Tunisie: le président élu envisage de s’attaquer à l’extrémisme islamiste

Mardi 23 Décembre 2014 - 14:55

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Déclaré vainqueur de la présidentielle de son pays avec 55,68 % des voix devant le président sortant Moncef Marzouki qui a obtenu 44,32% des voix, l’ex-Premier ministre tunisien, Beji Caïd Essebsi aura la lourde tâche de relancer un pays qui sort de quatre ans de transition houleuse mais aussi de combattre l’extrémisme islamiste.

« Je serai le président de tous les Tunisiens », a déclaré le lundi 22 décembre Béji Caïd Essebsi dans une courte intervention sur les ondes de la télévision d’Etat, après l’annonce officielle de sa victoire à la première élection présidentielle libre en Tunisie, ultime étape de la transition démocratique entamée avec le soulèvement populaire qui avait provoqué la chute de Zine ben Ali en janvier 2011. Beji Caïd Essebsi devient ainsi le premier chef d’Etat tunisien élu librement depuis l’indépendance du pays en 1956.

Par cette déclaration, le nouveau président qui prône l’islam modéré veut faire comprendre à la population et particulièrement aux islamistes d’Ennahda  dont il accuse de « ramener le pays en arrière » que personne ne sera laissé au bord de la route durant son quinquennat. Cette intervention valait la peine d’être faite pour les rassurer tous lorsqu’on sait que Beji Caïd Essebsi a souvent déclaré : « Les islamistes n’ont pas le monopole de l’islam en Tunisie.» Côté population, notons que certains Tunisiens considèrent que la victoire de Beji Caïd Essebsi, 88 ans, qui occupa le poste de président de la Chambre des députés entre 1990 et 1991 à l’époque de Ben Ali, marque un retour au pouvoir des membres de l’ancien régime.

Hormis la présidentielle,  Nidaa Tounès, le parti du nouveau président a remporté les législatives de fin octobre. C’est dire que sa formation politique  doit désigner un Premier ministre, former le prochain gouvernement et devra composer –faute de majorité au Parlement - avec les islamistes d’Ennahda, qui restent la deuxième force politique du pays. Ceci, avant de s’attaquer au contrôle de l’extrémisme islamiste et aux réformes économiques délicates.

Le président sortant a félicité le vainqueur de l’élection présidentielle.  « Le docteur Moncef Marzouki a félicité tout à l’heure Monsieur Béji Caïd Essebsi pour sa victoire à l’élection présidentielle », a précisé son directeur de campagne Adnène Mancer. Malgré cela, il n’est plus à démontrer que Moncef Marzouki qui s’est vu reprocher son alliance avec les islamistes d’Ennahda grâce à laquelle il avait été désigné président de transition en décembre 2011, estime que l’accession de Caïd Essebsi au poste de chef de l’Etat est de nature à remettre en cause la « révolution de jasmin ».

La victoire du leader de Nidaa Tounès à la présidentielle a été saluée par la communauté internationale. La responsable de la diplomatie européenne,  Federica Mogherini, par exemple a affirmé la détermination de l’Union européenne à travailler avec les nouvelles autorités tunisiennes. « L’Union européenne reste déterminée à travailler avec les nouvelles autorités tunisiennes ainsi que tous les niveaux de la société tunisienne », a-t-elle déclaré, ajoutant que l’objectif était de permettre un progrès démocratique et des réformes sociales et économiques. Le président américain Barack Obama  quant à lui, a félicité Béji Caïd Essebsi pour sa victoire ainsi que la « Tunisie pour la conclusion de sa première élection présidentielle sous la nouvelle constitution ».

Beji Caïd Essebsi est né en 1926 à Sidi Bou Saïd au nord de la Tunisie. Il quitte sa terre natale pour étudier le droit à Paris, en France où il obtient une licence en droit. De retour dans son pays, il intègre un prestigieux cabinet d’avocats et consacre une grande partie de son temps à la défense de militants tunisiens traduits devant la justice militaire. L’avocat a fait son entrée en politique après l’indépendance de la Tunisie. Il a servi sous le président Habib Bourguiba comme ministre de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères. En 1987, il intègre le RDC, le parti de Ben Ali et devient d'ailleurs président du Parlement. Quatre ans plus tard, Beji Caïd Essebsi quitte la scène politique avant de revenir en 2011 suite à la révolution ayant conduit à la chute du président Zine el-Abidine Ben Ali. Il fait sa réapparition dans la vie publique en devenant premier ministre de transition. Quelques mois plus tard, il fonde son parti Nidaa Tounés dans le but de rassembler l’opposition. Ce qui a permis à cet avocat de formation d’être élu président tunisien en remplacement de Moncef Marzouki. Il aura donc 93 ans au terme de son mandat.

Nestor N'Gampoula