Ohada : des grains de sable ralentissent l’intégrationMercredi 24 Juillet 2013 - 15:57 Les enjeux demeurent complexes si l’on en juge les points de divergence, notamment la difficulté à harmoniser et adopter un droit du travail faute d’un consensus au sein des pays membres de l’espace régional. De nombreux États membres de l'Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) continuent à considérer le droit du travail comme un champ où doit s’appliquer la législation nationale en la matière, au regard des spécificités propres à chaque pays. D'autres contraintes importantes liées à l'adhésion à l’Ohada sont épinglées, notamment la difficulté d'appliquer une sanction commune (la présence de plusieurs espaces monétaires empêchant l'application des amendes harmonisées, d’où le choix des États membres de ne pas harmoniser les sanctions) ou encore, la plus récurrente, l'éloignement de la Cour commune à Abidjan, avec comme corrolaire la dominance inquiétante des pourvois ivoiriens au détriment d'autres États membres. D'où l'espoir suscité par l'annonce d'une délocalisation prochaine de l'audience. Le processus n’est donc pas simple à parachever. Certains pays comme la RDC ont dû négocier au moins une fois un moratoire pour ses entreprises publiques transformées en sociétés commerciales. « Ce moratoire obtenu d’ailleurs par la RDC instaure déjà des régimes d’exception, et cela ne peut qu’accentuer le doute sur la suite du processus», selon un juriste. Dans le secteur public, si certains pays comme la République du Congo ont continué à faire prévaloir le statut « d’entreprise publique » pour échapper au droit Ohada, gardant par la même occasion le même système, d’autres comme le Bénin ont écarté toute cohabitation en exigeant à leurs mandataires publics de se conformer à l'une des quatre catégories de sociétés reconnues par le droit harmonisé. En adhérant à l’Ohada, les États membres acceptent d’abandonner une partie de leur souveraineté mais le processus qui s’ensuit doit aboutir à l’application stricte des Actes uniformes au terme d’une transition de deux ans. Tout doit être actualisé, repensé et adapté au nouveau droit et cela exige des réformes importantes et un effort soutenu pour venir à bout des résistances de l’administration et même des cours et tribunaux dépouillés de leur compétence sur les matières relevant des Actes uniformes. Pas de confusion possible, la législation nationale continuera donc à s’appliquer sur les activités commerciales en dehors de celles relevant des matières harmonisées. Même les sociétés en activité avant l’adhésion doivent, au cours de cette transition, se conformer au droit Ohada. La RDC, 17e État adhérent, doit se préparer à des mutations profondes, notamment de son Code de la famille même si, officiellement, il n’est pas repris comme une matière à harmoniser. En effet, ont estimé les juristes, le droit Ohada ne fait pas de distinction entre homme et femme. Il ne soumet pas la femme à une quelconque autorisation avant d’exercer une activité commerciale. Toutefois, l’on est encore loin de penser à un Code de la famille totalement révisé par le droit Ohada qui reste, pour l’heure, orienté essentiellement vers des objectifs précis. Toutefois, les plus pessimistes avancent comme argument le fait qu’aucune limite ne soit justement prévue au processus d’intégration, et ce qui apparait aujourd’hui comme une avancée dans l’amélioration du climat des affaires et des investissements, risquent de devenir un piège qui se refermerai sur les États membres. Jusqu’où ira le droit Ohada, faut-il craindre des actions futures sans réel texte mais au nom de l’idéal communautaire ? Autant de préoccupations exprimées par les analystes d’un camp comme de l’autre. Mais, ont-ils insisté, il faut des concessions à court terme pour arriver au succès sur le long terme. L’avenir montrera si le choix de l’intégration a pu résoudre plus de problèmes qu’il en a posé. Laurent Essolomwa |