Vatican : la première exhortation du pape célèbre la joie de la foiMardi 26 Novembre 2013 - 19:37 Texte majeur de réflexion personnelle, le pape argentin y décline sa vision de l’Église catholique du futur C’est avec un chronométrage des plus parfaits que le pape François a sorti mardi au Vatican, sa première grande réflexion doctrinale. Elle s’intitule Evangelii gaudium (la joie de l’Évangile) et vient encadrer l’Année de la Foi qui s’est clôturée dimanche. Ce n’est d’ailleurs pas le moins curieux dans le parcours qui a « produit » le premier texte du pape argentin. Car, l’Année de la Foi, dont il a présidé dimanche place Saint-Pierre les cérémonies de clôture, est « une invention » de son prédécesseur Benoît XVI qui voulait inviter les fidèles à célébrer la force et la joie de la Foi. Prenant le relais de la hiérarchie de l’Église catholique en février dernier après le renoncement volontarie du pape Benoît XVI, le pape François a assumé l’héritage qui lui a été légué. Il y a quatre mois, il avait dû se contenter d’ajouter des pans à la dernière encyclique de son prédécesseur qui ne l’a terminée qu’après avoir quitté le Vatican. Mais le texte de mardi, salué par les critiques comme une réflexion « majeure et puissante », ne rapporte que ses propres réflexions et la vision qu’il entend imprimer à l’administration de l’Église catholique. « Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. Même les croyants courent ce risque, certain et permanent. Beaucoup y succombent et se transforment en personnes vexées, mécontentes, sans vie ». Ce sont les premiers mots de l’Exhortation apostolique. Un peu plus de 8 mois après le début de son pontificat, le pape François publie donc un texte dense où il développe des sujets qui lui tiennent à cœur et qui sont revenus souvent dans ses enseignements au cours de ces derniers mois. Le texte est parsemé des expressions les plus fréquemment fétiches du pape argentin entendues au cours des derniers mois, surtout lors de ses Messes matinales dans la chapelle de la Maison Sainte Marthe. « Dieu ne se fatigue jamais de pardonner »; l’Église doit « sortir vers les autres pour aller aux périphéries humaines »; « une Église pauvre pour les pauvres »qui soit « accidentée et blessée » parce qu’elle est sortie à la rencontre des autres, plutôt que de la voir malade à cause de sa fermeture. Des questions de société Les thèmes majeurs de Evangelii gaudium tournent donc autour des graves questions que le pape ne cesse d’aborder dans ses rencontres avec les fidèles : les défis du monde, la tentation des agents pastoraux, la crise de l’engagement communautaire, la prédication, l’attention aux pauvres, la paix sociale… Document majeur, Evangelii gaudium va bien au-delà de la seule « annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui ». En près de 300 points, le pape François lance des pistes claires pour les années à venir et offre l’esprit de sa réforme, avec audace au point que certains parlent déjà d’un document « programmatique ». Le pape François lance notamment dans Evangelii gaudium un appel à « une décentralisation salutaire » de l’institution. Il souhaite une « conversion de la papauté » et engage les conférences épiscopales à « repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés », avec audace et créativité. À propos des épiscopats, le pape ouvre notamment une voie nouvelle en évoquant leur « autorité doctrinale authentique ». Comme en écho à cette invitation, le pape cite de manière inédite à de très nombreuses reprises des textes des épiscopats du monde entier, parmi lesquels ceux des États-Unis, du Brésil, du Congo ou encore de la France, à propos de la famille ou de la politique. S’il n’évoque pas explicitement la question de l’accès à la communion des personnes divorcées remariées, le pape François écrit cependant que l’Eucharistie « n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles ». Le Souverain pontife écrit que l’Église n’entend pas changer de position sur deux questions précises : l’ordination sacerdotale réservée aux hommes, et la défense de la vie, en particulier son opposition à l’avortement et à l’euthanasie. Le pape souhaite « élargir les espaces pour une présence féminine plus incisive dans l’Église », assurant que leur présence dans le secteur du travail et dans les divers lieux où sont prises des décisions importantes doit être garantie, et cela aussi bien dans l’Église que dans les structures sociales. Le pape ne manque pas non plus d’insister sur le rôle des laïcs, face à un cléricalisme excessif. Il évoque aussi avec regret les divisions internes et contreproductives au sein de l’Église, et souligne « la force évangélisatrice de la piété populaire ». Au fil du texte, François cite nombre de ses prédécesseurs, à commencer par Benoît XVI, mais plus encore Paul VI et Jean-Paul II. Quelques rares auteurs y sont également cités, parmi lesquels Henri de Lubac, Georges Bernanos, Romano Guardini, John Henry Newman, ou encore Platon. Le pape François y implore les musulmans à l’ouverture tout en condamnant les « odieuses généralisations » contre leur religion car le véritable islam s’oppose à toute violence. Cette dernière consideration peut sonner comme une « excommunication » de son prédécesseur Benoît XVI qui, en 2006, dans la ville allemande de Ratisbonne, avait prononcé un discours qui enflammait le monde musulman, y voyant une assimilation de leur religion à la violence précisément. Toutefois, le texte du pape argentin se prolonge par des reflexions sur le fonctionnement interne de la hiérarchie de l’eglise. « Quelle identité les Conférences épiscopales peuvent-elles développer dans le contexte de la synodalité ? » Telle est une des questions que pose le pape dans Evangelii gaudium, a expliqué Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, lors de la présentation à la presse de ce document pontifical. Lucien Mpama |