Italie : les polémiques de Noël 2016

Jeudi 29 Décembre 2016 - 17:42

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L’extrême-droite s’insurge contre l’idée d’un « Noël d’intégration » et dénonce un « catho-djihadisme » mené par la gauche.

A chaque Noël en Italie, on voit surgir des polémiques qui sont aussi rageuses que peu durables. Signe sans doute d’une société qui a du mal à se situer entre sa déchristianisation progressive et un multiculturalisme redouté plutôt que souhaité vraiment, l’Italie nage entre deux eaux. Inconfortable. Faut-il accueillir les nouvelles réalités étrangères, qui voient les écoles de plus en plus marquées par la présence des minorités ethniques dites visibles ? Et si oui, faut-il aller jusqu’à faire un peu d’espace aux traditions que celles-ci apportent avec elles? Toutes ?

La réponse, on le sent, n’est ni un oui inconditionnel, ni un non hermétique. La gauche comme la droite sont traversées par le doute. Au pays du catholicisme dominant, près de neuf Italiens sur dix continuent de se réclamer du christianisme même si leur pratique pieuse s’est distendue. Et dans ce contexte, la population se surprend à cohabiter avec des réalités qui n’étaient pas celles d’il y a seulement dix ans. Dans les quartiers de Rome, les petits bars cèdent de plus en plus la place à des épiceries de Pakistanais ou d’Indiens.

Devant les supermarchés, nombreux sont les Africains de religion musulmane bravant froid et canicule, chapeau tendu, pour quémander une piécette de monnaie. Dans certaines rues, l’heure du ramadan se signale aussi par des séances de prière en plein air, alors que les mosquées de fortune surgissent à Milan, à Turin ou à Rome où existe pourtant la plus grande mosquée d’Europe. Les municipalités commencent à prendre conscience d’une gestion différente de la diversité, qui pourrait se vivre dans la richesse culturelle.

« Pourrait » seulement. Parce que partout les choses ne se passent toujours pas dans la tranquillité. Dans les écoles, il a été signalé des réticences de parents à laisser leurs enfants faire apprendre aux côtés de petits musulmans, d’hindous ou de bouddhistes. D’autant qu’à cela correspondent aussi, souvent, des menus diversifiés dans les réfectoires. Ou des calendriers de fêtes pas toujours concordants. Il faut faire avec ; s’inventer des solutions intelligentes qui mettent tout le monde à l’aise dans la richesse chacun de ce qu’il apporte à une Italie unitaire et appelée à faire face au futur. Pas facile.

L’an dernier, le débat – la polémique - avait porté sur les chants de Noël. A Milan, une enseignante avait estimé que faire chanter « Il est né le Divin’ enfant » à de petits musulmans de sa classe, c’était violer leur droit à ne pas adhérer à la naissance de Jésus-Christ tous les 25 décembre. Tollé. Tout était paradoxalement rentré dans l’ordre lorsqu’une association de parents d’élèves musulmans avait protesté : « Nous n’avons rien demandé de spécial ! Nos enfants aiment aussi chanter Noël avec leurs petits camarades », s’étaient-ils insurgés.

Cette année, c’est autour de la crèche de Noël que « les hostilités » ont été déclenchées. Dans une paroisse de Potence, le curé a eu l’idée d’habiller les personnages habituels des rois mages en musulmans. Pas grave : Melchior, Balthazar et Gaspard pouvaient se vêtir en Orientaux à leurs temps. Mais là où l’iconoclastie du curé a atteint des sommets et conduit certains traditionnalistes au bord de l’apoplexie, c’est lorsque la Vierge Marie a été revêtue de bourqua, le voile islamique.

Une crèche arabe ? C’est du catho-djihadisme, a éructé Roberto Calderolli, vice-président du Sénat et chargé de l’organisation au sein du parti xénophobe de la Ligue du Nord. Pour lui, en vingt ans l’Italie n’a fait que « multiplier les signaux positifs à l’égard de l’islam », qui ne cède sur rien, mais développe au contraire un fondamentalisme dont les Italiens continuent de mourir en Allemagne, en France, au Burkina Faso ou au Pakistan. Dans ces pays, en effet, des Italiens ont péri dans des attentats djihadistes en victimes collatérales ou cibles directes.

Lucien Mpama

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