Abel Omer Malonga : « Je crée des prototypes qu’on peut exploiter dans les industries céramiques »Lundi 5 Septembre 2016 - 10:09 Artisan céramique, Abel Omer Malonga dirige la Faïencerie Betsalel de Brazzaville. Il nous révèle l’importance de la recherche scientifique dans l’industrie céramique et les difficultés qu’il rencontre le long de la chaîne de production. Les Dépêches de Brazzaville : Vous êtes artisan céramique, depuis combien d’années exercez-vous ce métier ? Abel Omer Malonga : Je suis d’abord professeur d’arts à l’enseignement technique. C’est depuis 2000 que j’ai créé mon atelier « La Faïencerie Betsalel de Brazzaville ». Outre ma formation, je dois ma connaissance aux nombreux stages effectués en Corée du Sud et à Guangzhou en Chine, la ville même de la porcelaine. La céramique est un grand domaine qui va jusque dans les sanitaires, et même dans l’industrie aéronautique. L.D.B. : La faïencerie relève du domaine de la culture. Alors, Quel est le lien entre la faïencerie et la recherche scientifique ? A.O.M. : Je crée des prototypes qu’on peut exploiter dans les industries céramiques. Mes tasses, par exemple, sont des créations « made in Congo ». Ce sont des modèles que vous ne trouverez pas ailleurs, concernant la texture, la couleur et même la forme. C’est ce qui fait de moi un innovateur, donc un créateur de produits typiquement congolais. Il y a donc le laboratoire et les compétences en recherche d’innovation qui me lie à la recherche scientifique. L.D.B. : Comment faites-vous pour vous approvisionner en matière première ? A.O.M. : Jusqu’à présent l’argile au Congo n’est pas encore vendue dans les magasins comme j’ai vu ailleurs. L’argile est un minéral, donc on peut l’exploiter sur le plan artisanal et industriel. Au Congo, nous avons dans tous les départements les bonnes argiles, mais les gens n’ont pas assez de connaissance. On me vend des sacs d’argile à bon prix. Par contre, l’acquisition des intrants (couleurs) est un véritable casse-tête. Comme on ne peut pas fabriquer les couleurs sur place, nous les achetons à Limoges en France, grâce à nos partenaires américains. Ces couleurs coûtent cher. C’est un véritable sacrifice, vu que je ne bénéficie d’aucune subvention. L.D.B. : Quel message faites-vous passer à travers vos sculptures ? A.O.M. : Dans mes sculptures, je fais la plaidoirie des peuples autochtones. Ce sont des humains comme nous. Partout où je suis passé, j’ai constaté que ces peuples étaient négligés par les bantous alors que ce sont nos semblables. Pour moi, ces sculptures sont une manière de plaider en faveur de leur intégration dans la société. L.D.B. : Si le ministère chargé de la Recherche scientifique mettait en place un laboratoire pour produire de la porcelaine, seriez-vous en mesure d'en produire en quantité industrielle ? A.O.M. : Effectivement, le grand problème est que la recherche scientifique n’a pas de laboratoire pour produire la porcelaine. Le Congo a tout ce qu’il faut pour créer sa propre porcelaine. Une fois acquise, la production en grande quantité dépend seulement des machines qui vont multiplier en série ce que nous avons conçu au laboratoire. Dans ce cas, il faut préparer les ressources humaines. L.D.B. : Parlez-nous un peu du volet commercialisation A.O.M. : La commercialisation est encore un volet très difficile, car les gens émettent un doute sur la qualité de nos produits, simplement par manque de connaissance. Les gens ont pris l’habitude d’acheter des produits étrangers. Ceux qui connaissent la faïence viennent quand même, mais ma clientèle est plus étrangère. Les Congolais sont habitués aux objets plastiques, parce que moins coûteux. J’avoue que ça coûte un peu cher par rapport à la manière d’acquisition de la matière première, mais ce sont des objets de prestige. C’est pourquoi j’envisage vulgariser ce métier auprès des jeunes. Grâce à la compétitivité, avec le projet de l’industrie céramique à Makoua, à Maloukou, je crois que les prix vont baisser. Josiane Mambou Loukoula Légendes et crédits photo : Abel Omer Malonga dans son atelier Notification:Non |