Le Burkina Faso est-il tiré d'affaire ?

Mercredi 23 Septembre 2015 - 12:45

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En organisant promptement, le 22 septembre, un sommet extraordinaire de la CEDEAO (1) consacré à la crise au Burkina Faso, les dirigeants ouest-africains sont parvenus à apaiser le climat tendu dans ce pays. Ce n’est pas encore la fin de la crise. 

Plusieurs chefs d’Etat ouest-africains (2) sont attendus, en principe, ce 23 septembre à Ouagadougou, la capitale burkinabé, afin de permettre au président de transition, Michel Kafando, de reprendre ses fonctions après une éclipse d’une semaine provoquée par l’irruption des militaires sur la scène politique. Cette démarche est une recommandation du sommet de la CEDEAO tenu, la veille, à Abuja, au Nigeria, sur la crise en cours au Burkina Faso. Est-on cependant en droit d’affirmer que tout est rentré dans l’ordre dans ce pays ?

À défaut d’un accord contraignant en bonne et due forme opposable aux concurrents burkinabé, les dirigeants d’Afrique de l’Ouest ont, à l’issue de leur sommet extraordinaire, annoncé une feuille de route dont la principale mesure concerne la réinstallation de la transition, avec le retour à son poste du président Michel Kafando. En obtenant de la junte dirigée par le chef des putschistes, le général Gilbert Diendéré, la libération des personnes détenues, dont le Premier ministre Yacouba Isaac Zida, la médiation ouest-africaine a absolument marqué des points. N’en déplaise à ceux qui, pour toute lecture de situation complexe s’en remettent aux seules revendications de la rue portant sur la farouche volonté d’en découdre avec les auteurs du coup de force du 17 septembre.

Au regard, en effet, de la détermination qu’affichaient ces derniers et leurs collègues des autres unités de l’armée restés fidèles aux instances de la transition, des échanges de tirs entre eux pouvaient déboucher sur une guerre civile aux conséquences incalculables.  En règle générale, la rue, toujours bouillante en pareille occasion, assume rarement ses élans de folie. Il revient toujours aux dirigeants, aux institutions compétentes, aux hommes animés par le souci de préserver l’équilibre du pays de peser sur les événements et d’en trouver une issue heureuse.

Ce qui est vrai,  le cours des choses a été fortement modifié au Burkina Faso depuis le 17 septembre. Premièrement, le plaidoyer en faveur du retour en poste du président de transition, Michel Kafando, ne semble pas inclure son Premier ministre Isaac Zida. Les putschistes de l’autre jour lui en voulaient visiblement et paraissent avoir obtenu son départ de la Primature, même si cela n’est pas encore acté dans les faits. Et si tel est le cas, on aura à la tête de l’Exécutif transitoire burkinabé un homme esseulé et à la fois échaudé par le coup d’Etat en cours d’essoufflement. Car lui et son Premier ministre paraissaient travailler en bonne intelligence. Le fait d’ailleurs qu’il ne se soit senti en sécurité qu’à l’ambassade de France ajoute à l’incertitude de le voir reprendre ses forces et sa sérénité comme avant quand bien même, en homme déterminé, il ne se laisse pas conter : « À présent libre de mes mouvements, je reprends du service et par là même, je m’affirme par la légitimité nationale. La transition est ainsi de retour et reprend à la minute même l’exercice du pouvoir d’État », a-t-il déclaré, ce 23 septembre au moment de la « reprise » de fonctions.

Deuxième chose, la CEDEAO ne semble pas totalement opposée à ce que les ex-collaborateurs du président déchu, Blaise Compaoré, candidats aux différents scrutins, soient autorisés à y prendre part. L’organisation sous régionale ouest-africaine fait également la fine bouche sur la question de l’amnistie des putschistes. En s’en remettant sur des questions aussi cruciales, à une transition déjà fragilisée, les chefs d’Etat ouest-africains n’ont pas facilité la tâche à des institutions dont le timing est plus que réduit. Mais au fond, et les Burkinabé devraient s’en rendre compte, les autres leur ont presque fait comprendre qu’eux seuls sont en mesure de trouver des solutions idéales pour l’avenir de leur pays.

Troisièmement, la suspicion de longue date, peut-être, entre les militaires du RSP et les autres composantes de la « grande muette » burkinabé, a trouvé le moyen de s’étoffer durant les deux jours où ils sont restés sur le pied de guerre. Il n’est pas évident qu’en un laps de temps aussi court,  le régime de transition parvienne à recréer la confiance entre ces militaires d’ici l’organisation du scrutin présidentiel prévu le 11 octobre. Et ce n’est pas le renvoi à une cinquante de kilomètres des troupes loyalistes venues de l’intérieur dans le but de les désarmer qui fera dire aux éléments du RSP qu’ils ne contrôlent pas en partie la situation dans le pays.

Pour voir si le Burkina Faso peut oui ou non, retomber dans une crise encore plus profonde, le secret réside dans la manière dont les filles et fils de ce pays s’accepteront mutuellement. Certes les rancœurs et les frustrations sont nées ou sont remontées en surface, mais cela est le propre de toutes les crises de l’ampleur de celle que vivent les Burkinabé. Cependant, tant qu’ils ne trouveront pas de solution aux points qui bloquent la transition, l’accord conclu par les militaires putschistes et les loyalistes au soir du sommet d’Abuja peut se révéler insuffisant pour la sortie de crise. A moins de passer par une épreuve de force ?

Gankama N'Siah

Légendes et crédits photo : 

(1)- CEDEAO : communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (2) Sénégal, Bénin, Togo, Nigeria

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