Chronique « Renessence » : pass amoureux

Samedi 26 Octobre 2024 - 18:02

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L'adolescence, quel bel âge si particulier ! L'âge du premier téléphone portable, du drame des premières règles et de la taille qui s'affine, ou pas. C'est surtout l'âge des premières expérimentations amoureuses et quand on s'en vient avec un handicap, attention à la casse...

" Dis-moi quel ado tu as été et je te dirai quel partenaire tu fais. " Heureusement pour plusieurs âmes, ce n'est pas toujours le cas, vient la saison du rachat, de la restauration, de la renaissance car l'amour, à l'adolescence, c'est comme la guerre.

Les premières expériences amoureuses, comme toutes les premières fois, laissent une forte impression sur l'âme et conditionnent pour beaucoup la relation avec d'ultérieurs partenaires amoureux.

À quatorze, quinze, seize ans, les entrées en relation sont loin d'être motivées par une démarche mature, un élan sincère et profond. Les ados se mettent en couple comme un enfant choisirait un nouveau doudou. Le doudou fait du bien mais Dieu sait comment il souffre, le doudou, et comment on le traîne et l'oublie partout, même aux toilettes.

C'est un amour très égotique et égoïste, égocentrique et égocentré qui vise à se faire du bien à soi, pas à l'autre. On change les petits amis au gré des envies, des caprices, du qu'en-dira-t-on, des humeurs, des tendances du moment et des compétitions entre les uns et les autres, les unes et les autres. A celui qui tire son épingle du jeu !

Pour un oui ou pour un non, pour un nez un peu trop gras, un certain accent, un lieu de naissance, un moment gênant une relation peut s'envoler en éclats. C'est le culte de l'esthétique, de l'inatteignable perfection, de la carrosserie plus que de l'esprit... Un univers, un monde, une saison de la vie où les petits complexes, les petits défauts peuvent très vite devenir de très lourds fardeaux.

Alors quand on s'en vient avec la drépanocytose, un concept de prime abord complexe, qui laisse des traces visibles sur le physique de ce garçon ou de cette fille qu'on aime bien, qu'on entend des termes comme " tare " qui sont tout à fait scientifiques et nullement péjoratifs dans ce monde-là, dans cette maladie-là, quand on voit cet autre se battre contre une multitude d'hospitalisations, de maux, d'absences répétitives et qu'on est fortement conscient qu'on peut le ou la perdre à tout moment puisque l'espérance de vie dans cette situation est légèrement en dessous de la normale et ce encore dans les pays développés forcément, c'est compliqué autant pour celui qui veut être aimé que celui qui prétend aimer.

Si à quinze ans on ne se pose pas forcément toutes ces questions-là, elles restent bien présentes dans le champ de l'inconscient et s'expriment par des rejets violents, irréfléchis et même des actes de violence qui visent à ne laisser à l'autre aucun espoir d'y espérer d'aucune manière. Se désengager est plus simple. La lâcheté, la trahison, passent alors pour une certaine forme d'autoprotection contre quelque chose d'appartement trop lourd, trop complexe.

S'il ne nous semble pas nécessaire de revenir sur notre expérience propre, elle se présage déjà assez bien, il nous semble important que les parents et les adolescents drépanocytaires eux-mêmes comprennent les enjeux et les dynamiques des relations amoureuses à ces âges-là afin de leur permettre d'enclencher un cercle de relations vertueuses et constructives en lieu et place de relations destructives.

La restauration de l'âme est une grâce que l'on ne peut obtenir sans l'avoir demandée et combien le chemin est long et douloureux. S'il est alors impossible de s'éviter quelques blessures émotionnelles par l'instruction, le conseil, l'échange d'expériences, c'est encore mieux. Nous réitérons encore nos remerciements à nos lecteurs pour le temps et l'attention qu'ils nous accordent.

Princilia Pérès

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