Mémoire partagée : Lebon Zed raconte Brazzaville en photos

Il y a 143 ans, la Mfoa devenait Brazzaville à la suite du traité signé entre le Makoko Iloo II et l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza qui va céder son nom à la Terre que ses pieds auront foulée. La colonisation s’installe alors avec tous les affres, les horreurs, les malheurs, les erreurs mais aussi s’accompagne nécessairement de l’érection de bâtisses administratives, techniques, sociales et religieuses nécessaires à la vie de deux peuples, étrangers l’un à l’autre, qui vont devoir cohabiter pendant un siècle environ et voir leurs rapports se transformer au fil du temps.

Le devoir de mémoire exige alors un regard dans le passé à travers des archives obtenues par l’Institut Français du Congo(IFC) qui dans le cadre du présent projet avait lancé un appel à la mémoire encore vivante du peuple congolais. Il s’est agi ensuite pour Lebon Zed, artiste visuel, de photographier les mêmes monuments et bâtiments pour voir leur évolution à travers les décennies.

Lebon Zed, qui a présenté en quinze oeuvres comparatives “ avant-après “ le fruit de son travail à 18 heures, le mercredi, dans le hall de l’IFC, a dit éprouver une réelle émotion en prenant conscience que ces mêmes bâtiments ont traversé le temps et sont devenus tel un lien, tels des témoins et un fil rouge, fil du destin entre ceux qui ont été là avant et nous aujourd’hui présents.  

Brazzaville qui a été par les affres de la colonisation une propriété de la France des colonies est au fil du temps et des mouvements historiques devenue la capitale de l’Afrique équatoriale française, la capitale de la France libre et enfin capitale de la République du Congo. Les ténèbres de l’histoire coloniale se sont accompagné de quelques lumières qui auraient pu accorder une avance certaine à la République si l’héritage douloureusement reçu avait été géré avec plus de répartie. Brazzaville a ainsi bénéficié de la primauté et de l’excellence régionales voire africaine dans les domaines de la télévision, de la santé avec le premier hôpital général de l’Afrique équatoriale, des études supérieures avec l’Université Marien-Ngouabi et des édifices religieux qui ont marqué la carte postale de Brazzaville.

Lebon Zed y voit et suggère d’ailleurs aux décideurs une valorisation de ce patrimoine à travers une politique touristique visant à ne pas oublier la place de Brazzaville dans l’histoire de la sous-region de l’Afrique centrale. Mais encore, il fait écho à des artistes comme Black Panther qui au travers de son titre Mavula appelle à une valorisation de l’histoire Noire de Brazzaville, de ses héros dont les luttes ne sont pas enseignées à l’école qui pourtant, au prix du sang, ont permis au peuple congolais d’accéder à son indépendance. Selon lui, “ Brazzaville, c’est un tout, c’est tout ça “. Autant la politique diplomatique française fait des efforts pour conserver et mettre en lumière cette histoire partagée entre nos deux peuples, autant notre République devrait valoriser ses héros et imprimer leur trace dans l’histoire.

Il ne s’agirait pas seulement d’invectiver, de revendiquer, mais aussi de valoriser notre richesse culturelle propre, notre mémoire, notre narratif et de les transmettre à nos enfants et à nos descendants. Il invite ainsi le public à venir nombreux découvrir l’exposition qui se tiendra du 11 au 28 octobre dans le hall de l’Institut français du Congo, se sentant, pour sa part, honoré d’avoir mis de la couleur sur une histoire en noir et blanc.