Violences faites aux femmes : une table ronde sur les viols en milieu AkaJeudi 17 Mars 2022 - 11:00 A l’occasion du mois de mars consacré aux femmes, le Musée des Aka, situé dans le cinquième arrondissement de Brazzaville, Ouenzé, a abrité une table ronde sur les violences faites aux femmes et aux filles autochtones en terre Aka. Organisée par le groupe Ndima que dirige Sorel Eta, en partenariat avec la Fondation Eboko présidée par Vanessa Mavila, la table ronde avait pour but de parler des différents problèmes dont vivent les femmes Aka au quotidien dans leur milieu naturel. L’occasion était toute indiquée pour elles de témoigner des différentes violences dont elles subissent, notamment des violences psychologiques, physiques, sexuelles. Des témoignages très édifiants. « Les gens ne savent pas ce que les femmes Aka vivent au quotidien. D’habitude, c’est nous les chercheurs qui venons en ville parler de ce qu'elles vivent. La différence ici c’est que les femmes Aka ont eu le courage de parler, de dire même ce que certaines femmes bantoues ne pourront pas dire, notamment ce qu’elles subissent sur les viols. Cela ne les gênent pas parce que c’est devenu culturel... », a fait savoir Sorel Eta. Abordant le volet violences conjugales, le porte-parole de la fondation Eboko, Nathan N’Koudi, pense qu’il y a une forme de vie qui exige la sensibilisation et l’éducation des autochtones. Ces violences entraînant ipso facto le volet juridique, Larissa Ondzié Ongogni, juriste de formation, a fait savoir que le Congo est le seul pays en Afrique qui a prévu une loi en matière de traitement et de gestion de la population autochtone avec des garanties, notamment la loi 5/2011 du 5 février 2011 portant promotion et protection des droits des peuples autochtones. « Cette loi a été suivie de sept décrets et interdit d’appeler les peuples autochtones de pygmées. Car cela est considéré comme une insulte, sanctionnée sur le plan pénal. Cette loi précise aussi les droits que les peuples autochtones ont, c'est-à-dire les mêmes droits que les bantous, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des Nations unies, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, qui font partie intégrante de notre corpus dans la Constitution. Comme quoi, les peuples autochtones ont les mêmes droits que les bantous », a martelé Larissa Ondzié Ongoni. Un rapport de complexité entre autochtones et bantous Pour la juriste, à l’issue de cette table ronde, le constat est qu’il y a encore entre les bantous et les peuples autochtones un rapport de maître et d’esclave. Cela est prouvé à travers les témoignages des femmes autochtones qui ont des maîtres qui les exploitent sans les rémunérer. Ils ont une pratique qu’ils appellent “Makumu” au cours de laquelle un violeur plonge des femmes autochtones dans un sommeil profond et abuse d’elles sexuellement, sans que ces dernières ne soient curieusement choquées. En effet, Angélique, autochtone, a témoigné avoir vécu des viols plusieurs fois mais et en parle d’une façon tellement naturelle parce que chez elle, cela devient presque culturelle, a souligné la juriste. Larissa Ondzié Ongoni pense que ces femmes doivent être édifiées, sensibilisées par rapport à leurs droits.« Ces femmes ne doivent pas prendre le viol comme quelque chose de naturel, parce que le viol sur le plan juridique est sanctionné par la loi. Au Congo, il y a la loi Emilienne-Mouebara du 2 mars 2022, une loi historique portant lutte contre les violences faites aux femmes, qui a été approuvée par les deux chambres du Parlement congolais. Nous devons aussi sensibiliser, édifier les chefs de village. Nous attendons donc la promulgation de cette loi. Puis, le challenge sera sa vulgarisation afin que les Congolaises et les Congolais se l'approprient. Il en est de même pour la loi de 2011 portant protection des peuples autochtones. Les chefs de village qui jouent les bons offices doivent être édifiés et sensibilisés également sur cette loi », a conclu la juriste. Arrivée au Congo il y a trois ans, Thérèse Barateau, qui se sent chez elle, estime que ce qui a trait à ce pays l’intéresse. D’où, sa participation à cette table ronde sur les femmes et filles autochtones. « J’ai beaucoup apprécié la table ronde parce que j’ai appris énormément de choses qui m’ont un peu choqué sur les rapports qui existent entre les bantous et les autochtones. Je pense que cette conférence va donner de la matière aux juristes qui ont un travail remarquable. Les bantous qui ont des à priori terribles sur les autochtones, devraient les respecter », a souligné Thérèse Barateau à l’issue de la table ronde. Notons que quelques jours auparavant, la fondation Eboko et l' Union des femmes africaines pour la paix, présidées par Vanessa Mavila, avaient organisé une table ronde à l’amphithéâtre du lycée de la Révolution sur le thème « Au-delà des larmes et de la douleur, la reconstruction ». Le but de cette conférence a été de donner la possibilité aux victimes de toutes sortes de violences de s’exprimer et d’emmener les jeunes et tous ceux qui commettent ces exactions à ne plus tomber dans ces travers mais plutôt à prôner la paix. Bruno Okokana Légendes et crédits photo :1 - Des participantes à la table-ronde / Adiac
2 - Des femmes autochtones Aka posant avec les organisateurs et participants à la table ronde / Adiac Notification:Non |