Journée internationale des veuves : peu de femmes accèdent à la pension de réversion après le décès de leurs époux

Mardi 24 Juin 2014 - 16:00

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L’humanité a célébré le 23 juin, la Journée internationale des veuves. Au Congo, le gouvernement a organisé, par l’entremise du ministère des Affaires sociales, de l’Action humanitaire et de la Solidarité, une journée de sensibilisation de la communauté nationale sur « l’accès des veuves à la pension »

Consacré dans certains textes législatifs et règlementaires, le droit à la pension de veuvage ou pension de réversion est souvent bafoué au Congo. En effet, la pension de réversion correspond à une partie de la retraite dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé. Pour en bénéficier, suite au décès de son conjoint, il faut impérativement en faire la demande et seule la femme mariée à l’état-civil depuis deux ans au moins est habilitée à faire les démarches. « Au Congo, malgré l’existence des instruments juridiques internationaux et nationaux qui garantissent nos droits, notre situation est souvent caractérisée par une forte précarité de vie ; une protection sociale très limitée tant du point de vue de la sécurité sociale que de la protection juridique ; des litiges et conflits avec la belle-famille sur la pension de veuvage ; une maltraitance physique et morale ; une expulsion du domicile familial », ont dénoncé les veuves dans une déclaration rendue publique à cet effet.

Quelque 11.500 veuves seulement émargent à la CNSS

Cette situation honteuse a été confirmée dans la déclaration du gouvernement publiée par la directrice générale de la Solidarité, Anastasie Ossangatsama. Selon elle, les résultats de l’étude sur la situation de la famille au Congo, réalisée en 2007 par le ministère en charge des Affaires sociales, révèlent que sur un échantillon de 1984 ménages, les femmes ayant perdu leurs époux chefs de ménages représentent 29,7%. « Cette étude a touché aussi bien les veuves du milieu rural que les veuves en milieu urbain. Parmi ces veuves, il y a une catégorie spécifique, les conjointes des salariés du secteur privé et des fonctionnaires décédés. Sur les 29,7% de veuves de notre échantillon, 13,8% ont refusé de toucher la pension de veuvage et 12,8% ont été renvoyées dans leurs familles », a-t-elle rappelé.

Les statistiques relevées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) évaluent à 11.507, le nombre de veuves émargeant dans cette institution. « Ce chiffre aurait pu être plus élevé si l’accès à cette pension de veuvage n’était pas un sujet de litige et de conflit entre la veuve et la famille de l’époux décédé. Combien de veuves ne subissent-elles pas de pressions morales, et parfois des représailles pour les amener à abandonner leurs droits et ceux de leurs enfants. La peur de la sorcellerie, le souci de protéger leurs enfants, font que ces veuves souffrent en silence », a conclu Anastasie Ossangatsama, annonçant la poursuite plus tard des investigations à la Caisse de retraite des fonctionnaires (CRF).

Pour sensibiliser la communauté sur ce phénomène devenu monnaie courante dans de nombreuses familles, le gouvernement a organisé une rencontre à l’Institut des jeunes sourds de Brazzaville. Trois thèmes ont été retenus à cette occasion, notamment la présentation des textes juridiques : les droits des veuves ; la démarche administrative pour l’obtention de la pension ; l’accompagnement des femmes veuves dans l’obtention de leur pension. Développant le premier thème, la conseillère juridique et administrative au ministère de la Promotion de la femme et de l’Intégration de la femme au développement, Virginie N’Dessabeka, a cité, au plan national, la Constitution et le code de la famille et la loi du 25 février 1986 portant code de sécurité sociale. Au plan international, l’oratrice a commenté les résolutions du 20 septembre 1993 instituant l’année internationale de la famille et celles du 21 décembre 2010 instituant la Journée internationale de la veuve.

De ces échanges, on peut retenir que la veuve connait de sérieux problèmes dans les foyers. En effet, il n’est pas rare de trouver une veuve mise dehors par la belle-famille après le décès de son époux. Pour mener des démarches dans la réversion de la pension, certaines familles font recours même à la sœur du défunt pour la présenter comme étant l’épouse légitime du disparu.

L’initiative du gouvernement a été appréciée par les participants. Pour en témoigner : Ida Bouanga est veuve, elle revient sur le calvaire qu’elle vit depuis la disparition de son époux. « J’ai la charge de six enfants abandonnés, la belle-famille ne veut même pas connaître là où je vis avec ses enfants. Je vis seule avec mes enfants, la deuxième fille est en 2e année à l’université alors que quand son papa mourait, elle était encore en classe de 6e. Les beaux-parents ont même commencé avec les démarches de la pension de réversion, je ne sais pas avec quelle femme. J’étais obligée d’abandonner le dossier à cause de la sorcellerie », a expliqué celle qui nourrit six enfants malgré elle, toute seule.

Quelques recommandations

Conscientes de cette situation, les veuves ont sollicité du gouvernement, la vulgarisation des textes législatifs et règlementaires consacrant le droit à la pension de veuvage ; l’accompagnement social pour la résolution des litiges et conflits avec la belle-famille ; la facilitation des démarches pour l’obtention de la pension de veuvage et l’application stricte du code de la famille.

Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

photo 1 : Anastasie Ossangatsama entourée des conférenciers photo 2 : Les participants à la journée de sensibilisation ; crédit photo Adiac