Félix Manuaku Waku : « les guitaristes congolais ne font plus que du copier-coller »

Lundi 20 Juin 2016 - 14:45

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Félix Manuaku Waku « Pépé Felly » était de passage à Bruxelles pour prendre part à un concert d’hommage à Papa Wemba. Ce virtuose de la guitare est l’inventeur du « Sébène » combinaison de notes dansantes) qui a largement contribué au succès de la musique congolaise. Il estime qu’il n’existe plus de créativité dans l’utilisation de la guitare chez les musiciens congolais.

Les Dépêches de Brazzaville : quelle est l’actualité de Felix Manuaku ?

FM : je réalise actuellement des outils didactiques. J’étais dernièrement à Londres pour enregistrer un dvd sur la technique de guitare de Pépé Felly Manuaku. Cette technique est issue de la musique traditionnelle de la RDC. Le dvd est déjà en vente. Par ailleurs, avec mon groupe à Kinshasa, nous avons sorti un single dont le titre de la chanson est « Makinda Ngolo » (forte danse).

LDB : Vous êtes à Bruxelles pour un concert d’hommage à Papa Wemba. Quel souvenir gardez-vous de lui ?

FM : Papa Wemba m’a appris l’humilité. Je l’ai rencontré pour la première fois en décembre 1969. Nous étions en pleine répétition avec l’orchestre Bel guide. Il accompagnait ses amis Chryzo et Beaudouin Mitcho. Ils nous ont écouté répéter nos chansons et ses deux amis ont demandé à leur cousin si Jules pouvait interpréter un titre. Ce qui a été fait et je l’ai accompagné à la guitare. Il est ensuite parti avec ses deux amis et nous avons poursuivi notre répétition jusqu’à la fin. Le soir même, Cosmos, un ami, m’a rejoint chez nous à la maison pour m’informer de la tenue d’une réunion le 24 décembre 1969 vers 15h. A l’issue de cette réunion, à part moi, tous les autres musiciens de Bel Guide ont été révoqués par le comité directeur dirigé par Henri Mongombe le président, DV Moanda, le vice-président ainsi que Delo Marcellin et André Bita, les cofondateurs de Bel Guide. Avec Jules, qui avait presté lors de notre répétition, nous allons créer un nouveau groupe. C’est ainsi qu’est né Zaïko Langa Langa. La première répétition a eu lieu le 25 décembre 1969 sur l’avenue Luozi A9, quartier Matonge, appelé Remquin à l’époque. Lors de la première répétition, nous étions donc les deux seuls musiciens. Moi, qui suis sorti des cendres de Bel Guide et ce fameux chanteur que j’appelle le détonateur de l’opération: Papa Wemba.

LDB :  sur combien de titres avez-vous collaboré avec Papa Wemba ?

FM : nous avons collaboré sur beaucoup de titres même dans Viva la Musica. Je suis le seul musicien de Zaïko qui ai joué dans le répertoire de Viva la Musica sur disque. A titre d’exemple, je suis intervenu sur les titres « Soul Gbemani » et « Kaokokokorobo » contenus dans l’album « Pôle position ».

LDB : vous aviez créé une école de musique à Kinshasa, existe-t-elle toujours ?

FM : malheureusement non. J’étais confronté à de nombreux problèmes qui m’ont poussé à arrêter ce projet. Je devais chaque fois contribuer financièrement de ma poche pour couvrir les charges. A la fin, je me suis retrouvé asphyxié par les nombreuses taxes. J’ai dû renoncer. Mais je vais relancer le projet sous une autre forme. C’est pour cela que j’ai déjà commencé avec la production des dvd pédagogiques.

LDB : aujourd’hui quel regard portez-vous sur la musique congolaise en général et particulièrement sur l’utilisation de la guitare dans cette musique ?

FM : la musique congolaise continue son bonhomme de chemin. Mais la guitare congolaise est en train de se dénaturer. D’où la nécessité de redonner un coup de pouce pour donner une autre orientation et développer des éléments musicaux censés donner un nouveau rayonnement à cette musique.

LDB : qu’est-ce qui ne marche pas dans cette guitare congolaise ?

FM : il n’y a plus de créativité. Nous avons plusieurs styles musicaux dans notre pays notamment dans la musique traditionnelle. On peut compter plus de 200 genres musicaux. Je constate malheureusement qu’actuellement les guitaristes n’accordent plus beaucoup d’importance au travail. Ils ne font que du copier-coller. Nous n’avons plus de plages musicales où l’on entend l’expression d’une guitare. A chaque fois, il y a toujours une voix qui crie. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui « animation ». Cependant, je me souviens qu’à une époque la guitare, à elle seule, était en mesure de créer cette animation et faire se trémousser les gens. Néanmoins, j’apprécie les guitaristes qui font bien leur travail et quand ils ne le font pas bien je n’apprécie pas non plus. Même moi, je n’ai pas fait que de belles choses dans ma carrière. Parfois quand je réécoute certains morceaux, je me pose la question de savoir comment ai-je pu produire un pareil son ?

LDB : collaborez-vous actuellement avec d’autres artistes congolais ?

FM : je suis toujours disponible pour collaborer avec tous les artistes. Le tout dernier avec qui j’ai collaboré c’est Adolphe Dominguez qui m’a invité à travailler sur l’un de ses albums.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Félix Manuaku Waku

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