Interview/ Amélia Lakrafi : « Il faut aussi que l’APF s’adapte au contexte africain »Lundi 28 Avril 2025 - 17:29 De passage à Brazzaville où elle a pris part à la 16e Conférence des présidents des Assemblées parlementaires de la francophonie (APF) section Afrique, la députée de la 10e circonscription des Français établis hors de France, Amélia Lakhrafi, s’est prêtée aux Dépêches de Brazzaville. Elle évoque le rôle-clé que doit jouer l’APF dans un contexte marqué par des tensions géopolitiques, des transitions politiques délicates, des conflits armés et le développement durable. Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Vous avez participé à la 16e Conférence des présidents des Assemblées parlementaires de la francophonie (APF) section Afrique. Quels ont été, selon vous, les enjeux et les objectifs de ces assises ?
C’est là que l’APF joue un rôle-clé : elle agit comme un espace parlementaire de paix, de solidarité, de coopération et même de diplomatie préventive. Nous avons aussi abordé les enjeux de développement durable, d’éducation, de lutte contre la désinformation et d’échanges économiques. Il est important de rappeler que la Francophonie est aussi une communauté économique, et que les coopérations interparlementaires peuvent favoriser l’émergence de partenariats commerciaux régionaux. LDB : La conférence des présidents de la région Afrique de l’APF est devenue, au fil des années, un espace politique de débats, de propositions et d’échange d’informations. Quels sont aujourd’hui les défis auxquels fait face cette organisation ? A.L : Ce ne sont pas tant l’organisation elle-même que les parlements membres qui font face à de nombreux défis. Aujourd’hui, dans un monde où l’Europe se replie de plus en plus sur elle-même et où les grandes puissances redéfinissent leurs alliances, les parlements francophones africains doivent renforcer leurs synergies. L’APF constitue à ce titre un formidable levier : elle permet aux peuples de continuer à dialoguer, d’échanger leurs bonnes pratiques législatives, de mener des médiations parlementaires et de créer de la valeur ensemble. Nous avons évoqué à Brazzaville la nécessité d’accompagner les parlements membres dans la numérisation des processus législatifs, la formation des parlementaires, le renforcement du contrôle de l’action gouvernementale et la participation citoyenne. Il faut aussi que l’APF s’adapte au contexte africain : 60 % de la population y a moins de 25 ans. Il est temps de donner davantage la parole aux jeunes dans nos processus parlementaires. LDB : Les Parlements francophones de l’Afrique doivent s’affirmer comme des acteurs de premier plan de la démocratie, du développement, de la stabilité et de la paix. Pensez-vous qu’ils jouent pleinement ce rôle ? A.L : La prise de conscience est réelle, et c’est déjà une étape importante. Ce que nous constatons, c’est une volonté croissante des présidents d’Assemblées africaines d’agir en coalition, en s’alignant sur une feuille de route commune. Par exemple, des initiatives parlementaires ont vu le jour pour accompagner des processus de paix comme entre la RDC et le Rwanda. En tant que déléguée générale de l’APF, je veux mettre à disposition de toutes les sections les ressources nécessaires pour renforcer leur capacité d’action : outils de formation, missions d’observation, partage de textes législatifs modèles, accompagnement sur les questions de cybersécurité, de genre ou de transition écologique. Concernant les pays de l’AES (Alliance des États du Sahel), même en cas de retrait de certaines instances, la Francophonie parlementaire demeure une maison ouverte. Il faut continuer à tendre la main, car la stabilité du continent nous concerne tous. LDB : Vous avez rencontré les Français installés à Brazzaville et échangé avec des représentants de la communauté d’affaires de votre pays. Quel message leur avez-vous apporté ? A.L : Avant tout, je suis venue pour les écouter. Ces Français installés au Congo sont des acteurs de terrain précieux : ils créent des emplois, forment des jeunes, et véhiculent une image dynamique et bienveillante de la France. Ce sont nos ambassadeurs du quotidien. J’ai été frappée par la richesse des initiatives locales. Le projet Kossala, par exemple, est une pépite : né au Congo, il s’étend maintenant au Gabon, au Sénégal et dans d’autres pays, en offrant aux jeunes des formations en numérique, des espaces d’incubation, et des opportunités concrètes d’emplois. Autre signal fort : la présence du salon Osiane, événement majeur du numérique en Afrique centrale, qui sera représenté cette année à VivaTech à Paris. C’est une belle vitrine pour valoriser l’innovation africaine et renforcer les ponts économiques et technologiques entre la France et le continent africain. Je repars de Brazzaville remplie d’énergie, convaincue qu’en soutenant ces acteurs, nous bâtissons ensemble un avenir commun. Propos suscités par Guy-Gervais Kitina Légendes et crédits photo : Amélia Lakhrafi, députée de la 10è circonscription des Français établis hors de France/ Adiac Notification:Non |