Procès du 4-Mars : les déclarations du colonel Ingani sèment la confusion

Mercredi 21 Août 2013 - 17:15

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Le chef de corps de l’Établissement central de rechanges, de réparation et des réserves en armement et munitions (Écramu), Frédéric-Noël Ingani, a confirmé, les 20 et 21 août, que le caporal-chef Blood Kouack Kakom était l’auteur de l’incendie du 4 mars 2012

L’accusé Kakom avait affirmé, devant la Cour, que le charbon de son foyer n’était pas ardent et qu’il était tombé sur les tenues des gendarmes gardées dans un magasin de l’Écramu. Cette version des faits a été démentie par le colonel.

Le colonel Ingani, dans ses déclarations, a fait recours aux propos tenus par le caporal-chef Kakom devant le procureur de la République le 7 mai. Au cours de leur instruction, le colonel Ingani, le caporal-chef Kakom et le sergent Yengolo ont été confrontés à la suite de leur déposition.

Frédéric-Noël Ingani, passé à la barre le 20 août de 10 heures à 17h11 a affirmé et réaffirmé que c’est le caporal-chef Kakom qui avait mis le feu. « Kakom s’était confié au lieutenant Benjamin Okana, lui avouant avoir mis le feu sur la proposition d’une somme colossale d’argent. Et que son charbon ardent était tombé sur les SPG9, charges ayant conduit à l’explosion », a-t-il déclaré.

Confrontation des accusés Ingani, Kakom, Yengolo et Okana

Après l’audition du colonel Ingani réaffirmant que Kakom avait volontairement mis le feu, le président de la Cour criminelle, Mathurin Bayi, a jugé opportun de confronter ces accusés. Kakom à son tour nie les faits qui lui sont imputés. Yengolo, qui a gardé la même version des faits, avait déclaré ce qui suit : « Ancien Kakom a mis le feu. Kakom, regarde le feu derrière toi. Kakom, tu as mis le feu, pourquoi fuis-tu ? » Le lieutenant Okana a, quant à lui, avoué que Kakom s’était confié à lui.

Le colonel qui a perdu trois de ses enfants le 4 mars 2012 n’a cessé, durant ces deux journées, de dénoncer le mensonge proféré par ses collaborateurs devant la Cour. Et l’on pouvait entendre les accusés dire, d’une voix intelligible : « Ce n’est pas vrai ! » D’autres, par contre, secouaient la tête, signe de non-adhésion aux propos du colonel.

Cette histoire, qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, a pris une autre tournure. D’un côté, les accusés, qui s’étaient présentés à la Cour avec une version des faits unanime ; de l’autre, le chef de corps de l’Écramu qui se dit surpris d’entendre les mensonges devant la Cour. Il a par ailleurs indiqué que cette machination était le fruit d’une manipulation et d’un trafic d’influences orchestrés par le colonel Marcel Ntsourou. Ce dernier a, quant à lui, affirmé qu’il ne voulait que s’enquérir de la situation pour laquelle il était maintenu en prison, vu qu’il ne connaissait pas les raisons de sa détention.

L’hypothèse de l’auto-inflammation des munitions écartée par le colonel Ingani

Selon la thèse du colonel, ces munitions ne peuvent pas s’enflammer avec du charbon ardent, à moins qu’il y ait eu un liquide inflammable. « Il est probable que quelqu’un a mis le feu, car le feu du charbon ne peut atteindre une telle proportion en quelques secondes. C’est sûr que quelqu’un a mis de l’essence et qu’un autre a allumé le feu. Vu les caractéristiques du feu, il est impossible que cet incendie soit accidentel », a fait savoir le colonel Ingani. En sa qualité d’ingénieur en armements et munitions, le colonel a affirmé que le nitrate n’avait rien à voir avec l’explosion, car, dit-il, lors de sa descente sur les lieux du sinistre le 5 mars 2012, le conteneur renfermant ces substances était éventré et les nitrates étaient exposés. « Tout a brûlé à l’Écramu, sauf le nitrate. Le nitrate ne peut exploser seul. Dans le magasin qui a pris feu, il n’y avait pas de munitions, mais des SPG9, qui sont des charges propulsives de roquettes. Et ces charges ne pouvaient prendre feu qu’à 300 °C ».

Les propos du colonel Ingani ont bouleversé l’ordre des choses. Cette nouvelle version des faits ne laisse pas indifférents les dames et messieurs de la Cour, en quête de la vérité. L’assistance, dans une confusion absolue, ne sachant qui dit la vérité et qui trompe la Cour, s’interroge encore sur l’état moral et le sort des accusés. En outre, l’enseignant retraité Jean-Bosco Mpankima, arrêté pour avoir fait un exposé lors de l’anniversaire du colonel Marcel Ntsourou, a été inculpé pour atteinte à la sureté de l’État. « Je ne peux pas porter atteinte à la sureté d’état pour avoir émis une opinion, car nous sommes dans un pays démocratique », a-t-il déclaré devant la Cour.

Pour des besoins d’information, le ministre délégué aux Grands Travaux, Jean-Jacques Bouya, a été interrogé.

80 milliards FCFA pour la première phase de délocalisation des casernes militaires

Le ministre délégué aux Grands Travaux l’a déclaré le 21 août au cours de son audition. Dès 10 heures, Jean-Jacques Bouya se présente à barre pour répondre aux questions relevant de son autorité. Il a ainsi affirmé qu’aucune somme n’avait été déboursée avant le 4 mars 2012 pour la délocalisation des casernes. « La facilité financière n’était pas encore disponible, mais les plans de délocalisation étaient déjà établis. Notre but est de construire des casernes répondant aux nouvelles normes. C’est un vaste programme qu’on ne peut régler en une journée. Ces travaux se déroulent normalement, et sur ces anciens sites seront érigés des logements sociaux », a fait savoir Jean-Jacques Bouya.

Au sujet des charges explosives entreposées à l’Écramu par les sociétés civiles, le ministre délégué aux Grands Travaux a signifié que c’était une question de sureté d’État et de défense nationale. Et de conclure qu’il n’y avait pas de structure plus habilitée à garder des explosifs que les casernes militaires.

Josiane Mambou-Loukoula