes de violence. Mais rarement ils s’attaquent aux gens. L’indifférence aux passants les caractérise quand ce n’est pas quémander la mansuétude de ces derniers. Enfin, deux choses tristes les concernant : le manque de politique publique de la part de l’Etat à leur égard et, désormais, ce regard négatif que portent sur eux les autres Congolais qui, au nom de nouvelles idéologies religieuses, voient en eux des sorciers maudits. On pourrait en dire davantage. Van Francis Ntaloubi Notification:Non |