L’Église du Rwanda demande pardon pour le génocideMardi 22 Novembre 2016 - 18:07 Les évêques réaffirment que l’Église catholique, en tant qu’institution, n’a pas pris part au génocide mais des chrétiens ont été impliqués. C’est une page douloureuse de l’histoire du Rwanda et même de l’Afrique que les évêques catholiques ont voulu tourner dimanche. Plus de 22 ans après cette effroyable tragédie, une première de cette ampleur en un laps réduit de temps dans toute l’Afrique, les officiels de l’Église catholique demandent ouvertement pardon aux familles des victimes. Le génocide précipita, entre avril et juin 1994, plus de 800.000 Rwandais dans la mort. Tutsi en majorité, mais aussi des Hutus, firent les frais d’une soudaine folie qui vit s’abattre des machettes sur le cou de personnes qui avaient vécu jusque-là dans une relative sérénité. Dans un pays comme le Rwanda, catholique à plus de 90%, il était inévitable que des officiels de l’Église mais aussi une foule de chrétiens anonymes subissent – ou perpétuent- les effets d’une furie vengeresse dont le détonateur fut sans doute l’assassinat du président Juvénal Habyarimana. Hutu, son avion fut abattu à l’approche de l’aéroport de Kigali le 6 avril 1994. C’est le lendemain que les « massacres », d’une fureur et d’une ampleur jamais atteintes jusque-là dans un pays d’Afrique, commencèrent. Rien ni personne ne fut épargné : femmes, vieillards, enfants furent embrochés, tranchés, recherchés et découpés. Il semble que des prêtres prirent part à ces tueries ou qu’ils incitèrent un groupe de paroissiens à se jeter sur les autres. Plusieurs prêtres, religieux et religieuses catholiques ont été jugés pour participation à ce génocide. Un tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) siégeant à Arusha, au nord de la Tanzanie, fut institué. Tout comme la justice belge, il condamna ou acquitta beaucoup d’hommes et de femmes catholiques. Le plus haut responsable de l'Église catholique à avoir été jugé pour génocide, feu Mgr Augustin Misago, fut acquitté et libéré après plus d’un an de prison en juin 2000. À l’époque du génocide, feu le pape Jean-Paul II à Rome avait donné des instructions fermes pour que tout ecclésiastique soupçonné de participation au génocide vienne répondre de ses responsabilités devant la justice. C’est à l’occasion de la clôture à Rome de l’année du Jubilé de la Miséricorde, temps où l’Église catholique a été invitée à demander ou accorder le pardon, que les prélats du Rwanda ont publié leur lettre de pardon. « Nous demandons pardon pour tous les chrétiens qui ont été impliqués dans le génocide, nous demandons pardon pour eux », a annoncé dimanche à la presse Mgr Philippe Rukamba, président de la Conférence des évêques du Rwanda. Lors des commémorations du 20e anniversaire du génocide en avril 2014, le président Paul Kagame avait publiquement accusé l'Église catholique d'avoir « pleinement participé » à la mise en place de l'idéologie coloniale créant un clivage entre hutu et tutsi et ayant in fine abouti au génocide. Au lendemain de leur entrée dans Kigali, en juin 1994, des éléments du Front patriotique rwandais, le mouvement du président Kagamé qui mit fin au génocide, assassinèrent trois évêques catholiques. Mgr Joseph Ruzindana, évêque de Byumba ; Mgr Thaddée Nsengiyumva, évêque de Kabgayi et Mgr Vincent Nsengiyumva, archevêque de Kigali furent retenus co-responsables du génocide en raison de leur proximité avec le défunt président Habyarimana. Leurs corps furent retrouvés le 5 juin 1994 à Gakurazo, dans le centre du Rwanda. L’Église catholique traîne le soupçon de participation active au génocide, ou de participation passive pour ne pas avoir tout fait pour s’y opposer. Les massacres eurent lieu y compris dans des églises. Lucien Mpama Notification:Non |