Evocation : la fête du 14 juillet

Jeudi 16 Juillet 2020 - 20:07

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Pour les téléspectateurs congolais d’aujourd’hui, la fête française du 14 juillet évoque un imposant défilé militaire parisien sur le boulevard des Champs Elysées en France. Pour les Congolais qui sont nés après l’indépendance ou bien qui ont grandi après 1960, année de la libération de l’Afrique, la date du 14 juillet et la fête nationale française qui lui est associée n’évoquent aucune alarme dans le subconscient.

Pendant l’existence du Moyen-Congo, territoire de l’empire colonial français en Afrique centrale, la fête du 14 juillet fut la plus puissante attraction populaire dans les villages. La fête du jour de l’An, la Bonne Année s’imposa peu à peu sur le territoire, en ville et à la campagne comme principale fête populaire par son caractère universel et impersonnel bien après la fête du 14 juillet. A la campagne, dans toutes les sous-préfectures, la fête du 14 juillet s’imposa très rapidement à la conscience populaire par son caractère martial. Cette fête mobilisait les chefs de terre, les chefs de tribus, et plus tard, les chefs de canton. Entourés de leurs cours et de leurs miliciens, les chefs se rendaient à la parade devant le préfet ou le sous-préfet français en habit de grand seigneur. Ils étaient transportés sur des palanquins juchés sur des épaules d’hommes de corvée. Un rituel immuable accompagnait le passage des villages sur leur itinéraire. A l’entrée de chaque village, les miliciens déclenchaient une fusillade nourrie à laquelle répondaient les villageois, au départ à l’aide des fusils de pierre appelés « pa-pa », puis avec des fusils double-cartouche. Les griots, les tam-tams, les cloches, les cris d’allégresse des femmes, des enfants et tout le folklore du village se mêlaient et transformaient l’étape en un instantané du grandiose spectacle qui se déroulera au chef-lieu de la préfecture ou de la sous-préfecture. Dénommé la fête de la France, « Eyenga Poto », « feti ya mputu » suivant les différentes déclinaisons dialectales du pays, l’évènement festif était célébré et vécu avec allégresse.

Promue par le colon comme fête du colon, la fête du 14 juillet a disparu avec le colon sans que les indigènes ne sachent la symbolique qui liait les colons à cette fête.

Régulièrement célébré en France depuis 1880, après l’insurrection révolutionnaire de 1870 (la Commune de Paris) et la restauration de la République, le 14 juillet commémore la prise d’une prison d’Etat, la Bastille, en 1789 par le peuple de Paris. C’était un château construit à l’est de Paris, au moyen-âge d’allure plutôt sinistre qu’on accédait comme beaucoup de ces édifices en traversant un pont levis juché au-dessus d’un fossé. Le roi Louis XVI jetait dans cette prison qui il voulait. Le prisonnier arrivait accompagné par une ‘’lettre de cachet’’ signée du roi. Symbole de l’absolutisme de l’autorité royale de la monarchie des Bourbons, la prise de la Bastille traversa l’Europe et se fixa comme un évènement précurseur des mouvements révolutionnaires qui allaient secouer l’Europe et le monde aux 19e et 20e siècles. En France même, le 14 juillet annonçait le mouvement révolutionnaire du 10 août 1792 et la chute de la royauté des Capet.

Pendant les luttes révolutionnaires européennes et asiatiques au 19e et au début du 20e siècle, le 14 juillet, jour de la prise de la Bastille était devenu le symbole de la lutte contre l’oppression et l’autocratie. En Russie et en Chine pré- révolutionnaires, la Bastille symbolisait l’autocratie des Tsars et des dynasties de l’empire du Milieu. Vladimir Lénine, Léon Trotsky, Mao Zedong et les autres révolutionnaires du 20e siècle se considéraient comme les héritiers des parisiens du 14 juillet 1789 quand ils abattirent les bastilles qui s’élevaient dans leurs pays respectifs.

Ceci dit, dans la chronologie de la journée du 14 juillet 1789, le château de la Bastille reçut ses assaillants un peu par hasard. Il s’était retrouvé comme on dit, au mauvais endroit, au mauvais moment. Il avait été attaqué et pris d’assaut non pas parce que les insurgés voulaient libérer des prisonniers qui s’y trouvaient mais, parce qu’ils espéraient trouver des armes dont le bâtiment servait d’entrepôt. Accessoirement, on libéra sept prisonniers dont quatre faussaires, deux fous et un criminel qui n’avaient pas été placés par la volonté du roi.

Toutefois, c’est l’absolutisme de Louis XVI qui fut à l’origine du mécontentement des parisiens. Alors qu’au Royaume-Uni une monarchie constitutionnelle partageait le pouvoir entre le Palais royal et le Parlement depuis les révolutions du 17e siècle, en France, le roi était encore à se battre pied à pied avec ses sujets et refusait toute concession de son pouvoir. La recherche du partage de ce pouvoir avait réuni les députés au palais de Versailles à côté de Paris pour la rédaction d’une constituante. Un bruit courut à Paris que Louis XVI voulant conserver toutes ses prérogatives avaient amassé une troupe de mercenaires pour prévenir toute révolte des parisiens. Le 13 juillet ceux-ci s’organisèrent en comité de la ville et recherchèrent des armes. Ils trouvèrent à l’hôpital des Invalides fusils et canons. Mais la poudre de leur mise à feu était entreposée au château de la Bastille. C’est à cet effet que ce bâtiment fut attaqué et pris dans l’après du 14 juillet. Les choses rentrèrent dans l’ordre par la suite. L’année suivante, en 1790, la date du 14 juillet fut célébrée en termes de réconciliation entre le roi, les députés et le peuple. Avec la chute de la royauté et la proclamation de la République en 1792, le 14 juillet fut replacé dans son contexte historique de soulèvement contre l’autocratie. C’est dans cette acception que les républicains français et les révolutionnaires du monde entier considèrent et célèbrent la date du 14 juillet 1789.

 

 

François Ikkiya Onday-Akiera

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