Interview. Amal Amélia Lakrafi: "La montée de l'extrême droite est alimentée par un rejet et une méfiance envers la classe politique traditionnelle"

Vendredi 5 Juillet 2024 - 13:08

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Députée sortante de la 10e circonscription des Français de l'étranger, Amal Amélia Lakrafi défend son bilan, à la veille du second tour des élections législatives françaises. Elle fait part de ses craintes d'une victoire du Rassemblement national. Entretien.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Vous êtes députée sortante de la 10e circonscription des Français de l’étranger et candidate, cette fois-ci, de la coalition au pouvoir. N’avez-vous pas peur de la montée en puissance de l’extrême droite ?

Amal Amélia Lakrafi (A.A.L.): Oui, il est évident que la droitisation est une tendance mondiale, visible en Italie, en Hongrie, et peut-être même aux États-Unis avec un potentiel retour de Trump. Pourquoi la France serait-elle une exception ? Cette montée me préoccupe, mais je suis déterminée à la combattre. Par exemple, leur idée d'interdire la double nationalité est inacceptable et je m'y opposerai fermement. Cependant, j'ai confiance en la France, où le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel jouent un rôle de gardien. Durant mes sept années de mandat, j'ai appris à reconnaître les manœuvres utilisées pour limiter notre droit de vote, et je suis prête à utiliser les mêmes stratégies parlementaires pour défendre nos valeurs.

L.D.B.: Qu'est-ce qui explique cette montée de l’extrême droite ?

A.A.L. : La montée de l'extrême droite est alimentée par un rejet et une méfiance envers la classe politique traditionnelle. Les médias, en particulier les chaînes de télévision et les réseaux sociaux, jouent un rôle amplificateur en diffusant les peurs et les divisions. Les algorithmes des réseaux sociaux favorisent la propagation des fausses informations, qui sont partagées bien plus rapidement que la vérité parce qu'elles sont souvent plus spectaculaires. Nos compatriotes ignorent peut-être que nous avons augmenté le budget de la police de 30 %, ce que l'extrême droite n'a pas soutenu, uniquement par opposition de principe. Nous avons également accru le budget de la justice, recruté 1800 greffiers et modernisé les tribunaux pour mieux traiter la petite délinquance. Il est essentiel de répondre à ces préoccupations avec des politiques justes et efficaces.

L.D.B.: Quelles seraient les conséquences pour les Français de l'étranger, surtout ceux vivant en Afrique, si l'extrême droite prenait le pouvoir ?

A.A.L. : Si l'extrême droite arrivait au pouvoir, les conséquences pour les Français de l'étranger, en particulier ceux vivant au Congo, pourraient être graves. Des politiques d'immigration plus strictes pourraient compliquer le retour ou l'installation en France. L'interdiction de la double nationalité affecterait directement de nombreux binationaux. Le nationalisme et l'isolationnisme nuiraient aux relations internationales et à la coopération avec les pays africains, affectant les entreprises françaises à l'étranger et limitant les opportunités de développement. La fin potentielle des visas et des projets culturels, éducatifs ou humanitaires affaiblirait les liens culturels et éducatifs précieux. Enfin, les services consulaires et l'aide sociale pourraient être réduits, impactant particulièrement les Français les plus vulnérables.

L.D.B.: Vous parlez dans votre message d’un bilan solide. Que devrait-on retenir de votre mandat précédent à l’Assemblée nationale ?

A.A.L. : Mon bilan est solide pour plusieurs raisons. Nous avons mis en lumière le sujet des violences faites aux femmes à l’étranger, un sujet auparavant ignoré. Grâce à cela, nous avons obtenu des budgets dédiés et signé un partenariat important pour aider les victimes à l’étranger. Nous avons créé une direction des impôts des non-résidents en 2018 et une équipe dédiée à la CNAV pour les retraites, accessible depuis l'étranger. Nous avons facilité les démarches administratives pour plus de 3000 Français et aidé des femmes et enfants victimes de violences en partenariat avec les ambassades et consulats. J’ai également défendu la dématérialisation de l'état civil, crucial pour nos compatriotes.

Un autre accomplissement marquant est l'augmentation sans précédent du budget du Quai d'Orsay après 30 ans de baisse. En 2022, nous avons augmenté ce budget et créé 113 nouveaux postes. Nous avons lancé la plateforme France consulaire, qui allège la charge des consulats en répondant aux questions des Français de l'étranger. Nous avons aussi créé un statut pour les entrepreneurs français à l’étranger, testé l'envoi postal des passeports par DHL, et mis en place un statut de résidence de repli pour une résidence principale en France. Nous avons permis la prise en charge à 100% des AESH pour les enfants français dans les lycées français. La liste est longue et montre notre capacité à obtenir des résultats concrets.

L.D.B.: Qu’en est-il de votre ambitieux programme pour lequel vous avez postulé alors que vous accusez votre adversaire de manquer de programme, de vision cohérente et de propositions concrètes ?

A.A.L. : Mon programme pour le prochain mandat se concentre sur la continuité et l'amélioration des initiatives existantes. Je souhaite créer une Maison départementale pour les personnes handicapées dédiée aux Français de l’étranger et renforcer l'accès à la santé avec l’amélioration de l’offre des CMS en Afrique. Je m'engage à continuer la lutte contre les fermetures de comptes bancaires et à simplifier les démarches administratives. Je propose un Erasmus francophone et la libre circulation dans les pays de l’espace francophone, notamment entre l’Afrique et la France. Un document détaillant mon bilan et mon programme est disponible sur mes réseaux sociaux.

En conclusion, je reste déterminée à défendre les intérêts des Français de l'étranger et à travailler pour un avenir meilleur pour tous. Leur soutien est essentiel pour continuer ce travail important. “On est ensemble”, et ensemble, nous pouvons renforcer la justice, la prospérité et la solidarité.

Merci pour cette opportunité de partager ma vision et mes engagements avec vous et vos lecteurs.

 

La rédaction

Légendes et crédits photo : 

La députée de la 10e circonscription des Français de l'étranger, ici en visite aux Dépêches de Brazzaville, alerte les électeurs sur le programme du RN/ Adiac

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